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« Parce que tu m’as vu, tu as cru ; heureux ceux qui n’ont pas vu, mais qui ont cru ! » (Jean, 20:29)
En effet, j’avais beau entendre partout que la franchise Votoms constituait le pinacle du real robot, et était un passage obligé pour le fan d’animation japonaise souhaitant parfaire sa connaissance des séries mythiques du média, j’étais resté dans mon incrédulité et refusais de croire. Comment une série si confidentielle en Occident pourrait prétendre à l’importance et à la qualité que lui prêtent ses rares fans ?
Mais le doute n’est qu’une étape dans le cheminement du croyant. Ce cheminement m’a amené à visionner l’intégralité de la première série de Votoms ; et lorsque j’ai vu, j’ai cru.
Votoms est l’aboutissement de la création d’un genre emblématique de l’animation japonaise que l’on appelle le « real robot ». Cette catégorie née à la fin des années 1970 s’oppose à la mode des robots fantasques et invraisemblables en vigueur jusqu’alors (le « super robot »), et choisit de mettre en scène des engins plus plausibles scientifiquement. Il est communément admis que l'acte de naissance du real robot fut Kidô Senshi Gundam en 1979. Puis suivit Chôjiku Yôsai Macross en 1982, et enfin Sôkô Kihei Votoms en 1983.
Plus que jamais, les robots dans Votoms se veulent moches, limités et indiscernables les uns des autres. Tout au plus ils ne sont que des tanks bipèdes que l’on utilise et dont on dispose comme de vulgaires boîtes de métal. Le robot n’est ni glorifié ni stylisé, il n’est qu’une arme dont les personnages se servent pour se battre et poursuivre leur destins.
L’histoire se déroule dans la galaxie d’Astragius, alors que les fédérations de Gilagamesh et de Balarant s'apprêtent à mettre un terme à une guerre qui déchira l’espace durant plus d’un siècle. Mais dans l’ombre les complots continuent ; c’est ainsi que Chirico Cuvie, soldat d’élite, est envoyé en mission sur une base secrète pour y accomplir de mystérieux ordres. Il y découvre alors un secret qui va l’amener à déserter l’armée et à se battre seul contre toute la galaxie.
C’est cette quête de Chirico qui va motiver toute la série du début jusqu’à la fin. Ses combats le mèneront à dévoiler toute une toile de conspirations et de secrets qui amèneront le spectateur à revoir régulièrement l’entièreté du background de la série.
Le scénario en lui-même se divise en quatre grandes parties clairement identifiées et identifiables, qui aident le spectateur à s’y retrouver et qui ont permis au réalisateur d’expérimenter des registres légèrement différents à chaque fois.
L’arc Udoo (épisodes 1 à 13) se déroule dans une ville souterraine surpeuplée et insalubre livrée à la corruption et l’ultra-violence. Chirico s’y retrouve coincé après avoir déserté l’armée suite au secret qu’il a découvert dans le premier épisode. Mais il est vite repéré par ses anciens supérieurs qui ne pensent qu’à l’éliminer ; tandis que Chirico tentera de comprendre ce qui l’a amené à cette situation critique.
Cette première partie sert surtout à poser les enjeux, le ton de la série et le caractère des personnages principaux. Les scripts des épisodes en eux-mêmes sont parfois assez pauvres et répétitifs mais l’histoire installe immédiatement une atmosphère de mystères, de complots et parvient à nous rendre accros à la quête de réponses de Chirico.
L’arc Kummen (épisodes 14 à 27) voit l’action se déplacer vers une jungle où une guerre civile fait rage. Chirico, qui n’a pas spécialement beaucoup avancé dans sa quête depuis les évènements de Udoo, s’y retrouve comme mercenaire employé par le gouvernement loyaliste pour détruire des guérilleros rebelles. Mais tout n’ira pas aussi bien lorsque Chirico verra que la gigantesque conspiration dans laquelle il a mis le doigt l’a poursuivi jusque-là…
Rétrospectivement Kummen est l’arc le plus réussi de la série. Malgré des débuts un peu mous, le scénario prend une ampleur extraordinaire en ajoutant un grand nombre de personnages et en levant un coin de voile sur le background. Les personnages commencent à devenir réellement attachants et même la sous-intrigue de la guerre civile se révèle vite passionnante. La conclusion de cette partie est un festin de drama tout à fait savoureux et qui conclut magistralement la première moitié de la série.
