Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit,
Ainsi soit-il,
Mes chers frères, mes chères sœurs, mes chers fidèles,
Il était deux spectateurs d’animes, chacun dans une maison différente. Le premier recherchait sans cesse les meilleurs animes, et il les prenait très au sérieux car il se considérait comme un vrai fan d’anime. Mais il était tellement sérieux qu’il ne trouvait jamais rien à la hauteur de ses attentes. Le second recherchait sans cesse les plus mauvais animes, et il s’en moquait joyeusement. A la fin du jour, les deux spectateurs avaient regardé autant d’animes, l’un des très bons, et l’autre des très mauvais. Mais le premier était déçu et malheureux, tandis que l’autre était content de lui.
Cette parabole illustre très bien la situation des fans d’animes de notre paroisse. La recherche constante de la qualité amène plus souvent à l’insatisfaction, tandis que la recherche ironique de la nullité mène au contentement et au bonheur.
Prenons l’exemple de Vatican Miracle Examiner, un anime du studio JC Staff diffusé en 2017. Il s’agit d’une adaptation de light novel qui suit des agents spéciaux du Vatican, mandatés par le Pape afin d’authentifier des miracles qui leur sont signalés à travers le monde. Leur travail consiste à se rendre sur les lieux des prétendus miracles pour vérifier le caractère surnaturel des évènements et prouver sans doute possible l’intervention de Dieu. L’idée est intéressante, car il y a peu d’animes consacrés à la religion catholique et que le thème des miracles convoque aussi bien la foi que la science, ce qui permet de nombreuses possibilités d’écriture et de mise en scène.
On suit donc le Père Joseph Hiraga et le Père Roberto Nicholas dans leurs aventures à travers le monde. Le Père Joseph est un scientifique, versé dans les méthodes de la médecine légale. Le Père Roberto est lui un littéraire spécialiste des symboles et des textes anciens. L’alliance de leurs compétences, et leur foi inébranlable en notre Seigneur, leur permettent de surmonter toutes les difficultés et de résoudre tous les mystères. La première affaire se déroule dans un monastère d’Amérique du Sud, dans lequel se serait produit un cas d’Immaculée Conception similaire à celui de la Vierge Marie mère de notre Seigneur Jésus. Le monastère comporte une abbaye mais également un hôpital et une école ans laquelle les ecclésiastiques enseignent aux jeunes la parole de notre Seigneur. Mais dès l’arrivée de nos protagonistes des évènements étranges se produisent. La femme enceinte qui fait l’objet du miracle disparaît, et une série de meurtres violents touche les prêtres locaux. Joseph et Roberto doivent alors s’improviser détectives pour arrêter le criminel et résoudre l’énigme qui entoure cette mystérieuse paroisse.
Quelques épisodes plus tard, ils finissent par découvrir que le monastère sert en réalité de façade à une organisation de trafic d’enfants. Mais ce trafic d’enfants sert lui-même de façade à une organisation de trafic de drogue. Mais ce trafic de drogue sert lui-même de façade à une organisation de blanchiment d’argent du Vatican. Mais cette organisation de blanchiment d’argent du Vatican sert lui-même de façade à une organisation de fanatiques néo-nazis qui procèdent à des expériences génétiques pour mettre au monde le clone de Adolf Hitler.
Nous n’en sommes qu’au quatrième épisode, soit le tiers de la série, et le scénario a déjà basculé dans la stupidité la plus totale. L’anime n’est pas en réalité une série sur la religion, mais un ersatz raté d’un roman de Dan Brown, une sorte de bouillie de complots et de conspirations ridicules et présentées avec le même sérieux confondant, la série brandissant sa bêtise comme ses héros brandissent le crucifix sur lequel est mort notre Seigneur Jésus qu’ils utilisent pour leurs super-attaques catholiques dignes d’un Pokémon de l’épiscopat.
Toutes les possibilités d’écritures et de mise en scène que j’ai mentionné plus haut dans cette homélie sont réduites à néant par l’obsession de la série envers les plot-twists qui se suivent dans un cheminement précipité à la limite du possible, transformant rapidement la série en une suite d’évènements aléatoires tous plus invraisemblables les uns que les autres. Rien de ce que dit ou fait la série n’a de sens, les enquêtes sont écrites n’importe comment avec des déductions impossibles et des méthodes qui feraient passer Sherlock Holmes, Conan Edogawa et tous les meilleurs détectives de la fiction pour une colonie de vacances d’attardés mentaux livrés à eux-mêmes quelque part entre le camping de la plage et l’Office national des forêts de Loire-Atlantique.
