En 1980, le créateur de la saga Gundam, Yoshiyuki Tomino, se lance dans une nouvelle série de science-fiction : Densetsu Kyojin Ideon. Elle racontait la guerre entre deux civilisations humaines dont l’enjeu est le contrôle d’un robot géant, le Ideon, dépositaire d’une puissance supposément infinie. Malheureusement le projet connut le même destin funeste que Gundam, les audiences médiocres poussant la production à interrompre la série prématurément. Mais en bon prince, Tomino sortira deux ans plus tard deux films qui viendront respectivement résumer et continuer l’aventure Ideon. Nommés A Contact et Be Invoked, ces deux projets deviendront finalement cultes dans le cercle des connaisseurs.
Au premier abord le pitch d’Ideon fait vaguement penser à une continuation de Gundam. L’humanité a ainsi colonisé divers planètes et est entrée en contact avec une race alien se faisant appeler le Buff Clan. Sur la planète Solo, des chercheurs humains tentent vainement de comprendre le fonctionnement de mystérieux appareils enfouis dans des ruines, lorsqu’ils sont attaqués par ledit Buff Clan. Cosmo Yuki, fils du professeur en charge des recherches, finit par faire fonctionner les trois modules qui, une fois assemblées, donnent naissance à un robot gigantesque, le Ideon. De même, le reste des ruines se trouve être un vaisseau spatial servant de transporteur au robot. Après une âpre bataille, le Solo Ship et l’Ideon s’enfuient pour tenter de regagner la Terre, poursuivis par le Buff Clan qui voit dans l’immense mécha la réincarnation de leur dieu…
La licence se rendit célèbre au Japon pour l’intensité de son drama et la cruauté avec laquelle les évènements de la guerre sont dépeints. En effet, loin du sentimentalisme qui caractérise les animes contemporains, Ideon met les pieds dans le plat et montre des personnages uniquement concernés par leur survie et par l’anéantissement de leurs adversaires, avec le mystère entourant l’Ideon en toile de fond. Familles déchirées, meurtres, jalousies, rien n’est épargné aux personnages durant leur fuite qui sera agrémentée d’escarmouches sanglantes.
Cet aspect froid et cruel est démultiplié par le format qui ne permet en aucun cas de donner à voir autre chose que les éléments les plus percutants du récit. Pour rappel, Tomino s’était déjà rendu célèbre en réalisant trois films résumant la première série Gundam ; trois films qui ont permis à la nouvelle génération de s’approprier la saga. Ici, Tomino va encore plus loin puisqu’il se fait fort de résumer en 80 minutes les trente-deux premiers épisodes de la série (!), ce qui a pour effet de rendre l’ensemble à la limite de l’incompréhensible. Les présentations sont expédiées, les personnages apparaissent et disparaissent sans ménagement et le rythme frénétique empêche toute identification. Faute de temps le récit a été épuré de toute forme de caractérisation, et il n’est donc pas rare de voir un personnage changer de camp et d’allégeance et quelques minutes. Les transitions ont été réduites à leur plus simple expression : on passe d’une intense scène de bataille spatiale à une discussion posée entre les personnages à bord du vaisseau en un simple cut.
Bref, si on peut remercier Tomino de nous avoir épargné plus de trente épisodes d’une série au design kitsch et à l’animation antédiluvienne, on ressort éprouvé du visionnage de ce film punitif à la narration expéditive, indéchiffrable sans un résumé Wikipédia. Mais il faut bien en passer par là pour accéder à la véritable substance d’Ideon, qui en a fait toute la célébrité au Japon, le second film Be Invoked…