En 2018, le studio Trigger produit SSSS.Gridman, une série de tokusatsu animée vaguement reprise d’une veille franchise oubliée des années 90. Assez différente du reste des productions estampillées Trigger, l’anime créé la surprise au point de devenir le seul du studio à se trouver une place dans la liste des animes de la décennie d’Anime-Kun, ce qui prouve de manière indiscutable sa qualité. Pour les détails, on se réfèrera aux critiques publiées sur la fiche.
Au succès critique s’ajouta le succès commercial, suffisamment en tout cas pour qu’une suite soit mise en chantier. Elle sera diffusée deux ans plus tard sous le titre SSSS.Dynazenon, et bien qu’elle se situe dans le même univers, les personnages et l’intrigue sont tout à fait distincts. Il est toutefois recommandé d’avoir vu Gridman avant s’y lancer, ne serait-ce que pour comprendre le délire.
Yomogi est un ado ordinaire qui fait une rencontre étrange sur le chemin des cours ; un sans domicile fixe qui prétend que des kaijus, ces monstres géants, sont sur le point de faire leur apparition en ville. Peu enclin à écouter les divagations d’un clodo, Yomogi ne prête pas grande attention à l’individu jusqu’au moment où un kaiju fait effectivement irruption et commence à semer mort et destruction. Yomogi n’a alors pas d’autre choix que de suivre Gauma, le clochard, Yume, sa copine de classe, et Koyomi, un chômeur qui passait par là, pour piloter le robot Dynazenon et sauver le monde…
Le principe général est similaire à Gridman, à savoir un fort contraste entre la « tranche-de-vie » des personnages dans leur galère existentielle, et des combats de robots géants complètement excessifs avec des immeubles qui volent et des méga-lasers de l’espace. Si vous apprécié la proposition de Gridman il y a des chances que vous soyez réceptifs à Dynazenon, même si comme souvent ce sont les différences qui sont plus intéressantes que les ressemblances.
De mon point de vue Gridman marchait clairement dans les pas de Evangelion, dont il emprunte non seulement le genre, la mise en scène ainsi que le compositeur de la bande-son, mais aussi une partie du propos qui mêle névroses adolescentes et commentaire méta sur le genre en lui-même. Dynazenon se situe dans la même veine mais part vers une autre direction ; il s’agit moins d’un Eva-like que d’un véritable anime de toku, avec ce groupe de personnages réunis par le destin pour piloter le robot et se combiner pour créer la machine ultime.
Ce sont d’ailleurs les personnages qui représentent l’aspect le plus réussi de la série. Plus nombreux, plus recherchés que dans Gridman, chacun des héros a un malaise intérieur qui le place légèrement à l’écart de la société. Ces personnages « marginaux » ne sont toutefois pas traités avec mépris ou complaisance, au contraire l’anime fait preuve d’une inhabituelle subtilité dans leur caractérisation. Ces personnages évoluent, certes, ils parviennent à conquérir une partie de leurs problèmes mais ce n’est pas l’affaire d’un beau discours ou d’une révélation spontanée, c’est un travail de fond. C’est là tout le propos du genre tokusatsu dans l’ensemble : le véritable combat n’est pas celui qui déroule dans le robot, c’est celui qui se mène dans la vraie vie.
La production est une nouvelle fois menée chez Trigger par le réalisateur Akira Amemiya et le scénariste Keiichi Hasegawa, pour un résultat un peu moins stylisé mais techniquement plus abouti. L’animation est plus performante, les séquences en 2D sont plus nombreuses avec notamment des séquences de gattai réjouissantes. Cette série représente bien l’esprit des animes old-school de la Gainax et des années 90 en général, cette manière de raconter beaucoup de choses tout en se retenant au maximum sur les plans ou des dialogues, dans un genre minimaliste qui détonne avec la production actuelle tout en esbroufe et en palabres. S’il y a un point toutefois que je trouve moins réussi que le reste, c’est l’intrigue proprement dite. Dynazenon est plus une étude de personnages qu’un récit en bonne et due forme, un grand nombre d’intrigues sont lancées mais toutes n’obtiennent pas entière résolution. Notamment tout ce qui concerne les Eugénistes est survolé malgré leur présence importante à l’écran, même si leurs motivations apporte une opposition intéressante avec celles des protagonistes ; leur objectif est de contrôler les kaijus pour détruire le monde car selon eux la destruction est source d’évolution, tandis que les héros pilotent Dynazenon pour protéger leur monde même s’ils ont mal à y trouver leur place.
Gridman et Dynazenon sont, je pense, des séries importantes de l’animation japonaise moderne. Ce sont des animes exigeants avec un ticket d’entrée élevé, mais ce sont surtout des productions qui ne pourraient pas exister en dehors de ce média. Aucun roman, aucun manga, aucun live-action ne pourrait raconter ce que ces animes racontent de la manière dont elles le racontent. Une troisième partie semble déjà en préparation et quel que soit le projet je serai au rendez-vous car ce que Trigger et Tsuburaya sont en train de faire là est trop rare et précieux pour être relégué au second plan. 7,5/10