Du plus loin que je me souvienne, les animes mechas n'ont jamais été ma tasse de thé. Toutefois, au fil de belles découvertes, je me suis rendu compte que ce n'est pas si mal. À première vue, Cross Ange : Tenshi to Ryuu no Rondo peut apparaître comme un anime mecha bourré d'ecchi et qui n'a aucun intérêt. Pour faire court, ce serait un "anime de filles en tenues provocantes tuant des dragons à bord de robots géants". Effectivement, à sa diffusion, l'érotisme et la nudité de nombreuses scènes avaient conduit Wakanim a refuser l'accès gratuit à cette série. Pourtant, si les gens viennent à réduire cette série à cette seule image, ce serait commettre une erreur monumentale car j'ai eu le plaisir de faire, encore une fois, une belle découverte.
Un petit synopsis improvisé s'impose pour faciliter la compréhension de mon avis à ceux ne connaissant pas la série. Cross Ange se déroule dans un univers utopique où les humains vivent en harmonie grâce à la magie. Rares sont les personnes ne pouvant la pratiquer, elles sont appelées Normas et sont toutes des femmes. Considérées comme de dangereuses créatures incapables de vivre en société, elles sont envoyées loin de la civilisation. La princesse Angelize, dénommée Ange plus tard, a la même image des Normas que le reste de la population. À sa grande surprise, elle découvre qu'elle en fait également partie. Elle est dès lors envoyée comme les autres sur une base militaire, destinée à combattre dans le secret et à ses risques et périls les DRAGONs, des créatures mystérieuses menaçant la paix mondiale.
Avant toute chose, Cross Ange aborde des problématiques très intéressantes : la recherche du bonheur, la société idéale, l'oppression d'une minorité au profit d'une majorité, le racisme, le sport national de l'humanité qui n'est autre que la guerre de toute évidence parmi d'autres. Je ne m'avancerais pas davantage car, d'une part, la série peut très bien se suivre sans trop s'y plonger, et d'autre part, je ne vais pas gâcher le plaisir de la découverte en m'étalant dessus (et puis ce serait chiant à lire - hors-sujet + spoil).
Sans plus attendre, je commence en affirmant qu'il est agréable de suivre une protagoniste qui bénéficie d'un développement continu tout au long de l'histoire. Suite à la révélation choquante qu'Ange est l'une de ces Normas au premier épisode, il est déjà très intéressant de voir comment ce personnage évolue, passant de princesse adorée à combattante haïe. J'ai été surpris d'assister comment elle prend progressivement conscience de sa situation ainsi que le comportement qu'elle finit par adopter. J'ai été davantage surpris après m'être rendu compte que ça ne s'arrête pas là. Par la suite, tout en restant fidèle à elle-même, Ange continue d'évoluer tant en sa personnalité qu'en sa mentalité. Sa vision d'elle-même, de l'homme et du monde qui l'entoure change au fil d'évènements majeurs. Les évolutions successives ne sont pas aussi brutales que la première vu les contextes concernés mais se font sur la longueur et de manière cohérente. C'est pour moi la principale force de cette série.
De plus, s'affirmant peu à peu contre un destin qu'on lui oppose, il est sympathique de voir qu'elle a l'intention de faire les choses comme bon lui semble. Sa forte volonté, son insubordination et le rejet de son instrumentalisation par les autres font pour moi d'Ange un personnage charismatique. Son combat s'y symbolise par la chanson Towagatari/Hikari no Uta qu'elle a apprise de sa mère, laquelle je recommande d'écouter. Elle trouve sa place à certains moments soit pour l'apaiser soit pour la revigorer. À d'autres moments, elle sert de combustible aux mechas (c'est le même principe que gueuler pour avoir plus de force), d'une manière que je juge ridicule et hilarante mais la représentation s'y retrouve tout de même donc je tire mon chapeau. J'insiste principalement sur l'amour maternel qui survit à travers Ange. Il y une tentative de sensibiliser le spectateur par une approche émotionnelle tant par la beauté de la chanson que par le ressenti. En effet, dans les moments les plus sombres d'une vie, on a besoin de quelque chose de beau qui nous fait penser aux êtres qui nous sont chers, ce qui finalement est l'un des éléments prouvant l'humanité d'Ange.
N'ayant plus personne, Ange recherche alors son bonheur à travers les liens affectifs qu'elle noue avec les autres personnages et aussi avec l'amour qu'elle nourrit avec Tusk, le protagoniste masculin. Au passage, j'en profite pour parler de leur design qui fait ressortir avec élégance les traits féminins - comme quoi tout n'est pas vulgaire visuellement - mais je dénonce cette flopée de couleurs de cheveux à faire pâlir un arc-en-ciel. Rose, rouge, vert, bleu, jaune, marron, noir, violet, orange, gris et j'en ai peut-être oublié. Si on peut justifier cela, je dirais que ces couleurs ont au moins le mérite d'identifier avec plus de facilité les personnages selon l'idée : une couleur = un personnage, bingo! Mais avec un peu plus de profondeur, cette flopée serait représentative des identités et de leurs sentiments.
