Je suis triste. Triste pour Wizard Barristers, son réalisateur, ses spectateurs... Personne ne méritait cela. Pourquoi ? Pourquoi la déception a très vite supplanté l'espoir ? C'est une longue, très longue histoire... Elle a duré douze épisodes, était loin d'être passionnante et a fini par rejoindre les tréfonds de l'animation japonaise. Quelle destinée pitoyable.
Mais analysons cela plus en profondeur, voulez-vous ? Comme l'indique son titre, Wizard Barristers : Benmashi Cecil nous invite à suivre une jeune fille canado-japonaise (avoir une métisse comme protagoniste principal d'un anime est relativement rare, autant souligner même si cela n'apporte absolument rien) nommée Cecil, dans un monde contemporain où la magie existe. Pour réglementer cette dernière, une cour de justice spéciale a été mise en place, tout comme un corps de magistrats particuliers : les avocats des magiciens semblent en effet composer une fonction à part et portent le nom de Barristers.
Plongeons donc de plein pieds dans le premier problème de la série. L'univers. Vous remarquerez dans le paragraphe précédent que j'ai employé le verbe "sembler". Car concrètement, je n'ai remarqué aucune différence avec des avocats normaux, hormis qu'ils sont magiciens et qu'ils ne défendent que des magiciens, pour ce que j'ai vu. Mais cela reste très flou. Peuvent-ils défendre des gens ordinaires ? Des avocats non magiciens ont-ils le droit de s'occuper d'affaires où intervient la magie ? Nous n'en savons rien. Très peu de choses sont expliquées sur le fonctionnement de cette société et de son système judiciaire, pourtant au cœur de la série. La cas des avocats n'est pas isolé : quid du Code de la Magie ? Équivalent du Code Pénal pour les magiciens, il n'est pas utilisé pour éclaircir le statut des magiciens ou même de la magie tout court. Ce qui est tout de même un comble. Le seul article dont vous aurez connaissance est le 10, qui interdit l'usage de la magie sans autorisation dans des lieux publics, et est surexploité à un point où ça en devient énervant. Et donc forcément, vu que le Code est si peu approfondi, comment obtenir un système juridique crédible ? Eh bien ils n'en ont pas obtenu, voilà tout. Cela se répercute même sur les phases d'investigations : les enquêtes sont en effet aberrantes dans leur déroulement, des preuves ou des témoignages transpirent le faux à trente kilomètres. Et que dire des scènes de jugements ? Une mascarade, tout simplement. Ils ne me feront pas croire qu'une audience au tribunal se déroule comme le dernier procès de la série. Même Ace Attorney est plus crédible de ce côté là, tellement les poncifs et autres aberrations sont légions : les preuves ? Ils s'en foutent. Le contre-interrogatoire ? Hasta luego. Le procureur corrompu ? Check. La peine de mort rendue en chaque occasion ? Ça en devient malsain. Alors que la série s'appuie beaucoup sur le système judiciaire tout au long des épisodes, et même sur la notion de justice (avec plusieurs mauvais exemples par ci par là, le premier me venant en tête est le cas de la jeune fille rencontrée au Canada), pourquoi est-ce que cela n'a pas été un minimum soigné ? Même l'histoire de Cecil, basée sur une erreur judiciaire, est ratée. Il n'y a vraiment rien à sauver.
Mais poursuivons donc avec les défauts. L'autre élément sous-exploité dans cet univers bancal est bien évidemment la magie. En même temps, avec ce fameux article 10, difficile de l'approfondir. Pour autant, cela n'excuse pas le manque d'informations : on sait qu'elle apparaît généralement à la puberté, qu'il en existe différentes sortes et que l'article 10 contrôle son utilisation. Et ça s'arrête là. On ne sait pas s'il existe une classification (on la devine mais c'est tout), comment se détermine la puissance... Alors il y a une tentative de bien faire, je le reconnais. Elle porte sur le statut des magiciens dans la société, qui subissent une ségrégation. Néanmoins, c'est extrêmement maladroit dans son traitement. Conséquence : ce racisme est difficilement compréhensible. L'exemple le plus flagrant est le suivant : les magiciens ont l'interdiction d'exercer un métier dans le secteur public. Juste... Pourquoi ? Où est le problème ? L’État devrait au contraire donner l'exemple s'il souhaite une société en paix. A cela s'ajoute le classique cas de l'existence de deux factions parmi les magiciens, avec une d'entre elles qui souhaite la cohabitation avec les humains ordinaires et l'autre qui veut les assouvir. Depuis X-men, on n'a rien fait de plus original ? D'autant plus que cette révélation d'un conflit arrive très tard dans la série, empêchant ainsi de l'exploiter convenablement. On a l'impression que cela ne touche qu'une dizaine de personnes. C'est l'équivalent de cette tapisserie super moche chez votre grande tante par alliance : elle fait décoration. On pourrait limite conclure que la magie est en fait une simple poudre aux yeux utilisée pour les combats.
