[SPECIALE HALLOWEEN] UZUMAKI — Chacun pour soi est reparti, dans l’tourbillon de la vie…

» Critique de l'anime Spirale par Deluxe Fan le
20 Octobre 2024
Spirale - Screenshot #1

Bienvenue dans le Manoir Deluxe, un lieu où se chevauchent réalité et fiction… On raconte qu’il y a bien longtemps, cet endroit était habité par un individu passionné d’animation japonaise, à laquelle il avait consacré toute son existence. Mais au moment de sa mort, il n’avait pas fini de regarder ses dessins animés favoris ; son esprit continua donc d’errer en ce monde, sa soif d’anime ne pouvant être étanchée. Et il paraît que le soir d’Halloween, ceux qui se rendent dans son Manoir peuvent entendre la voix de cet esprit leur parler d’animes horrifiques.

Dans le milieu du manga horrifique, Junji Ito est reconnu comme un des auteurs contemporains majeurs du genre avec près de quarante ans de carrière, des publications par dizaines, des prix un peu partout dans le monde et une réputation internationale. Il faut dire qu’avant d’être mangaka Junji Ito était dentiste, autant dire que l’horreur, la douleur et la torture lui sont familiers.

Si les travaux de Junji Ito ont trouvé leur chemin vers le cinéma, il a eu moins de succès en animation. On peut citer les anecdotiques OAV Gyo sortis il y a une douzaine d’années, et plus récemment les séries Junji Ito Collection du studio Deen qui là non plus n’ont pas fait beaucoup de vagues. Une indifférence injuste qui pourrait ne pas se reproduire avec Uzumaki, la nouvelle adaptation de Junji Ito récemment diffusée après des années d’attente. En effet, Uzumaki est souvent considéré comme un des travaux majeurs de Ito, et l’anime est une co-production entre le Japon et les États-Unis ce qui promet une exposition beaucoup plus importante que les précédentes tentatives. C’est triste que le Japon soit obligé de mendier un peu de moyens aux américains pour faire connaître un de leurs plus grands mangakas vivants, mais quand les producteurs japonais préfèrent vomir cinquante adaptations de light novel par saison forcément il ne reste plus trop de place pour la variété.

Spirale - Screenshot #2Kirie est une jeune fille qui habite avec ses parents et son petit frère dans la ville portuaire de Kurouzu. Elle reçoit aussi la visite régulière de son petit ami Shuichi, qui ces derniers temps la prévient de phénomènes étranges. Les habitants de Kurouzu semblent de plus en plus obsédés par les spirales, qu’ils voient partout dans leur environnement mais aussi dans leur tête…

On ne va pas en raconter beaucoup plus car le point le plus important de Uzumaki, c’est précisément la surprise. Au fil des quatre épisodes, des évènements de plus en plus étranges vont survenir et prendre les personnages comme les spectateurs au dépourvu, et souvent les prendre aux tripes avec. Il n’y a pas véritablement d’intrigue, si ce n’est d’observer la descente aux enfers de cette ville soumise à des forces ésotériques inexplicables. Ito a dit que Lovecraft faisait partie de ses inspirations, et on retrouve effectivement cette ambiance où l’horreur se trouve surtout dans la crainte et la peur de l’inconnu cosmique.

Cela explique aussi sans doute pourquoi les œuvres d’Ito ont eu autant de difficulté à trouver leur chemin vers l’animation, tout l’intérêt repose sur cette imagerie body horror absolument répugnante qui ne passerait pas à la télévision. Malformations, transformations hideuses, anthropophagie, rien ne nous est épargné et il faut avoir l’estomac bien accroché pour suivre la série sans rendre son petit déjeuner. On sent que c’est une adaptation de manga dans le sens où le malaise vient d’abord et avant tout de l’image, du dessin, de la représentation picturale qui interpelle par son caractère immonde; pas étonnant que Junji Ito ait inspiré tant d’artiste à travers les années, certains plans restent en mémoire en se demandant comment de telles images peuvent venir à l’esprit de quelqu’un.

Spirale - Screenshot #3En parlant d’image venons-en à la réalisation qui est l’autre point crucial de cette série. L’anime est financé par les États-Unis mais produit au Japon par le studio Production IG, et par le réalisateur vétéran Hiroshi Nakagawa qui opère dans le milieu depuis les années 90. Il y a une dizaine d’années, Nakagawa s’était notamment fait remarquer pour la série Aku no Hana qui avait déclenché une polémique en raison du choix artistique d’utiliser la rotoscopie ce qui transformait radicalement le style du manga. Il s’agit donc d’un réalisateur habitué des expérimentations techniques quitte à dévier du style original, ce qui est une bonne idée dans le cadre d’un anime d’horreur mais pas forcément indiqué lorsque l’on parle d’une adaptation aussi attendue d’un manga célèbre d’un auteur très respecté.

En l’espèce, le résultat final est mitigé. L’anime utilise lui aussi la motion capture, c’est à dire des modèles en 3D sur lesquels les animateurs ont redessiné par-dessus. Cela rend des mouvements plus réalistes et fluides qu’avec l’animation limitée habituellement utilisée en japanime, et fonctionne bien dans le cadre de cette série. Par ailleurs, le choix de conserver l’esthétique noir-et-blanc du manga est un coup de génie qui permet de masquer les limites de l’animation 3D tout en rendant hommage au trait de l’auteur. C’est notamment visible dans les décors ou certains monstres qui ne bougent pas et sont donc dessinés à la main, permettant aux artistes de concentrer leurs efforts pour un maximum d’impact graphique.

Spirale - Screenshot #4Là où l’anime montre ses limites c’est dans la production proprement dite. Nombreux sont ceux qui ont remarqué un affaissement de la qualité technique dès le deuxième épisode, avec une animation beaucoup plus limitée et un dessin médiocre. D’après les infos, Nakagawa se serait fait dégager de la production après le premier épisode et remplacer par des débutants qui ont sous-traité la série à des studios chinois. Le souci, c’est que tu peux pas avoir un anime avec un style aussi spécial et ne pas y consacrer des moyens suffisants, soit tu vas au bout de ton concept artistique soit tu fait une adaptation au rabais. Là avec Uzumaki, les producteurs américains ont annoncé le projet avec des trailers très aguicheurs mais dans les années qui ont suivi ils n’ont manifestement pas voulu y mettre trop d’efforts, parce que le respect des américains pour l’animation japonaise s’arrête là où commencent leurs objectifs de rentabilité.

A bien des égards cette adaptation d’Uzumaki me rappelle un autre anime sorti l’an dernier qui s’appelle Pluto : dans les deux cas ce sont des adaptations de manga réputés par des auteurs très respectés, produits par des américains, et qui n’ont pas été capables de respecter le travail des animateurs et finissent par rendre un produit en demi-teinte. Entre les deux cependant, Uzumaki m’a semblé bien plus intéressant artistiquement, avec un choix esthétique tranché, et bien sûr le fond de l’œuvre qui explore des imageries horrifiques que l’on ne voit pas ailleurs. Ce n’est sans doute pas un anime aussi abouti qu’il aurait pu l’être, mais la puissance évocatrice du travail de Junji Ito est telle qu’elle arrive à transparaître malgré tout. 7,5/10

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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