Concernant Tusk d'abord, il a le mérite d'aller contre ce qu'on pouvait très fortement craindre d'un anime présentant un pléthore de personnages féminins. Point d'harem interminable ici, une romance un peu niaise mais agréable est présente grâce à un homme qui avoue sa flamme, s'affirme et assume ses sentiments. Quant aux autres ensuite, ils ne sont pas en reste. Chaque personnage dans cette série cherche une raison à son existence et un chez-soi où il peut vivre en paix avec ceux qu'il aime. Ils vivent leur quotidien comme ils le peuvent et la difficulté pour y parvenir se ressent à travers les émotions qu'ils dégagent : joie, peur, frustration, sentiment d'impuissance, dégoût, haine, amour, affection sont ceux que je retiens. On les retrouve ici nos couleurs, c'est pas beau ça?
Cette volonté de nous immerger dans les sentiments des personnages permet de mieux comprendre, par la suite, les raisons les poussant à commettre leurs actes. Cela permet une construction active et vivante des relations entre ceux-ci et Ange. Je reproche malheureusement que cette approche n'est pas respectée jusqu'à la fin. On assiste à des retournements de situations assez improbables, là où souvent je considérais que le point de non-retour avait été franchi. Je n'oublie pas non plus le pardon trop facile face à des actes de lourdes conséquences. Je me contenterais de dire que Cross Ange nous apprend à ne pas être rancunier, le pardon est une qualité qui fait progresser l'homme.
D'ailleurs, un élément de la série sert d'appui à ces émotions. C'est le fameux caractère ecchi, très présent, qui est empreint d'une certaine crédibilité. Je reconnais, dans un premier temps, que cet ecchi est là pour faire du bon fan-service comme on les aime. On a le droit à toute une série de clichés niais, incontournables et indétrônables tels que la chute du garçon entre les jambes de la fille, la gifle qui en découle et ainsi de suite. On a le droit à de la nudité gratuite (enfin, fallait payer Wakanim quoi), des vêtements originalement découpés à faire virer le couturier (ou alors je ne comprend rien à la mode), les bons ofura (on espionne un peu?) et autres, j'en passe (oui, la liste est longue)... N'oublions pas la magnifique censure avec des écrans de lumière perforer l'écran d'on-ne-sait-d'où (si vous connaissez cet endroit, faites-le moi savoir).
Mais dans un second temps, ces clichés et tout ce ecchi tape-à-l'œil omniprésent font partie d'un ensemble auquel on peut lui justifier une finalité bien plus sérieuse qui donne même du réalisme à son univers. En effet, l'univers de Cross Ange est celui de femmes fortes mais avec leurs faiblesses, leurs désirs et leurs sentiments. En l'absence de mâles, il est normal que sur le long terme se développent des relations allant au-delà de la simple amitié pour ne pas dire lesbiennes (oups, ça m'a échappé). Isolées du reste du monde, le lieu où elles vivent est comparable à une prison. Et tout le monde sait que le milieu carcéral tend à créer des liens particuliers entre compagnons de cellule... Les scènes érotiques et leurs attitudes les unes envers les autres nous permettent de le constater, non pas seulement pour que les messieurs se rincent l'œil, mais aussi pour se rendre compte que les liens qu'elles tissent entre elles sont plus complexes qu'il n'y paraît au premier regard. Finalement, l'ecchi arrive même à servir l'anime et ce n'est pas de mon habitude d'en faire l'éloge.
Enfin, avant de conclure, le dernier point n'est pas moins important que les précédents puisqu'il empêche le spectateur de décrocher. La série a un rythme captivant durant lequel s'ennuyer m'a paru impossible. Jamais une idée étrangère à l'anime ne m'est venu à l'esprit parce que le déroulement ne me laissait pas le temps de penser à autre chose. Chaque évènement s'enchaîne captivant mon attention pendant un temps que j'estimais ni insuffisant ni excessivement long. D'ailleurs, ce rythme marque plus facilement l'évolution constante d'Ange. Par conséquent, c'est consistant mais sans être écœurant, pas besoin d'huiler davantage les gonds. Il n'y a qu'un passage qui rompt ce rythme à cause de son caractère stéréotypé qui a tendance à prendre légèrement le dessus durant les épisodes concernés. Mais au milieu de tout ça, je ne garde pas l'impression qu'il dessert l'anime étant donné qu'il ne s'étale pas dans la longueur. Il est même rafraîchissant, assouplissant la transition entre alors grosso modo deux parties de l'anime que ce passage permet d'identifier avec plus de clarté.
Conclusion :
Loin de croire que cet anime allait être aussi riche, j'en suis surpris et je le recommande vivement. Cross Ange a su me charmer en articulant ses personnages, par une approche riche en émotions et par l'abordage de problématiques pour lesquelles j'ai de l'intérêt. Finalement, un "anime de filles en tenues provocantes tuant des dragons à bord de robots géants" peut se révéler bien plus intéressant après avoir vu les choses de la sorte.