On va poursuivre avec le deuxième problème, flagrant celui-ci : les personnages. Cette brochette de guimauves en puissance, sans déconner. Cela faisait un sacré bout de temps que je n'avais pas vu pareil casting. Honneur à la pire : Cecil. Ou Cécily, selon la prononciation japonaise. Je ne sais plus. Et je m'en fous. Elle est... Insupportable est un qualificatif encore trop faible. Exaspérante ? On se rapproche. Mais c'est toujours insuffisant. En plus de son caractère franchement déplaisant, elle n'est absolument pas crédible. Attention les yeux : elle est avocate, et ce à 17 ans. Ben voyons. Même la saga des Ace Attorney n'a pas osé nous sortir un tel protagoniste. Je sais que sauver le monde à 16 ans (voir moins) dans l'Anime World est chose normale. Mais là, ça ne passe pas. Déjà parce que la cohérence en prend un grand coup dans la figure (Cecil n'a rien d'un génie dans son raisonnement ou comportement, ironiquement c'est même plutôt l'inverse), et surtout car ça dessert complètement l'univers. Cela n'apporte rien, hormis une couche niaise dont on se serait bien passé. Où était le problème de lui donner la vingtaine, comme ses collègues ? Bref, hormis pour le fan-service, ce personnage est juste d'une nullité absolue. Oh, et ne surtout pas oublier sa voix, horripilante au possible. Elle est tellement suraiguë et nigaude que rien que pour ça, vous allez détester le personnage.
Et les collègues, mon Dieu. Ils ne servent, mais alors... à que dalle. Rien. Nada. C'est comme la tapisserie. Sans compter qu'ils sont loin d'être attachants : la nana aux gros nichons mérite de disparaître, ses dialogues ne consistant qu'en des allusions sexuelles débiles. L'autre otaku est complètement stupide. La mégère aux papillons, je cherche encore son rôle. Tout comme "cheveux-bleu" et le vieux. Il y a bien l'ex-procureur qui est sympa, mais on doit l'entendre parler une demi-heure sur l'ensemble de la série. Et la brunette était porteuse d'espoir jusqu'à ce qu'elle retourne sa veste et devienne pote avec le greluche qui nous sert d'héroïne. On passera sur les mascottes des magiciens qui, en plus d'être d'une mocheté sans pareille, sont les choses les plus inutiles que j'ai pu voir depuis bien longtemps dans l'animation japonaise. On oubliera le grand méchant, inintéressant au possible, les avocats "beaux gosses" dont je n'ai même pas envie de parler, et la flic raciste qui avait un bon potentiel et aurait pu apporter quelque chose si seulement on avait pris le temps de s'intéresser à elle (sa haine envers les magiciens, elle est due à quoi bon sang ? A moins que ce ne soit juste du racisme primaire ?). Il y aurait pu avoir Moyoyon, qui intrigue et nous fait espérer que quelque chose va enfin valoir le coup dans cette série, mais ça tombe à plat (son caractère assez similaire à l'obsédée n'aide pas non plus au début). Le seul à trouver grâce à mes yeux est Shimizu, qui a droit à un approfondissement. Un peu bancal, en effet, mais il existe. Comment il a pu se retrouver dans cette connerie, le pauvre...
