Tenchi Muyo In love est un long-métrage réalisé par Negishi, qui est censé se placer en temps que suite à la série TV qu'il a lui-meme réalisée.
En pratique, le film prends comme sujet la mère de Tenchi qui demeure un personnage inexploité car décédée durant l'enfance de Tenchi. Cet évènement l'a profondément marqué et flotte de temps en temps au-dessus de Tenchi pour lui donner un petit côté scarifié par la vie: c'est cheap et cliché mais le personnage de Tenchi n'est pas très épais à la base donc faut accepter ce genre de raccourcis avec joie. En passant, on peut noter que ce film pourrait être vu après la première saison d'OAV de Ryo-Ôki également sans problème, son contenu ne se voyant contredit qu'à la saison 3 des OAVs.
Donc, pour résumer l'histoire en quelques mots, le grand méchant Kain s'est évadé de sa prison spatiale et veut se venger de la famille royale de Jurai, il prends donc pour cible la mère de Tenchi et comme il est très puissant, voyager dans le temps c'est pas plus compliquer que d'aller à carrouf donc il décide de l'attaquer dans le passé. En plus, comme elle est morte, c'était dur de l'attaquer dans le présent pour la tuer, donc bien que très méchant Kain n'est pas bête du tout et décide d'aller la tuer avant qu'elle meure, logique. En plus, si elle meurt avant de donner naissance à Tenchi, la vache à lait qu'est cette licence disparaît et AIC se retrouve sur la paille, vraiment bien vu de sa part... Donc, l'existence de Tenchi devient instable dans le présent, Washu découvre le pot aux roses et envoie Tenchi et ses amies protéger sa mère dans le passé...
L'histoire est très classique avec voyage dans le temps et la contrainte de ne pas être repéré pour ne pas changer l'histoire, ce sera l'occasion de faire un film qui va se passer dans un Japon des années 70 légèrement fantasmé, mais la nostalgie reste un des thèmes du film. Ça annonce directement la couleur avec une séquence de bobines filmées en super 8 dès le début.
Au niveau du scénario, c'est classique et relativement efficace, l'histoire se déroule sans longueur avec quelques rebondissements obligatoires. On notera en particulier que le rôle de Tenchi est secondaire dans le film ce qui est très agréable, le côté focalisé sur un héros sans grande personnalité est un de ses points faible de la licence. L'héroïne du film c'est la mère de Tenchi, Achika, qui correspond à un choix logique vue le scénario et la doubleuse. Dès le début du film, on sent qu'il y a des sous... Comme Tenchi Muyo était une licence à succès, le film bénéficie clairement d'un budget conséquent. A cette époque, ils ne l'investissaient pas encore dans l'animation (sakuga) mais plutôt dans la bande son qui sera composée pour l'occasion par un allemand, Christopher Franke, à qui l'on doit l'OST de Babylon 5. Ils ont également les moyens pour le doublage, et le personnage principal du film, Achika, se verra jouée par la comédienne de doublage la plus en vue de l'époque : Megumi Hayashibara (Rei dans Evangelion). Elle interprétera également le thème musical "Alchemy of Love" pour vendre plus d'OSTs, il faut bien rentabiliser l'investissement.
Pour évoquer les aspects techniques, en plus de la bande son, on notera en particulier la direction artistique qui est plutôt bonne, chaque décor ayant vraiment de la gueule. En particulier, le travail sur les couleurs des feuillages en automne est des plus réussi (quand je parlais de vision fantasmée...). L'animation n'est également pas en reste mais n'est pas particulièrement exceptionnelle non plus, ce sera plutôt sur la qualité des dessins que l'on notera un certain soin. En tout cas, les studios AIC et Zero-G-Room étaient fiers d'eux car ils s'affichent à de nombreuses reprises sur l'horloge du lycée, fameux plans obligatoire pour représenter le passage du temps... machin voyage temporel... vous m'avez compris : la réalisation est ultra-classique, elle est bonne mais ne propose aucune originalité, en somme c'est académique mais ça reste quand même le haut du panier pour cette licence (il n'y avait malheureusement pas des Satoshi Kon dans tous les studios, faut être réaliste).
Pour conclure, le film est réussi et permet de passer un bon moment de prolongation après la série ou les OAVs, surtout en le visionnant en remastérisé pour apprécier les décors et le dessin, il mérite un bon 8.
Annexes
Bon, je félicite la patience des lecteurs qui seraient arrivés jusqu'ici. Vu que ce n'était pas assez long, ni assez chiant, parlons un peu de la perte de repères des amateurs de bloomers en 1996 qui est évoquée en filigrane dans ce film.
En effet, tout connaisseur de fanservice a remarqué qu'un élément traditionnellement utilisé est le bloomer ou "buruma" d'où Bulma tire son nom dans Dragon Ball :
Ce bas caractéristique que les filles portent en sport dans les animes ou mangas et qui fait penser aux tenues d'athlètisme de haut-niveau.
Contrairement à l'origine du mot américain qui désigne un sous-vêtement féminin bouffant que l'on pouvait voir dans des Western par exemple, le bloomer au japon est court et moulant. En fait à l'origine, au début du XXeme, il ne l'était pas mais il évolue vers sa version courte et moulante (pittari buruma) à cause du volleyball féminin et cela, à plus d'un titre.
En 1964, l'équipe féminine de volleyball du Japon remporte les jeux olympiques de Tokyo habillée avec des bloomer old-generation (aka. des shorts informes) et leurs adversaires portent une tenue plus serré et athlétique. Le public japonais apprécie l'aspect plus classe de cette tenue et le bloomer "moderne" sera créé, le fameux "pittari buruma".
Ensuite, le shojo manga exceptionnellement populaire qui parait dans la foulée, en 1968, "Attack Number 1 (Les Attaquantes)" l'utilise, rendant la tenue incontournable et cool pour les jeunes filles de l'époque. Dès 1970, des écoles l'adoptent comme tenue de sport à cause de sa popularité et parce que c'est pas cher, ouvrant la voie à 20 ans de fanservice dans les mangas en cours de sport.
A ce niveau-là, il est clair que le film Tenchi Muyo qui introduit un cours de sport pratiquant le volleyball en bloomer dès son arrivée en 1970 fait un clin d'oeil à ce shojo manga légendaire, et jète un regard nostalgique sur la pratique. En effet, les adolescentes japonaises endureront la tenue en silence pendant plus de 2 décénnies, mais en 1993 à la suite du refus de la tenue par des étudiantes d'une école japonaise à Singapour, naît le mouvement anti-bloomer au Japon qui conduit à l'abandon de cette tenue dans la décénnie qui suit.
Le film fait donc echo aux doutes des fans de bloomer à travers le Japon qui voient leur tenue fétiche disparaitre des écoles. Depuis, ils sont rassurés, la tenue a perduré dans certains animes et manga et les sites de fétichisme la vendant, sont encore nombreux.
Donc, ne sous-estimez pas les conséquences néfastes de la mode dans le shojo manga, ça a rendu des adolescentes japonaises mal à l'aise voire complexées pendant deux décennies, et mis un pet au casque à pas mal de japonais qui commandent encore des bloomers en ligne de nos jours.