Durant la semaine où AK était en "maintenance forcée" j’ai reçu tout un tas de mails de membres désemparés de ne pas avoir leur dose régulière de vieilleries et de nostalgie animée. Que l’on se rassure, Deluxe n’est jamais bien loin lorsqu’il s’agit de démontrer par A+B que c’était quand même mieux avant.
Venus Wars est un long-métrage réalisé par Yasuhiko « YAS » Yoshizaku en 1989, adapté de son propre manga. Pour ceux qui ne connaissent pas, YAS est un illustrateur qui a connu son heure de gloire dans les années 70-80 en ayant participé au chara-design de plusieurs animes de l’époque, et en particulier la série Mobile Suit Gundam et ses suites. Rien qu’avec ça, YAS est encore aujourd’hui un des artistes les plus respectés dans le domaine au Japon. Le film en lui-même sort à une période où le cinéma d’animation japonais est en pleine explosion : le studio Ghibli commence à sortir ses premiers projets, Akira vient au sortir au cinéma tout comme le premier film Patlabor de Mamoru Oshii. Lorsqu’il sortira en France en VHS, Venus Wars fera un carton - pour le marché de l’époque. On est vraiment là face à un fragment de la gloire passée de la japanime.
Le récit se déroule en 2089 sur la planète Vénus, qui est devenue habitable après avoir été percutée par une météorite qui a bouleversé son écosystème (c’est de la SF cherchez pas à comprendre). Vénus a donc été colonisée par l’homme, mais les habitants y vivent dans des conditions bien moins confortables que celles de notre bonne vieille Terre. Surtout, la planète est ravagée par une guerre entre deux nations concurrentes, Ishtar et Aphrodia. Le scénario proprement dit débute lorsque Ishtar lance une attaque surprise sur la capitale d’Aphrodia et élimine toute résistance. On suit le parcours d’un groupe de jeunes motards d’Aphrodia qui vont se retrouver impliqués dans la rébellion…
Pour commencer la critique, autant aller directement à l’essentiel. Si je me base sur la version Blu-Ray dont les screens illustrent ce texte, alors Venus Wars est probablement un des animes les plus splendides que je connaisse de cette période. Le travail de direction artistique et notamment des décors est juste exceptionnel. Évidemment tout ceci est animé à la main, comme il se doit, et le boulot accompli sur les mechas, les effets spéciaux et le background animation relève de l’excellence. Ceux qui ont vu pas mal de Gundam connaissent le style de YAS, mais le rendu dans ici présent m’a beaucoup fait penser aux premiers films de Miyazaki ; et d’une certaine manière Venus Wars ressemble à ce qu’aurait pu faire le studio Ghibli s’il était sorti un moment de ses fantaisies écolos. D’ailleurs, la musique du film est composée par Joe Hisaishi (oui, ce Joe Hisaishi), qui se fait plaisir avec force synthés et autres réminiscences des goûts musicaux particuliers des années 80.
De manière générale, on sent que les créateurs de ce film avaient à l’esprit de s’adresser aux hommes, aux geeks fans qui ont du poil sous le bras. Venus Wars reprend tout ce qu’aiment les vrais hommes : de la SF, des grosses bécanes, des mechas qui font pan-pan boum-boum et des meufs. Très important, les meufs. Et quand au détour d’une scène tu tombes sur un plan tel que celui-ci, tu te dis que les mecs ont tous compris : une meuf en combi moulante sur une moto du futur qui regarde le ciel d’une planète lointaine, c’est toute l’essence de l’animation japonaise capturée en une image.
Il va maintenant falloir parler de la narration est je risque d’être un peu moins enthousiaste. Cette histoire de jeunes insouciants qui font de la moto et draguent des filles avant de se retrouver impliqués dans une guerre qui les dépasse n’a déjà plus rien d’original à l’époque. Megazone 23 est passé par là, Akira aussi. Mais surtout, le côté adaptation de manga est très visible, avec un scénario à la fois dense et superficiel. Il se passe beaucoup de choses mais les personnages et l’univers restent peu approfondis. Le meilleur exemple de ceci est le personnage de Susan, la jolie journaliste qui débarque sur Vénus pour filmer les horreurs de la guerre. On la présente comme un personnage central mais son rôle dans le récit est finalement assez négligeable, tout comme la romance qu’elle entretiendra avec un personnage secondaire OSEF. Le protagoniste Hiro est déjà plus intéressant même si on reste dans ce qui se fait de plus classique en termes d’écriture.
Venus Wars est une immense réussite technique et artistique, mais il lui a manqué un scénario suffisamment abouti qui lui aurait permis d’atteindre le statut culte des autres films sortis à la même période. Le principal intérêt de ce film, c’est qu’il est certain qu’on ne reverra plus jamais un autre anime avec le même esprit geek, doté de la même excellence formelle. A l’heure où l’animation japonaise se trouve incapable d’animer la moindre boîte de conserve autrement qu’à l’aide d’ordinateurs, il faut savoir préserver les reliques d’une époque où l’animation était d’abord une question de talent et de passion.