Vento Aureo est la cinquième partie du manga JoJo Bizarre Adventure de Hirohiko Araki, qui fut publiée entre 1995 et 1999 dans le magazine Weekly Shônen Jump soit il y plus de vingt ans. Tout comme pour la précédente partie Diamond is Unbreakable, l’anime qui nous intéresse ici est la toute première adaptation de ce manga à la fois culte au Japon et inconnu du grand public occidental. Un public qui à chaque nouveau JoJo doit encore rehausser ses standards en matière de shônen tant cette licence venue du fin fond des années 90 survole l’offre contemporaine.
Au début des années 2000, la ville de Naples est gangrénée par la misère et le crime organisé. Le trafic de drogue corrompt la jeunesse, les autorités ont lâché l’affaire et laissent les rues aux mains des criminels. Giorno Giovanna est un de ces gamins désœuvrés qui survit tant bien que mal dans cette ville de misère. Jusqu’au jour où il croise la route de Bruno Bucciarati, petit parrain local sous les ordres de l’organisation Passione qui contrôle la mafia au niveau national. Pour Giorno, c’est la chance d’intégrer la pègre et tenter de grimper au sommet pour en finir avec la violence…
Lorsque David Production se lança dans cette entreprise titanesque d’adaptation complète de JoJo Bizarre Adventure, ce studio sortait de nulle part et tout le monde était sceptique sur leur capacité à faire honneur au matériel de base. Aujourd’hui il est clair que David Production a accompli un travail incroyable et qu’ils y deviennent de plus en plus efficaces. Diamond is Unbreakable jouissait notamment d’une direction artistique superbe avec ce style pop-art et sa mise en scène élaborée. Vento Aureo place la barre encore plus haut, David Production ayant atteint le sommet de son art. La direction de l’animation est exceptionnelle et met en valeur les designs toujours plus excentriques de Hirohiko Araki, et l’animation elle-même fait un bond dans la qualité et la quantité – surtout au début de la série il faut l’admettre. Les décors méditerranéens offrent un dépaysement garanti (sauf pour ceux qui habitent vers la Méditerranée je suppose) et la partite sonore doublage-OST-générique est toujours d’aussi haut niveau. Globalement Vento Aureo est moins stylisé que DIU, mais il compense par une technique plus aboutie, tu sens que le studio commence à utiliser le pognon qu’ils ont gagné après des années de Jojo à succès.
Le récit est exclusivement consacré à la quête de Giorno et Bucciarati pour grimper les échelons de Passione et trouver le boss. Pour cela il devront accomplir divers objectifs et éliminer les adversaires qui se placeront sur le chemin… Et c’est à peu près tout, contrairement à DIU qui partait dans tous les sens ici l’intrigue est très linéaire et pas particulièrement intéressante à suivre à cause du manque de contexte. On ne nous montre de Passione que ce qui intéresse directement le scénario, du coup ces histoires de mafia on s’en fiche un peu. En revanche les nombreux flashbacks qui interviennent pour raconter le passé de tel ou tel personnage sont tous excellents, ce qui prouve à quel point Araki est doué pour ce genre de mini-récits - c’est peut-être pour cela qu’il a choisi de découper son manga comme ça en plein de parties semi-indépendantes d’une vingtaine de tomes chacun, lui-même sait qu’il est meilleur quand il fait court.
Ce qui intéresse vraiment Araki finalement, c’est la baston. Là encore le traitement est différent de DIU, puisque Vento Aureo se prend plus au sérieux et propose des combats brutaux et violents ; presque chaque affrontement se termine par des morts de tel ou tel côté, là où je ne me souviens pas si Josuke avait tué qui que ce soit dans DIU. Les combats sont également plus recherchés avec notamment beaucoup de 2 v 2 là où la norme dans le genre c’est plutôt le duel surtout à l’époque où le manga a été écrit. Bon par contre faut pas trop chercher à comprendre le détail des pouvoirs des Stands et tout, au début ça va à peu près mais vers la fin on se dirige lentement mais clairement vers le Grand N’Importe Quoi, c’est pas super grave mais voilà.
Il y a toutefois un point que l’on ne peut pas laisser passer c’est le boss final. Diamond is Unbreakable consacrait du temps à développer le personnage de Yoshikage Kira, à détailler son fonctionnement et expliquer pourquoi il était dangereux et puissant. Si bien que quand Kira se mettait en action, c’était la hype totale. Vento Aureo fait l’inverse, c’est-à-dire qu’il cache le boss final jusqu’au tout dernier moment ; c’est même le point principal de l’intrigue, les personnages cherchent à dévoiler son identité pour le vaincre. On peut comprendre ce choix narratif, mais la conséquence c’est que lorsque le boss apparaît finalement cinq ou six épisodes avant la fin ben t’en as un peu rien à branler, limite c’est juste un dernier mec à buter comme les quinze autres mecs qu’on a buté avant. C’est avec ce genre de trucs, et d’autres points étranges (les personnages qui disparaissent en plein milieu de la série, les pouvoirs qui sortent du trou de balles du scénario…) que tu vois à quel point Vento Aureo est bien un manga hebdomadaire d’il y a vingt ans, à cette époque le genre shônen était moins scruté qu’aujourd’hui et les mecs ils faisaient pas attention aux détails, les lecteurs non plus, tant qu’il y avait des belles images ils étaient contents.
Vento Aureo c’est donc surtout cela, un produit des années 90 ressorti des cartons et vendu comme si c’était un anime d’aujourd’hui. Si on y ajoute le style farfelu de Araki, qui se contrefout de la logique et du world-building, on peut être réellement surpris que cette licence soit aussi populaire auprès du public actuel habitué aux univers construits et formatés. En adaptant JoJo Bizarre Adventure avec vingt ans de retard on pouvait se demander si ce n’était pas une erreur ou un échec annoncé, en réalité c’est peut-être le dernier grand coup de génie de l’animation japonaise.