Bienvenue dans le Manoir Deluxe, un lieu où se chevauchent réalité et fiction… On raconte qu’il y a bien longtemps, cet endroit était habité par un individu passionné d’animation japonaise, à laquelle il avait consacré toute son existence. Mais au moment de sa mort, il n’avait pas fini de regarder ses dessins animés favoris ; son esprit continua donc d’errer en ce monde, sa soif d’anime ne pouvant être étanchée. Et il paraît que le soir d’Halloween, ceux qui se rendent dans son Manoir peuvent entendre la voix de cet esprit leur parler d’animes horrifiques.
Depuis quelques années, l’horreur en japanimation a beaucoup de mal à se frayer un chemin jusque devant les écrans. Les animes sont devenus tellement chers à produire et à promouvoir dans un marché saturé que financer des séries télé horrifiques, qui par définition ne sont pas grand public et s’adressent à une niche, relève de l’inconcevable. Autrefois il y avait le format OAV pour compenser, comme on a pu le voir l’année dernière et l’année d’avant ; mais cela n’est plus d’actualité, le format OAV étant mort au tournant des années 2000.
C’est ainsi que pour continuer à raconter des histoires horrifiques au format anime, certains ont trouvé l’astuce des formats courts, ces tout petits animes de cinq-dix minutes maximum qui apparaissent chaque saison dans le planning mais dont tout le monde se fout. Et c’est justement leur qualité : comme personne ou presque ne s’intéresse à ces miettes d’animes, ils peuvent en profiter pour raconter n’importe quoi sans se soucier de l’impact sur le public. C’est ainsi qu’on a vu des trucs étranges comme un anime de romance en vue subjective, un anime d'héroic-fantasy en petite tenue, ou encore un anime érotique avec un prêtre bouddhiste qui… what ?
Le genre horreur n’est pas en reste avec notamment la séries des Yamishibai qui en déjà à sa cinquième saison. Et c’est justement un des réalisateurs de cette franchise qui a produit The World Yamizukan, l’anime qui nous intéresse ici.
Yamizukan est donc une mini-série de treize épisodes de moins de cinq minutes chacun, dont chaque segment propose de raconter une histoire plus ou moins horrifique, même si en l’espèce le terme doit être entendu dans son sens le plus large. Yamizukan ne fait pas peur, il n’est ni violent ni angoissant, et on n’est pas spécialement mis mal à l’aise. Les histoires racontées sont très simples et factuelles, il s’agit généralement de personnages tout à fait normaux qui vont faire la rencontre inopinée de monstres/aliens/robots/fantômes/démons (rayez la mention inutile) et qui ne tarderont pas à en constituer le repas…
Le principe est donc assez évident et pourrait fonctionner, mais la manière dont sont racontées les histoires empêche de s’y intéresser au-delà de la simple énonciation de faits. La base de l’horreur c’est lorsque les informations les plus cruciales sont cachées au spectateur, c’est ça qui fait angoisser le public. Yamizukan n’est pas intéressant car il ne cache rien ; si par exemple il s’agit d’une histoire d’extra-terrestres, l’anime ne va pas se contenter de mentionner l’existence d’extra-terrestres ; il va les montrer, les faire agir face caméra, ce qui tue le mystère avant qu’il n’ait commencé à s’installer.
Le seul et unique épisode qui est légitimement réussi du point de vue de l’angoisse est le neuvième, qui repose sur un truc très simple mais que je n’avais pas vu venir, justement parce que le reste de l’anime est tellement plat. On dirait presque que les histoires sont en fait des synopsis rejetés de films d’horreur, des idées de pitchs pour d’autres productions qui ne se seraient pas concrétisées et que le réalisateur a compilées dans cet omnibus. Et sachant que Noboru Iguchi est connu au Japon pour sa carrière de réalisateur de films de genre (The Machine Girl, Cat-Eyed Boy) ce n’est peut-être pas la plus mauvaise lecture de la série.
La mise en scène de l’anime est très minimale comme on peut s’y attendre, mais ce n’est pas nécessairement un défaut bien au contraire. Les histoires sont illustrées par des images qui défilent à la manière d’une séance de diapositives. Chaque épisode a sa propre direction artistique, avec parfois une approche réaliste à l’occidentale, ou un aspect plus proche du cartoon, de la bande-dessinée ou du manga. Un des épisodes est même tourné en prise de vue réelles, ce qui nous pousse aux limites de ce que l’on peut considérer comme un anime. Dans tous les cas cette variété visuelle, et le talent évident des illustrateurs suffit à faire de Yamizukan une expérience agréable malgré la faiblesse des histoires racontées.
Et maintenant chers amis, il va falloir nous quitter. Le Manoir Deluxe ferme ses portes et ne rouvrira que l’année prochaine. Et si vous avez lu ce texte jusqu’ici, sachez que vous êtes d’ores et déjà dans le collimateur comique de l’Esprit des Coliques, un méchant fantôme qui vous provoquera des ballonnements et des gaz dans les situations les plus inappropriées (rendez-vous galant, entretien d’embauche, ascenseur bondé). Si vous ne voulez pas passer toute l’année qui vient à lâcher des caisses bruyantes et odorantes, votre seule solution est de cliquer sur « convaincante » dans le petit questionnaire en dessous de cette critique. En vous remerciant… Et bon Halloween.