Le 7 janvier 2021, l’auteur Takehiko Inoue annonce que son manga Slam Dunk, qui a fait les belles années du magazine Weekly Shônen Jump, va recevoir prochainement une nouvelle adaptation en film d’animation par le studio Toei. L’effet est immédiat puisque sur ce même mois de janvier, le manga Slam Dunk se classe 20ème du classement Oricon avec près de 300 000 volumes vendus, pour un manga terminé il y a vingt-cinq ans. Le même mois, la chaîne de télé japonaise TV Asahi réalise un sondage auprès de 150 000 personnes pour déterminer les mangas les plus marquants pour le public. Slam Dunk se classe troisième, devant Dragon Ball, Naruto et Fullmetal.
Les chiffres ne mentent pas ; Slam Dunk est un des mangas qui a plus marqué le lectorat japonais et sa popularité n’a jamais diminué au fil des ans, malgré l’absence d’exploitation commerciale comme en bénéficient d’autre licences. Et l’annonce de ce nouveau film nous rappelle qu’il y a déjà eu une adaptation dans les années 90 par Toei, sous la forme d’une série télé de 101 épisodes. Et devine quoi, bah c’est de ça dont on va parler.
Hanamichi Sakuragi est connu comme une des pires racailles de son quartier, toujours prêt pour la bagarre. Derrière son apparence de délinquant, se cache néanmoins un grand romantique qui cherche l’amour. Mais à la fin du collège, Sakuragi s’est pris cinquante râteaux et n’a jamais pu se rapprocher d’un membre de la gente féminine. Lorsqu’il intègre le lycée Shohoku, le jeune garçon entend bien repartir de zéro et accomplir l’objectif de tout homme qui se respecte, c’est-à-dire pécho.
C’est alors qu’apparaît Haruko, dont Sakuragi immédiatement amoureux. Aucun doute cette fois, c’est la bonne. Sauf que Haruko est déjà intéressée par un autre garçon, Rukawa Kaede, nouveau membre de l’équipe de basket-ball du lycée. Sakuragi n’a aucun intérêt pour le basket, mais Haruko est une grande fan et son frère n’est autre que le capitaine de l’équipe. Pour parvenir à ses fins, c’est-à-dire pécho, Sakuragi n’a d’autre choix que d’intégrer l’équipe et devenir un joueur d’exception…
Ce qui est important avec Slam Dunk, c’est qu’il va définir le moule dans lequel les autres mangas de sport vont s’inscrire à partir des années 90. Fini les mangas sportifs débiles à la Olive et Tom et leurs techniques stupides, maintenant on passe aux choses sérieuses. Slam Dunk est une vraie série de sport, recherchée, documentée, par un auteur manifestement passionné par le sujet au point qu’il publie encore aujourd'hui un autre manga de basket. Quand il s’agit du sport le manga se veut sérieux, traitant de son sujet sans excès ni exagération, avec une quête d’authenticité qui explique largement son succès.
La série n’en n’oublie pas la dramaturgie cependant, avec un large ensemble de personnages marquants au cœur duquel se trouve les membres de l’équipe de Shohoku. Le protagoniste Sakuragi est l’archétype du débile au grand cœur, tout dans les muscles rien dans la tête, un crétin total et indiscipliné qui finira par acquérir l’attitude d’un athlète. Son rival Rukawa est un autre archétype, celui du génie naturellement doué pour le basket et moins pour les relations sociales. Le capitaine de l’équipe, Takenori Akagi, rêve de se mesurer aux meilleures équipes du pays avant de quitter le lycée. D’autres personnages interviennent, avec leurs ambitions et leurs dilemmes, pour une histoire qui finalement s’étale sur à peine quelques mois. C’est juste une bande de gosses qui jouent au basket dans un coin perdu de je ne sais pas quel bled du Japon, mais c’est raconté comme si les enjeux étaient comparables à la NBA et on s’y croit complètement.
Contrairement à un Adachi qui utilise le sport comme point de départ de ses histoires de romance et de mélodrame, Slam Dunk reste centré sur le sujet du sport et ne s’autorise que très rarement à parler d’autre chose – le récit contient quelques aspects dramatiques, mais ils sont suggérés plus que montrés. Il y a en revanche une bonne dose de comédie, un peu de romance, et beaucoup de rivalité virile. Les personnages sont attachants, on a envie de voir Sakuragi progresser avec son équipe, les matches sont tendus à souhait avec des retournements de situations désespérées et tout ce qui fait le sel de ce genre de série. Ce n’est pas lourd, ce n’est pas chiant, je me suis englouti les cent épisodes en quelques semaines et j’aurais pu sans problème en bouffer cinquante de plus tellement ça passe tout seul.
L’anime a bénéficié il y a quelques années d’une remasterisation Blu-Ray, dont les screens illustrent ce texte, et autant dire que le résultat est à la hauteur. Vous prenez les illustrations de Takehiko Inoue, vous y appliquez le style d’animation détaillé des années 90, vous produisez ça par le studio d’animation le plus expérimenté de l’époque, et vous me nettoyez le bazar pour que ça passe en Blu-Ray ; pas étonnant qu’il s’agisse d’un des plus beaux animes télé de la première moitié des années 90. Le réalisateur est Nobutaka Nishizawa, qui avait produit l’adaptation de Sakigake Otokojuku chez Toei, et la série profite de son expertise s’agissant de rendre des bonhommes à l’écran. Le design est simplement irréprochable, mais ce n’est pas la seule qualité.
On a beau avoir le plus grand respect pour M. Inoue, grand artiste machin tout ça, il faut admettre que pour une série de sport l’ajout du mouvement, du son, des voix c’est quand même un avantage non négligeable. En particulier pour un sport tel que le basket avec des sons si spécifiques (la balle qui rebondit pendant le dribble, le crissement des chaussures sur le parquet…). La mise en scène est typique des animes de Toei, on grappille du temps d’antenne au moindre truc ; au basket les actions durent à peine quelques secondes, c’est un sport très rythmé, ce qui n’empêche pas l’anime de consacrer une moitié d’épisode à un seul tir ou une seule passe. Toutefois les ajouts ne sont pas dénués de sens, certains passages survolés dans le manga sont développés et approfondis, le récit est étoffé plutôt que simplement étiré.
Le gros problème de cette série, c’est qu’elle n’est pas complète. Pour une raison inexplicable l’anime ne couvre que les deux-tiers du récit raconté dans le manga, et l’histoire s’arrête précisément au moment où l’histoire entre dans son moment le plus crucial. Imaginez un manga sur la conquête spatiale dont l’anime s’arrêterait juste avant que les personnages posent le pied sur la Lune. C’est un peu dommage quand même, et on ne sait pas encore si ce nouveau film d’animation a pour projet de réparer cette injustice vieille de vingt-cinq ans, ou si cela augure carrément d’une toute nouvelle adaptation complète comme c’est la mode avec d’autres mangas du Jump (Dai no Bôken, Shaman King…).
Ce souci de taille empêche de considérer cette adaptation de Slam Dunk comme une réussite totale, mais bordel que c’est pas passé loin. C’est beau, c’est intéressant, c’est marrant, ça respire la sueur et le sang de l’Homme et même vingt-cinq ans après c’est le genre de fragrance que tu peux pas oublier.