Alors certes, on sent qu'ils ont voulu faire quelque chose de tous ces personnages. Les premiers épisodes de la série le montrent bien. On s'attarde sur chacun des collègues l'espace d'une histoire indépendante, et ils en profitent pour nous apprendre quelques éléments sur l'univers et disperser des pistes pour la suite. Bref, il y a construction d'un fil rouge. Néanmoins, il y a un gros souci : ce n'est pas intéressant. C'est soit du ressassé, soit du ridicule (non mais l'épisode de la prise d'otage...), et on adopte une construction bien souvent similaire : enquête, on parle du passé du personnage de la semaine avec parfois un flash-back, et on termine avec la baston. Mais les histoires dépeintes, que ce soit celle du collègue ou l'enquête en cours, ne captivent pas. Trop génériques, trop passe-partout, trop "déjà vu". En plus c'est mal rythmé, l'ennuie n'est jamais loin. On se réveille le temps de la baston qui dure cinq minutes, et voilà, on peut retourner au pays des rêves. Et surtout qu'est-ce que ça dure ces investigations solitaires. Il faut tout de même attendre l'épisode 10 pour se focaliser sur la trame de fond. Pas étonnant qu'elle soit convenue et expédiée manu militari, il ne leur restait plus grand chose pour la développer. Je suis le premier à reconnaître la bonne volonté dans l'écriture, mais arrivé à un moment, ce n'est plus la peine. On tombe dans le déplorable et on fait une over-dose. Les dialogues, surtout vers la fin, en sont l'exemple le plus flagrant, avec un raisonnement et une naïveté dans les propos tout simplement désespérants, qui m'ont fait pousser maints soupirs affligés. Aucun magistrat ne s'exprimerait de cette façon (je veux pas dire, mais les concours d'éloquence chez les avocats, ça envoie du lourd normalement).
Nonobstant, là où la série est une réussite, c'est dans sa réalisation. Pour ce point ci, je ne vais pas faire la fine bouche, j'ai beaucoup aimé. L'animation est top, le chara-design, bien que simpliste, est accrocheur et assez unique (en même temps la patte du réalisateur Umetsu Yasuomi est facilement repérable), et les couleurs pètent. La mise en scène n'est pas avare en effet de lumière et les combats, que ce soient avec flingues ou magie, rendent pas mal. Mais il est regrettable que les pouvoirs n'aient pas été plus exploité que cela : à part balancer des salves d'eau/feu/vent/terre, les magiciens ne font pas grand chose. On a aussi des méchas en 3D pas folichonne qui constituent une des faiblesses techniques, et dont je n'ai toujours pas compris l'intérêt. A noter la musique, pas franchement transcendante, ainsi qu'un opening très beau visuellement mais transparent musicalement, et l'ending qui... Euh... Existe et puis voilà. Mais globalement, c'est tout à fait honnête voir au dessus de la moyenne.
Enfin, tout ceci, c'était avant l'épisode 11. L'épisode de la honte, qui a fait entrer l'anime dans l'Histoire. Je n'ai jamais rien vu d'aussi mauvais. Même des nanars sont mieux foutus que ce truc. Des pages entières du story-board ont disparu, c'est inexplicable autrement, et le résultat est juste intolérable. On ne comprend rien au déroulement de cet épisode. Et le pire, c'est qu'il s'agit de l'épisode charnière, celui où toutes les révélations ont lieu. A noter aussi la mort qui vient frapper, mais c'est tellement mal fichu qu'on n'en a rien à cirer. Elle méritait mieux que du hors champ sans déconner. Ajoutons des plans fixes sur un œil ou autre élément incongru qui dure dix secondes alors qu'un dialogue entre plusieurs personnages a lieu, une animation lamentable, des plans paysages interminables pour meubler, une gestion du son innommable... Un scandale. On en vient à obtenir un cas d'école. Du coup, l'anime n'a plus rien pour lui. Je ne vous parle même pas de la fin, ça n'en vaut pas la peine. On a des filles en petite tenue, c'est tout ce que j'ai retenu. Et aussi un semblant de cliff-hanger, mais il faudrait vraiment être le dernier des abrutis pour s'y laisser prendre.
Que dire, finalement ? L'univers avait tout pour plaire, et le réalisateur, dont j'ai auparavant pu apprécier le travail, avait le talent pour en faire quelque chose. Or, tout fut gâché par une galerie de personnages indigestes, une écriture immature, un monde sous-exploité et surtout une fin bâclée, que ce soit au niveau du récit ou de la technique. Un début prometteur, une fin calamiteuse. Le constat est ainsi clair. En ce lieu je suis seul juge, et je vais me faire un plaisir de rendre mon verdict, qui sera sans appel.
Wizard Barristers : Benmashi Cecil, par les pouvoirs qui me sont conférés, je vous condamne aux bas-fonds de l'animation japonaise. A perpétuité.
Dura lex, sed lex.