Tales of the Boui-boui

» Critique de l'anime Tales of the Abyss par Miscelaneous le
27 Mars 2015

Dans la pizzeria du coin, y'a toujours cette pizza chelou, vous savez la spéciale merguez kebab 8 fromages lardons oignons sauce burger tarama base crème fraiche. On est toujours curieux d'y goûter, et on perd toujours une dizaine de balles. Sauf que dans une pizzeria, y'a au moins les ingrédients d'affichés et on ne peut s'en prendre qu'à soi même d'avoir essayé. Pas dans Tales of the Abyss.

Regarder un anime, ça peut être comme déguster un repas au restaurant gastronomique, une collation entre copain, un dîner au chandelles avec belle maman ou juste se faire des bonnes veilles pâtes au beurre. Je vais donc m'astreindre à une longue métaphore culinaire filée, qui, sans spoiler le menu, tel un trip advisor, permettra aux futurs clients de ne pas se faire avoir (ou en connaissance de cause).

Commençons par un bref résumé du cadre : il fait beau, il fait chaud, et vous flânez dans la rue pour tuer votre oisiveté, mère de tous les vices. Voici Midi qui sonne au creux de votre ventre et vous vous sentez l'envie de succomber aux plaisirs de la gourmandise, sans attentes exceptionnelles par rapport à la qualité : un bon vieux kebab plein de bastons sans cervelle ferait l'affaire, mais pourquoi pas tester ce restaurant, juste au coin de la rue ? On sait jamais avant d'avoir essayé, après tout.

Ça semble propre, correct, visuellement et on se laisse le loisir de rentrer et de poser son fessier à la table. Petits amuses bouches d’accueil, et on vous sert les olives habituelles en vous filant la carte des vins. Des olives industrielles en boite, certes, mais fourrées avec un peu de piment et d'anchois pour donner soif et envie de vous rafraîchir le gosier avec un peu de rosé : nous avons donc Luke Van Jenesaisquoi, - qui a un nom de noble allemand et un prénom de chevalier Jedi - et qui nous apparaît très vite comme un jeune djeun'z friqué arrogant et trop sûr de lui asez détestable. Ça commence pas si mal ces olives. Regardons la carte des vins : arrive en trombe le personnage principal féminin, une jeune guerrière dont pour une fois on n'a pas exagéré la poitrine ni foutu d'appellation vestimentaire douteuse sur l'étiquette.

Alors que cette jeune femme dynamique semble venir bouleverser la vie paisible de notre bellâtre suffisant à grand renforts de coups de pieds aux fesses, ce breuvage vinifié qu'on pensait de caractère se transforme très vite en jus de raisin fade. Bref, un bon écart de saveur entre ce que la carte du pinard indiquait et ce qu'il y a dans votre verre. Au goût, justement, elle se révèle aussi marquante qu'un chewing-gum goût plante verte de bureau. Ce changement de personnalité devrait mettre la puce à l'oreille et vous inciter à faire un bon vieux resto basket : que nenni, vous avez faim.

Et voilà que le plat principal arrive. En cuisine, comme en anime plusieurs questions se posent souvent : faut-il forcément un scénario de départ complexe pour rendre une histoire intéressante ? Non, comme le prouvent les délicieuses lasagnes de votre maman, simple, mais pourtant si efficaces et savoureuses. Faut-il mélanger des saveurs opposées pour prétendre à une cuisine raffinée ? Pas forcément. La variété d'éléments scénaristique et d'univers évoquée rend elle l'oeuvre plus profonde et riche ? On vous prouve ici le contraire.

Tales of the Abyss va donc prendre ce parti de tenter de construire un scénario qui paraîtrait travaillé et plein de rebondissements en jouant sur toutes les saveurs possibles #cuisinedumonde. Malheureusement l'absence de CAP cuisine des scénaristes les a poussé à nous proposer un long buffet de mets surgelés sans aucune cohérences. On se retrouve très vite avec une équipe (au mauvais sens RPG du terme) de héros aussi appétissant que des légumes de conserve étiquette jaune. Parmi ces OGMs cultivés hors sol et gorgés d'eau, comme il faut bien manger 5 fruits et légumes par jours, vous aurez le droit aux classiques de cantines : l'asperge sérieuse et cynique qui fait de la magie, l'espèce de prêtre gosse tout faible qui se fait capturer tout le temps, la gamine insupportable - pour votre apport quotidien en vitamines moe, le fidèle gentil serviteur bretteur et l'archère parce qu'il en fallait une.

