Tenchi Muyo, harem et carottes

A l'occasion de la sortie de la cinquième mouture d'OAVs de Tenchi Muyô (qui s'annonce complètement nulle), c'est l'occasion de regarder un peu dans le rétroviseur et de revenir sur ces OAVs qui ont marqué l'animation japonaise et évoquer succinctement la licence en général. Peu connues en France, elles constituent, pour le malheur de certains, le début du genre "harem" à proprement parler.

Les origines
Alors, le genre harem dans les animes existait déjà, en quelque sorte, sous la plume de Rumiko Takahashi. Avec Lamu et plus particulièrement Ranma 1/2, on retrouve déjà le protagoniste principal qui se retrouve entouré de filles lui courant après (au sens littéral dans Ranma). Cependant, chez Rumiko Takahashi, le "harem" est plutôt une conséquence de l'introduction de plus en plus de personnages secondaires pour faire de la comédie, renouveler les gags, redynamiser l'histoire dans une série qui s'allonge. Dans le harem-anime, le but c'est de former le fameux harem, pour pouvoir allier facilement comédie et fanservice, et pour que le public masculin y trouve son compte.
Donc, pour en revenir à Tenchi, tout commence avec deux personnes, Kajishima Masaki et Hayashi Hiroki, qui ont travaillé sur les OAVs de Bubblegum Crisis. Ils proposent un projet d'anime centré sur le frère de l'héroïne, qui se retrouverait entouré par le cast féminin, vous voyez l'idée se dessiner... Le projet est refusé mais comme ils ont l'intuition de tenir une bonne idée pour captiver le public, ils proposeront ensuite le projet Tenchi Muyo, mélangeant science-fiction, comédie et harem : la série d'OAVs sera validée et aura un succès retentissant au Japon.
Donc, dans Tenchi, on voit déjà s'établir quelques règles du genre en devenir:

• Un personnage central masculin avec aussi peu de personnalité que possible.

• Une floppée de personnages féminins qui sont attirées par le héros sans particulièrement de raison.

• Le personnage principal ne choisit jamais entre elles et la situation est maintenue.

• Et, règle optionnelle du genre, dans Tenchi Muyo, tout ce petit monde habite sous le même toit.

Success & Cash-machine
Le succès sera aussi immédiat qu'inattendu, une septième OAV spéciale de 40 minutes sera donc produite dans la foulée pour y répondre. Ensuite, le studio AIC sentant le bon filon et ayant la propriété de la license, la déclinera de multiple façons: en manga évidement mais elle bénéficiera également de 2 remakes en série TV: Tenchi Muyo! et Shin Tenchi Muyo!. Le premier reprenant dans les grandes lignes l'histoire de la série d'OAV, le second étant relocalisé en ville pour parler un peu plus au public citadin (Tenchi Muyo Ryo-Ôki ayant un cadre rural).
Le premier remake réalisé par Negishi Hiroshi, donnera lieu à une storyline alternative, qui sera prolongée par les films de Tenchi Muyo! In Love 1 et 2.
On peut passer sous silence les spinoff de magical girl ayant Sasami pour héroïne et qui s'éloigne pas mal du sujet original ou encore le second film "Tenchi Muyo! Manatsu no Eve" qui est tout pourri.

Donc de son côté Kajishima continuera à superviser une storyline un peu "canon", qui enchainera avec une seconde série d'OAVs, puis 8 ans plus tard, une troisième qui fera le lien avec un spinoff en série TV, Tenchi Muyo GXP, qui se démarque par l'accent mis sur l'humour, très grivois par moments.
Un nouveau spinoff interviendra quelques années plus tard sous forme d'OAVs, "Isekai no Seikishi Monogatari", qui essaie de mettre plus l'accent sur l'ecchi et d'enchaîner sur l'introduction des mechas amorcée dans GXP. Les séries d'OAVs 4 et 5 de Tenchi Muyo Ryo-Ôki permettront de faire le lien avec ce spinoff à posteriori.

Vous me direz, mais qu'est devenu Hayashi dans l'affaire ? (Enfin, ceux qui ont réussi à suivre...) Après la première série d'OAVs, il a une autre intuition et veut reprendre le concept de harem mélangé à de l'Isekai, ce qu'il fera dans El hazard, une autre licence à cash. La réelle explosion du genre Isekai, attendra quelques années de plus, mais Hayashi peut déjà prétendre au surnom de Monsieur Cancer.

Au niveau international, le succès sera aussi présent aux USA où les animefans découvre Tenchi Muyô à une époque où ils ont peu de choix. En France, bien que présent dans le catalogue Kaze, il sera assez peu mis en avant, Kaze semblant mettre plus l'accent sur El Hazard. Le genre harem ne connaitra vraiment un large succès qu'à l'arrivée de Love Hina.

Quoiqu'il en soit, Tenchi Muyô conserve une place à part au Japon, ça se voit dans le fait qu'il y a encore des OAVs qui sortent 28 ans après...

Qu'est-ce que ça vaut ?
La série d'OAVs à bien évidement vieilli depuis 28 ans et le genre ayant été décliné à toutes les sauces depuis, elle ne présente pas un grand intérêt si ce n'est "historique". En effet, la partie comédie avec en particulier l'opposition entre les membres de harem, ici Ryoko qui est aggressive et Ayeka qui veut se faire passer pour une princesse douce et distinguée, donnera juste une impression de vu et revu pour ceux qui découvriraient la série de nos jours.
Cependant la production bénéficiait quand même du soin spécifique au marché des OAVs, donc autant en terme d'animation que de direction artistique, c'était plutôt propre. Au niveau colorisation, la série amène une nouvelle gamme de peinture sur cellulos qui se démarque grandement de la concurrence et a eu son petit effet à l'époque. Au niveau histoire, soyons honnête, ce n'est pas très bien écrit, mais il y a pas mal d'idées qui se démarquent, là-aussi, de la production science-fiction de l'époque. Par exemple, le choix de démarrer d'un cadre rural à l'apparence traditionnelle pour dériver vers du space-opéra ou encore celui de faire des vaisseaux spatiaux vivants et notamment végétaux, permet d'utiliser le bois comme matériau et de se différencier de la concurrence en terme de mecha-design.
A travers l'univers space-opéra, on retrouve bien sûr l'influence majeure de Star Wars avec, par exemple, les combats au sabre laser, influence qui sera même utilisé de façon parodique à certains moments.
En terme de fanservice/ecchi, il y en a bien sûr en quantité avec tous les passages aux bains ou onsen et, là-encore, la série accuse son âge: l'ami "nuage-kun", censé cacher certaines partie clé de l'image, n'a pas encore été inventé...
Au final, la série d'OAVs bénéficie quand même d'un bon rythme de narration, en racontant une histoire de façon assez dense, alternant tranche de vie et action sur 6 épisodes, et reste agréable à revoir même si, effectivement, elle paraît datée.

Entry Point
Pour conclure, si certains veulent jeter un coup d’œil rapide à cette licence, je conseillerais de voir la première série d'OAV et le premier film Tenchi Muyo In Love. Pour ceux qui accrocherait, ils peuvent laisser leurs chances aux séries d'OAVs 2 et 3. Enfin, s'ils aiment l'univers de Tenchi et ne sont pas rebutés par de l'humour grivois, Tenchi Muyo GXP pourrait être intéressant également.