Même si c’est de moins en moins le cas avec les années, la japanimation reste stigmatisée par beaucoup de monde. Ce dédain n’est pas sans fondement et il s’avère difficile de justifier son désir de regarder une série quand celle-ci porte sur des bustes greco-romains parlants, ou encore sur les performances de femmes centaures dans l’hippodrome, sans compter toutes ces séries, pourtant excellentes, qui saillissent dans un débraillement éhonté le facteur sexy pour émulsionner l’audience. Même s’il n’y a généralement pas de mal à regarder du divertissement sans cervelle, il est parfois tout aussi agréable de destiner son attention sur des animes didactiques, comme c’est le cas avec Design-bu, une série qui nous inculque les merveilles biologiques du monde animal.
La vérité est que la pédagogie fait partie intégrante de bien des animes, et encore plus de mangas. Ces derniers permettent bien souvent de partager un thème (qui connaissait le karuta compétitif avant Chihayafuru ?) ou bien des connaissances, comme ça a été le cas avec le Manga Nihon Keizai Nyûmon qui expliquait durant la fin des années 80 l’économie japonaise auprès d’un large public. Des animes comme Cells at Work (Il était une fois la Vie version anime) et Design-bu prouvent que ce type d’oeuvres, qui mêlent éducation et divertissement, continuent de perdurer de nos jours.
Il m’a fallu longtemps avant de m’intéresser à Design-bu, et ce sont ses prémices particulièrement amusantes qui ont fini par me convaincre. En effet, nous nous retrouvons dans cette série face à une équipe de sous-traitance qui doit créer pour Dieu la faune de la Terre, car ce dernier a fini par avoir la flemme durant la Génèse. Ce pitch, qui aurait autant pu se retrouver dans un anime que dans une BD franco-belge, joue avec la représentation de la culture d’entreprise moderne et la gestion des relations avec la clientèle, qui pour reprendre l’expression japonaise est ici littéralement Dieu, parfois fort compliquées tant les exigences de certaines commandes se complexifient. Je ne voudrais pas survendre cet aspect, somme toute assez secondaire, mais Design-bu jouit de moments assez cocasses qui reflètent notre réalité et ont de quoi donner le sourire.
Le principal objet de la série reste la création d’animaux, tirés de notre réalité, par l’équipe de design selon des critères spécifiques, et parfois loufoques, donnés par le Seigneur. Le travail ne résume pas pour l’audience à une simple présentation d'une espèce. Les différents membres assignés, qui ont tous une personnalité distincte et surtout bien enjolivée par leur seiyuu respectif, doivent prendre en considération de nombreux éléments pour rendre leur bête vivable (de leur stature à la composition de leurs os). Ce processus de création résulte en un brainstorming fascinant, où idées et prototypes s’enchaînent, et où l’on se prend à essayer de deviner, souvent en vain, vers quelle espèce leur cheminement va conduire.
C’est aussi un prétexte pour dispenser son savoir, et celui-ci se montre conséquent. Design-bu n’hésite pas à aller dans le détail et nous apprend de nombreux faits dont on ignorait la raison ou même l’existence (pourquoi le torse des pingouins est blanc, pourquoi les oiseaux sont ovipares, ou encore l’« immortalité » des homards).
Nous n'avons pas grandi avec David Attenborough mais toute personne un minimum curieuse sait déjà que la nature est extraordinaire sur bien des points. Avec un matériel pareil à exploiter, les opportunités de Design-bu pour nous émerveiller ne manquent pas. C’est pourquoi j’ai d’abord été quelque peu déçu lorsque celui-ci utilise diverses « distractions » pour pimenter la plupart de ses épisodes : la visite habituelle d’un onsen par l’équipe, un quizz show, ou encore un duel de rap. Je suis toujours un peu ennuyé quand une série n’a pas foi en son thème et essaye de l’ornementer inutilement. Cela dit, Design-bu se trouve être une exception car j’ai apprécié la plupart de ces excursions (celle des rat-taupes en tête), généralement bien intégrés avec le déroulement de l’épisode. De la même façon, les détours autour des créatures mythologiques enrichissent intelligemment le répertoire de l’anime.
En conclusion, je n’ai pas été ébloui par Design-bu mais cela ne pas empêché de l'avoir fortement apprécié semaine après semaine. La jeune carrière du mangaka Hebizo, l’auteure de l’oeuvre originale et une ancienne conférencière de l’université de technologie de Tokyo, semble prometteuse et je suis curieux de voir ce qu’elle produira dans l’avenir. Mon verdict en tant que spectateur est sans appel : saiyou !