On tente de se rabattre sur la viande, mais l’entrecôte qui devait servir de héros est en fait bourrée de gras et d'os, et on a déjà perdue l’héroïne à l'épisode deux, oubliée sur le feu avec quelques autres trucs (un scénario). Ainsi Luke, qui avait au moins le mérite d'être détestable, mais avait donc un peu de goût, passe au mixeur pour devenir un bon steak haché de licorne arc en ciel tout gentil et niais. Jace, l'espèce de magicien du groupe, ayant l'avantage d'être un vieux radis rance, a un peu plus de piquant que les autres broccolis, et parvient un peu à vous faire oublier l'espèce de bestiole mascotte dite "Kawaï" qui va accompagner nos navets dans leur quête épique et la destination finale de ce genre de repas : les toilettes.

Pour faire passer le tout on a assaisonné tous les plats, oui, TOUS, avec la même sauce soja premier prix, celle du terrible passé. Impossible de distinguer la différence entre les carottes et les patates, mais vous saurez que ces légumes ont vécu des choses dramatiques, et c'est pour cela qu'ils viennent se suicider dans votre assiette. Grâce à ce power up de ténèbres discount, on espère vous faire oublier que régulièrement le serveur vient vous demander avec un grand sourire d'ouvrir la bouche pour vous tartiner de force la langue avec le miel écoeurant des bons sentiments...Oui, vous aurez le droit, tous les deux épisodes en moyenne, à la même scène, où, un des héros en proie à son indigestion de sauce Darkitude - ("Mais, je vous ai tous trahis et j'ai détruit l'artefact sacré du Vanham-bountou-krishna* ! Je suis mauvais"), se verra poser une main réconfortante sur l'épaule par un de ses camarades, s'improvisant vétéran philosophe de la vie ("Jean-Jacques*, le plus important c'est que nous sommes amis").
Ce mauvais cauchemar pourrait être drôle s'il ne fallait pas aussi manger (de force) le cadrage sur tout le reste du groupe qui se met à sourire bêtement avec un air satisfait, émerveillé par cette leçon de valeur de vie inestimable de justesse. J'hésite à mettre un screenshot pour la prévention, vous y aurez le droit 10 fois, si ce n'est plus.

Question déroulement scénaristique, ne cherchez plus la cohérence en vous demandant si vous êtes au traiteur japonais ou dans un restaurant libanais. On a pigé que les méchants (eux aussi une belle brochette de reste de la veille réchauffée au micro-onde) voulaient plus où moins détruire le monde pour libérer l'humanité du joug du destin ou je ne sais quoi, mais comme on a 26 épisode on va vous faire goûter à toutes les soupes déshydratées du rayon. Ainsi, les héros s'apercevant qu'il leur faut absolument la relique de Sainte Bernadette du Canigoût*, ceci afin d'ouvrir la porte des enfers de Van Panzanni* et défaire Dark Cassegrain, se dirigent naturellement vers la quête du Donjon Mort-Findus*. Oui, c'est vraiment une adaptation de RPG, sauf que vous ne jouez pas, on vous gave passivement. L’intérêt d'adapter un jeu en anime n'est-il pas de faire abstraction des phases de quêtes soporifiques d'artefact et consorts ? Tales of the Abyss ne semble pas penser cela. A tel point que certains combats on l'air d'être du tour à tour...

Le plus horrible c'est que pour se donner de la contenance dans ce fouilli de trucs raccommodés à la va vite, on vous assaisonne sans répit de tout un folklore mythologique et culturel sur ce monde prétendu très riche. Et je t'en passe tous les nom péteux de la prophétie de la Divination Falafel qui verra un héros armé d'un artichaut de Gal-guldur* vaincre les cinq asperges légendaires de Dohrmak-Bouillon*. Alors oui, je veux bien que dans un restaurant Italien, tous les noms des plats soient en Italien : mais dans n'importe quel univers de qualité, un descriptif du plat en italique vous permet de piger ce que c'est. Ici quand vous voulez demander au serveur, il vous répond en Italien. Est-ce que j'ai eu besoin d'un guide du routard pour comprendre les tenants et aboutissants de l'Alchimie dans FMA ? Non.

