Le second film Ideon fait suite au premier, A Contact, qui résumait la série de Yoshiyuki Tomino. Il s’agit cette fois pour le célèbre réalisateur de continuer et conclure sa saga avec une fin inédite.
Pour rappel à la fin de A Contact, les terriens à bord du Solo Ship étaient toujours poursuivis par le Buff Clan qui voyait en l’Ideon une menace pour leur race. Le Solo Ship avait fini par arriver sur Terre mais ne fut pas accueilli par le reste de l’humanité : celle-ci se méfiait de la puissance de l’Ideon, mais surtout craignait de se voir attaquée par le Buff Clan. Après une intense bataille sur la Lune, l’Ideon révéla son vrai pouvoir et anéantit ses poursuivants. Il ne lui resta plus qu’à fuir à travers l’espace, sans but…
Be Invoked pose le ton dès les trois premières minutes avec une scène devenue culte, d’une brutalité rare, mais qui n’est qu’une mise en bouche par rapport à la suite. L’histoire en elle-même raconte les batailles entre le Buff Clan et le Solo Ship, les deux belligérants ayant pour unique ambition la destruction totale de l’adversaire. Évidemment le drama ne serait pas consommé sans une ou plusieurs morts tragiques, et pour le coup Be Invoked n’épargne personne et emmène la tragédie jusqu’à ses plus hautes limites. Ceux qui pensent que le Plan de Complémentarité de l’Homme à la fin de The End of Evangelion avait tout inventé seraient inspirés d’aller voir Be Invoked ; mais on y reviendra.
Cette « tragédie universelle » est rendue possible grâce à cet élément narratif qu’est l’Ide, une sorte de "volonté de l’Univers" qui est l’enjeu du récit. Chacun des deux camps revendique l’Ide mais aucun ne sait vraiment ce qu’il est, si ce n’est qu’il confère une puissance infinie. Finalement, l’Ide se révèle à la fin dans une séquence spectaculaire qui donne tout son sens à l’histoire et qui à elle seule a permis à Ideon de devenir un point remarquable (à défaut d’être remarqué) dans la grobotologie japonaise.
Le premier film ayant résumé en moins de 90 minutes une série de plus de trente épisodes, aucune caractérisation n’avait pu réellement émerger des personnages, ce qui n’avait pas permis au spectateur d’éprouver un intérêt pour eux autre que leur place dans le récit. Ainsi, les scènes les plus dures de Be Invoked n’ont pas la puissance que leur énoncé aurait pu provoquer si inscrit dans une narration plus adéquate. Cet alignement de persécutions peut donc sembler gratuit et laisser de marbre certains spectateurs ; pour ma part je savais où le récit allait en venir mais j’ai quand même été mis mal à l’aise par certains points bien précis qu’on ne s’attend certainement pas à trouver dans un anime visant les gamins fans de robots. Il ressort de tout ceci un nihilisme extrême, comme si Tomino avait décidé que finalement tout ce qui est construit est voué à être détruit. Une démarche similaire à celle de H. Anno dix ans plus tard.
Le récit du film étant complètement inédit au moment de sa sortie, la narration est bien plus intelligible même si le rythme reste toujours très rapide. Le discours des personnages fait sens et leurs motivations personnelles sont explicitées même si les deux films n’ont jamais eu assez de temps pour les montrer. Techniquement le design et l’animation sont radicalement meilleurs que dans le premier film, les combats notamment deviennent plutôt prenants. Notons également la partition musicale de grande qualité produite par le grand Koichi Sugiyama, compositeur attitré des jeux vidéo Dragon Quest entre autres, et dont le style se reconnaît aisément une fois l’OST isolée.
La légende de Ideon - et surtout de Be Invoked - vient surtout de ce qu’il a servi de source primaire d’inspiration au rival de Tomino, Anno, pour son propre Evangelion, en particulier The End. A vrai dire j’ai trouvé la fin de Be Invoked meilleure que celle de The End (ce qui n’est pas difficile) car plus claire dans son propos, et surtout porteuse d’un embryon d’espoir à la toute fin, histoire de dire que même si tout doit se terminer, il y aura toujours une possibilité de quelque chose de meilleur après ; là où la fin de The End se complaît dans son cynisme. Toutefois, les nombreuses qualités de NGE sur le plan artistique et narratif auront tôt fait d’éclipser Ideon, ce qui explique peut-être l’aigreur qui caractérise aujourd’hui Tomino. Rendons donc hommage à ce réalisateur qui n’avait peut-être pas les moyens, mais qui avait des idées.
Les plus
- Une tragédie dépourvue de bons sentiments
- Des scènes chocs voire dérangeantes
- Animation âgée mais honnête
- Musiques superbes de K. Sugiyama
- Un des fins les plus iconiques de la japanime
Les moins
- Design et effets sonores bien kitsch
- Narration lacunaire et expéditive
- les images live dégueulasses en guise d'excipit