Il y a de ces animes où on imagine fortement la réunion qui leur a donné naissance. Quelques verres, probablement un peu de drogue, un puissant manque d’inspiration, et en fin de compte quelques bouts de papiers tirés au sort dans un chapeau qui, mis bout à bout, forment un scénario qu’il ne viendrait pas à l’esprit d’un homme sensé de refuser.
C’est ce genre d’aberration qui donne naissance à des trucs comme Zombieland Saga, une vaste collaboration qui rassemble entre autres Cygames et les studio Mappa, lesquels ont sûrement 1) reçu un chèque 2) estimé qu’ils n’avaient plus rien à prouver depuis leur récente flopée de séries à succès et 3) devaient tellement chialer devant leur propre adaptation du génialissime Banana Fish qu’ils étaient bien contents de se changer les idées.
Je raconte un peu n’importe quoi, vous l’aurez remarqué, mais Zombieland Saga se prête à ça. Se vendant vaguement comme une série horrifique avec un casting de filles mignonnes, la série ne perd en revanche pas de temps à vous faire comprendre dans quoi vous vous êtes lancés, avec, dirons-nous, la subtilité d’un camion lancé dans votre figure à grand renforts de slow motion et de riff de guitare. Mais passons.
Zombieland Saga est le concept même du crossover débile, du scénario hallucinant de stupidité. Sous la gouverne d’un manager bipolaire, 7 filles sont ressuscitées comme zombies pour devenir idols et sauver la mourante préfecture de Saga. Elles sont toutes plus ou moins liées à l’univers des idols et du showbusiness, viennent d’époques différentes, et doivent cacher leur réelle identité sous peine de finir découpées en rondelles par des humains terrifiés. Leur motivation est naturellement inexistante, mais notre héroïne, Sakura, est amnésique et voit en l’étrange passion qui l’anime quand elle monte sur scène la voie à suivre pour retrouver sa mémoire. La voilà donc partie à motiver toute la bande à devenir un groupe d’idols accomplies. Mortes, mais célèbres quand même.
Pendant quelques épisodes, les personnages se tâtent et la série aussi. Aventures farfelues sur fond de genres musicaux qui passent de la rap battle au death metal, et de sketchs improbables, on y trouverait peut-être bien un fond de cynisme. Ces adolescentes changées en zombies, prêtes à tout pour se vendre et se faire un nom, qui n’ont plus d’autre but dans leur existence que de s’entraîner à devenir des starlettes, et qui doivent soigneusement entretenir leur image publique sous peine de finir lynchées; malgré l’ambiance légère et l’humour omniprésent, le sous-texte grinçant est assez visible. Même la forme de l’anime semble rendre un hommage des plus parodiques au genre de l’anime idol: les filles, avec leurs yeux immenses, leurs grosses têtes et leurs mains minuscules, sont plus moe que le moe lui-même, les chorégraphies en CGI ne font aucun effort pour être autre chose que hideuses, les discours de motivation sont exagérément stupides et la progression fulgurante de Franchouchou en douze petits épisodes rendrait réaliste n’importe quel nekketsu.
Mais Zombieland Saga, s’il pose un regard somme toute réaliste sur l’industrie idol, qu’elle soit réelle ou fictionnelle, n’est pas là pour simplement se moquer. L’anime n’est pas tant cynique que respectueux de ces demoiselles. Ainsi, passé une première étape de pur délire hallucinogène sans queue ni tête, Zombieland Saga se propose d’exposer rapidement mais efficacement le passé de chacun des membres de Franchouchou, posant une deuxième partie de série assez classique dans son déroulement mais néanmoins intéressant. Chacune des protagonistes venant d’une époque différente avec un background différent, il devient étrangement sympathique de découvrir leur univers, donnant lieu à des épisodes étonnamment intéressants, émotionnels, voire carrément surprenants pour certains (Lily par exemple). Et si l’industrie est critiquée, le concept même d’idol est honoré dans la détermination et le coeur que met Franchouchou à se développer et à vouloir apporter quelque chose de bon et de nouveau à son public. A l’image du mystérieux manager, la série, sous sa bonne couche de débilité pure, est véritablement passionnée par son sujet. Et en fin de compte, nous, spectateurs, venu pour les gags et l’absurde, nous resterons peut-être bien par affection pour Sakura, Junko, Tae et les autres, pour les voir mener leur quête jusqu’au bout et sauver Saga, zombies ou pas. Un plaisir dans la narration qui se retranscrit aussi sur la forme, avec les animateurs qui s’amusent beaucoup trop, certaines chorégraphies en belle 2D et une CGI qui sans être vraiment bonne s’améliore très fortement sur les derniers épisodes; on notera aussi les choix de doublage, qui donnent une véritable identité sonore à chacune des filles et des chansons somme toute très sympathiques – même si la palme d'or revient au manager et ses timbres de voix impossibles.
La route n’est pas parfaite: la fin, bien que réussie, reste trop abrupte et les choix de scénario laissent irrésolues quelques sous-intrigues dont on aurait bien voulu avoir la réponse. Peut-être que des OAV ou une saison 2 viendront compléter l’expérience, bien que j’aurais peur qu’une suite ne parvienne pas à conserver l’originalité de cette saison. Mais la route reste belle, car Zombieland Saga, ce crossover improbable des genres, son humour dont l’absurde confère à la stupidité absolue, ses personnages extrêmes et ses rebondissements scénaristiques toujours aussi subtils qu’un camion lancé en pleine face à grands renforts de slow motion et de plans recyclés, aurait du purement et simplement être nul. Ou pas!