On est presque content de constater que, heureusement, ce qui était présenté comme le Suprême de poitrine poellée Al Genovese dans son lit de Pasta con Parmagliano Grande en sauce est en fait une simple carbonara. Ouf, j'avais peur de ne pas avoir pu saisir le sens de cette création culinaire. Bref, passé l'épisode 10 on aura débranché le cerveau et on arrête de se poser des questions, surtout que c'est le moment où on commence à avoir fait le tour des plats pré-cuisinés possibles.

Question mise en scène, le service n'est pas terrible. Le serveur n'est pas très loquace ; ainsi il se permettra de vous apporter sans un mot ni une explication le plat d'après. Normalement quand une révélation arrive, le héros reste abasourdi un moment, troublé, défait. Bref, on te laisse le temps de discuter avec ton voisin et de digérer avec un coup de blanc la dinde farcie d'avant. Ici, et bien non. Pas de répit : "- Tu vas crever salaud !" "- En fait, John*, je suis le demi frère de ta tante Hélène*" "Quoi ? Nous sommes de la même famille au 3ème degré ? Nous sommes donc amis." "- Copain !". Et vlan une nouvelle quête dans les dents, pour enchainer. Offert par la maison. Hop!hop!hop! un méchant qui réapparait de sous les haricots, avec son grand rire sombre et terrifiant.

Parlons un peu des méchants, d'ailleurs. D'une certaine manière on aura la même qualité premier prix pour chacun, avec cependant un peu de diversité et d'originalité dans ces épices :
Le gros bourrin (avec une hache) ; Le machiavélique traitre, cerveau de ce vil complot ; Le professeur fou qui cherche sa sexualité; La mégère-milf avec des problèmes de libido qu'elle compense avec ses flingues ; Le gamin psychopathe... et on se met à chercher sur la table le bon vieux moulin à poivre. Je n'ai même pas envie de parler du dessert mais on comprend très vite qu'on aura le choix entre un Danette ou du Yaourt Taillefine. Pour digèrer toutes ces émotions un bon coup de chartreuse ou une glace au citron nous auraient pourtant été utiles.

Les musiques n'ont rien de particulièrement plus marquant, c'est dans la norme d'un RPG lambda, avec des décors assez gentillets et un peu vides, et souvent de la 3D mal incrustée (les hommes se battent encore à l'épée mais les super vaisseaux volants et les canons lasers ont été inventés, pour expliquer ce gap technologique on n'a rien trouvé de mieux que de le faire en trois dimensions). Le chara design est pas mal, ceci dit, et aide à faire oublier que la vaisselle est jetables, c'est d'ailleurs pour ça que quand le serveur renverse un plat (comprenez, un des légumes qui sert de personnage meurt) ça fait assez peu de bruit pour que la salle ne se taise pas.

Bref, Tales of the Abyss ce n'est pas une recette simple avec de bons produits travaillés, pas un assemblage qui allie des arômes subtils et originaux, pas de la cuisine moléculaire : non, c'est un resto un peu kitsch et pas cher avec un buffet de bouffe industriel pas fraiche et à volonté, jamais totalement dégueu grâce aux conservateurs et aux anti-vomitifs, mais jamais bon. Généralement quand on va dans ces endroits, c'est pour se péter le ventre et faire des concours de bouffe entre potes, pas pour y aller seul. Je ne saurais que conseiller son visionnage armé d'une bouteille de Vodka, en vous imposant de boire une gorgée à chaque clichés, ça le rendra plus digeste.

Pour ceux qui cherchent dans le même genre, en mieux vous aurez par exemple Legend of the Legendary Heroes, et en bien pire... Trinity Blood.

* Les noms de personnages ou de lieux ont été changés pour éviter tout spoil.

Verdict :4/10
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A propos de l'auteur

Miscelaneous, inscrit depuis le 22/03/2015.
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