L’esthétique de la série elle-même est d’une particulière laideur avec un chara-design ostensiblement conçu pour plaire au fujoshis (et des sous-entendus bien peu chastes sur les activités de nos jeunes et beaux prêtres entre deux messes), une animation aussi pauvre que les tenues de Saint François d’Assise et surtout des génériques immondes, mélange vomitif d’animation et de prises de vues réelles tournées n’importe comment par n’importe qui, sur une musique rock parfaitement hors sujet dont les paroles en latin-japonais transcendent le concept même d’art pour se rapprocher d’une certaine conception du divin.
Passés ces quatre premiers épisodes légendaires, la série continue d’enchaîner les enquêtes ; mais si le scénario progresse le niveau d’intelligence de l’anime continue lui de régresser, avec des scénarios qui s’enfoncent dans la crétinerie à la manière de Dante qui s’enfonce dans les différents niveaux du Purgatoire. L’aspect religieux de la série est de moins en moins présent, c’est à peine si l’on parle de religion ou de foi, tout ce qui importe désormais c’est de laisser libre cours au grand n’importe quoi de l’intrigue des prophètes de sociétés d’hydrocarbures africaines et d’organisation secrètes d’alchimistes moyenâgeux qui produisent des faux billets dans les mines d’or d’Italie.
Pour vous le dire simplement, mes chers fidèles, dans ma carrière de diacre je n’ai jamais rencontré un anime aussi irrémédiablement stupide, aussi irrévocablement débile, dont chaque élément relève de la folie pure et simple, une vision d’horreur de la trempe des vues infernales décrites par l’Apocalypse de Jean. Le fait qu’une telle idiotie ait pu être écrite, validée, produite et diffusée par des êtres humains doués de raison relève du péché capital, de la faute morale que même le sacrement de la confession ne saurait faire pardonner, qui demanderait la plus miséricordieuses des miséricordes et un dévouement complet des coupables pour obtenir le Pardon de notre Seigneur.
Et pourtant mes chers fidèles, et pourtant…
Vatican Miracle Examiner est certainement la série qui m’a le plus passionné de la saison, celle dont j’attendais le plus chaque nouvel épisode hebdomadaire comme les ouailles attendent la messe du dimanche. Je ne pouvais pas attendre de voir jusqu’à quelle extrémité de bêtise la série allait pouvoir s’enfoncer, et je n’ai jamais été déçu, cet anime est définitivement incroyable de ridicule, une expérience à nulle autre pareille. C’est pour cela que je vous conjure, je vous implore de regarder Vatican Miracle Examiner, au moins ses quatre premiers épisodes, pour avoir un exemple concret de ce que c’est qu’un vrai nanar animé, un vrai mauvais anime qui a tout faux dans tous les domaines et qui n’en devient que plus drôle.
Pour conclure, j’aimerais vous laisser méditer sur l’idée que les notions de qualité et de mauvaiseté ne doivent pas être nécessairement reliées au plaisir ou au divertissement. Un mauvais anime peut procurer autant de joie qu’un bon anime, car ce qui compte ce n’est pas ce que l’anime nous propose, mais ce que nous venons y chercher. En vérité je vous le dis, le fan d’anime ne sera pas jugé sur ce qu’il a vu sur cette Terre, mais sur ce qu’il verra devant notre Seigneur au Paradis.
Avant de nous quitter, mes chers fidèles, je souhaite que nous adressions tous ensemble une prière à nos frères et sœurs du studio JC Staff. Comme vous le savez peut-être, c’est ce studio qui a été choisi pour produire la prochaine saison de One Punch Man. Et lorsque l’on constate le niveau de ce qu’ils font actuellement, on ne peut que prier pour le salut de leur âme.
Amen.
Homélie du Père Deluxe du diocèse d'Anime-Kun, dite en l'église Saint-Tomino-de-la-Miséricorde, messe du dimanche 15 octobre 2017