Suit alors l’arc Sunsa (épisodes 29 à 39) qui se veut une rupture dans le ton et le rythme de la série, et qui se subdivise lui-même en deux parties. Dans la première, Chirico se retrouve enfermé -presque- seul dans un vaisseau spatial inconnu et sur lequel il n’a aucun contrôle. Cette solitude lui offrira l’occasion d’entamer son introspection alors que le scénario nous en dévoile plus sur toute la dimension politique de l’histoire, jusque-là assez peu présente.
Par la suite, Chirico débarquera sur la planète Sunsa, dévastée et privée d’atmosphère, où il devra livrer d’intenses combats qui le mèneront à une terrifiante vérité.
Souvent considérée comme la partie la plus faiblarde de la série, Sunsa recèle pourtant de certains excellents passages comme celui dans le vaisseau spatial qui réussit à merveille à placer une ambiance anxiogène. La suite sur la planète proprement dite offre elle aussi de purs moments comme la traversée du désert pas tout à fait en solitaire de Chirico et les combats qui suivent.
L’arc Quaint (épisodes 41 à 52) voit Chirico débarquer sur une planète désertique à l’histoire étrange et sur laquelle sont censés se trouver toutes les réponses à ses questions. Et en effet, Chirico et le spectateur vont découvrir ensemble que les secrets de la galaxie sont encore plus énormes qu’escomptés…
Je suis resté dubitatif durant une grande partie de l’arc Quaint à cause du virage spectaculaire qu’il opère dans l’histoire de la série. En effet, plusieurs éléments nouveaux sont incorporés à l’intrigue et forcent le spectateur à revoir en profondeur le background de la série et la totalité des éléments qu’elle raconte. Pourtant, aucune incohérence majeure ne vient mettre à mal le déroulement de l’histoire et après une série de combats aux proportions galactiques (littéralement), le script réussit à retomber sur ses pieds dans les cinq dernières minutes du dernier épisode pour conclure de manière plus que satisfaisante, et émouvante, l’histoire de Chirico.
Chirico dont la personnalité et le charisme tiennent la série à bout de bras. Si aujourd’hui on a tendance à railler les héros taciturnes et renfermés (qualifiés de d33p ou de d4rk), alors Chirico remporte sans conteste la palme. Tout au long de la série il ne laisse filtrer pratiquement aucune émotion, ne laisse que rarement entendre son opinion sur les évènements qui l’entourent et adopte une posture extrêmement détachée envers ceux qu’il ne qualifie pourtant même pas d’ "amis", mais pour lesquels il se mettra en danger constant pour les sauver. Cependant, l’identification à ce personnage indestructible et incorruptible fonctionne car dans le fond, Chirico est comme nous : il cherche des réponses. D’où vient-on ? Où va-t-on ? Pourquoi est-ce que ça m’arrive à moi ? Des questions élémentaires qui sont au cœur de la série et qui nous poussent à poursuivre cette quête.
Une quête émaillée de combats de robots qui ne manquent aucun épisode, à tel point que vers la fin ceux-ci semblent presque forcés tant l’intérêt de la série ne cesse de s’éloigner des batailles. De plus, sans tomber dans l’injustice qui serait de juger la technique d’une série de cette époque et de cette longueur, on admettra que les combats de real robot avec leur engins moches et tous identiques sont peut-être moins captivants qu’ils auraient pu l’être dans un autre genre de série. Cela n’enlève toutefois absolument pas la qualité de certaines joutes qui parviennent à intéresser grâce à leur mise en scène et le ton militaro-stratégique (real robot, encore une fois) à laquelle reste fidèle la série.
Après la première série Votoms, le réalisateur Ryosuke Takahashi a poursuivi l’exploitation de la franchise en sortant moult OAV dont certains sont assez récents. Mais les histoires racontées par ces productions se situent aussi bien avant (Roots of Ambition), pendant (The Last Red Shoulder) qu’après (Shining Heresy) les évènements de la série télé ; une chronologie compliquée qui n’a pas aidé à faire sortir la licence de l’obscurité et l’a maintenue dans le giron de ses fidèles.
Mais comme disait le pape Jean-Paul II, n’ayez pas peur de croire. La première série est très simple à suivre et n’est absolument pas dépendante des OAV suivants, qui rajoutent seulement du contenu dans l’univers.
La franchise Votoms fête ses trente ans en cette année 2013. Une occasion comme une autre de venir à elle et de sauver votre âme par la foi et la prière…
Les plus
- Une aventure épique et variée
- Rebondissement, drama, introspection, tout y est
- Un plot-twist final inégalable
- Du robot bien hardcore et en quantité
- Génériques et OST classieux
Les moins
- Transitions à la serpe
- Quelques incomplétudes dans la série TV