A l'instar de Shadow je fais une brève revue d'un festival de films, celui de Deauville où je vais depuis 15 ans déjà, c'est comme le 11 septembre, ça ne rajeunit pas. Comme une partie va, je l'espère, surement sortir en France je vous fais ici un topo rapide.
1. Blue Bayou (Compétition)
On se rend bien compte dès le début qu’on ne va pas nous raconter une histoire drôle : nous sommes plongés dans la classe moyenne basse américaine, l’immigration, les rapports avec la police … La vraie vie est filmée ici, avec son lot de déceptions et de malheurs, même si des pointes de bonheur et d’espoir sont parsemées, car tout n’est pas toujours tout noir et qu’il convient d’avoir des choses pour lesquelles se battre.
Beaucoup de retours élogieux du public lors de mes échanges post-séance avec les spectateurs : nombreux sont ceux qui, comme moi, ont été émus aux larmes.
2. Pleasure (Compétition)
Fait rare mais pas exceptionnel non plus pour une présentation à Deauville, Pleasure est interdit aux moins de 18 ans car il suit une jolie jeune blonde suédoise qui arrive à LA pour percer dans le domaine du porno.
Le film est cash mais reste toujours à la limite de ce qu’il peut vraisemblablement montrer ou non pour servir son propos. On suit des aventures dans le porno, mais nous ne sommes pas vraiment dans un porno. Donc oui on va voir des sexes en gros plan, des passages à l’acte, mais cela s’arrête toujours au bon moment et la suggestion est aussi pertinente que le fait de finalement tout montrer. Le film est intéressant et aborde un sujet rarement traité, argumenté de 5 années de recherches dans le milieu de la part de la réalisatrice. On oscille entre camaraderie et concurrence, distinction et vulgarité, pour finalement mettre en avant que la place de l’homme reste la plus facile, tant en termes d’ascendant physique et psychologique.
3. La Fracture (Festival de Cannes)
Film hors compétition donc car il nous vient tout droit du festival de Cannes, avec l’équipe quasiment au complet. Autant on critique Bac Nord sur son aspect politique, autant La Fracture semble y aller encore plus franco, mais de l’autre bord. Thierry Fremont, directeur du festival de Cannes, ayant été dithyrambique avant le lancement du film que je m’attendais à mieux. Le film se veut un juste milieu entre drame et comédie mais prête finalement peu à sourire et se perd dans sa volonté de soutien aux Gilets Jaunes et à l’hôpital public, pour ne laisser que peu de place aux autres éléments du film, qui apparaissent parfois très brouillons. J’apprécie de l’avoir vu mais je ne le conseillerais pas forcément.
4. We are living things (Compétition)
Encore un synopsis WTF qui mélange extraterrestres, salon de manucure et fétichisme. Ce que je me suis dit devant le générique de fin : « Pour un film sur les extraterrestres, c’était chiant ». Certaines scènes sont intrigantes, voire surprenantes dans le bon sens du terme, les acteurs font de leur mieux, mais on ressent surtout le gros manque de rythme de ce film. Il met du temps à démarrer, et ça ne va pas forcément mieux la première demi-heure passée. Le film passe avec une extrême lenteur hélas, alors que le pitch original permettait beaucoup de choses.
5. Pig (Compétition) <3
Le film qui m’a fait verser ma larme car cela a été le cas pour Blue Bayou la veille. Avec un synopsis de vengeance à la John Wick, Nicolas Cage (méconnaissable) bénéficie ici d’un rôle qui lui sied à merveille et qui permet – enfin ! – de le mettre en avant. Très contente de retrouver à l’affiche Alex Wolff, qui forme un duo avec Nicolas Cage qui fonctionne à la perfection. J’ai entendu suite à la projection des retours mitigés mais j’ai trouvé ce film très touchant, très « film de cinéma » plutôt que « film de vécu » et c’est une très bonne chose. C’est un film qui fonctionne bien, quasiment sans fausse note, et qui parvient à susciter de l’émotion.
6. Ogre (Première)
Film français indépendant (avec le soutien de la région BFC !), Ogre est un bon film qui part un peu trop en live sur la fin. Le pitch : dans un village de campagne, on retrouve des animaux tués et, pour ce qui est des enfants, on ne les retrouve pas. Ajoutez à cela que le film s’appelle Ogre et vous avez une bonne idée de quoi on va parler. La salle était quasiment pleine et même si beaucoup de spectateurs n’ont pas été conquis, j’ai apprécié l’agencement et l’avancement du film, en plus d’y voir Ana Girardot et surtout Samuel Jouy que j’aime beaucoup. On a envie de savoir ce qu’il se passe, on ne sait pas toujours qui croire ni où se situe la vérité, et il faut pour moi encourager la sortie de ces films indépendants.
7. La Proie d’une Ombre (Compétition)
J’ai vraiment apprécié ce film, qui sait jongler entre l’appréhension, la tension et des séquences carrément de jumpscares. C’est ce qui fait plaisir au festival de Deauville : pouvoir être surpris et voir des films qui se suivent mais ne se ressemblent pas (c’est en tout cas le cas pour cette édition 2021). Le film part du deuil, du surnaturel et, comme pour Ogre, de savoir ce qu’il faut croire ou non. Le tout se tient au niveau de l’intrigue et du déroulement de l’histoire, chaque élément à sa place, et j’ai vraiment aimé les jeux de lumière et de relief qui font tantôt penser au surnaturel, tantôt à de simples vues de l’esprit. Très belle découverte que de voir Rebecca Hall dans ce film.
8. The Last Son (Compétition)
Encore un film d’un genre différent puisqu’il est ici question d’un western, ni plus ni moins. Enfin, presque un peu moins que plus. Après un discours très sensé du réalisateur Tim Sutton, j’ai peu été conquise par ce film. J’entends des spectateurs à la fin du film vanter la photographie et je suis d’accord sur ça, mais pour le reste c’est très plat. La fin est attendue et se dévoile dès les premières minutes du film. Il n’y a aucune surprise sur la fin en elle-même ni sur ce qui la provoque. J’espérais que le réalisateur nous aurait justement pris à revers mais que nenni. Nous sommes également sur le sempiternel raccourci scénaristique du « le monde est petit » ; comme si aux Etats-Unis, et encore plus quand on traverse plusieurs Etats, tout le monde passe son temps à se croiser partout par hasard. Pour un script écrit il y a 10 ans, il n’aurait pas été de trop d’en faire une relecture.
9. The Card Counter (Première)
Après un petit laïus intéressant mais assommant, nous découvrons le nouveau film de Paul Schrader. Soutenu par de beaux studios de production, le film ne parvient pas forcément à décoller et j’avoue que je ne suis pas restée jusqu’au bout de la séance. Après seulement 3 jours de festival j’ai ressenti un petit coup de mou et je n’ai pas de légitimité pour juger le film dans son ensemble. Il ne m’a en tout cas pas donné envie de rester jusqu’à la fin…
10. Down With The King (Compétition)
J’en attendais peu et je n’ai pas été ni conquise, ni déçue par ce que j’ai vu. Ce film, qui montre un rappeur qui se met au vert pour pondre un nouvel album et se prend au jeu de la vie à la campagne, n’est clairement pas un film pour végétarien. J’ai apprécié la beauté des paysages, sans basculer dans le contemplatif à outrance (il faut dire que je viens de la campagne en partie donc ça me parle), le léger regard sur le milieu du rap que je ne connaissais pas du tout (léger car il y aurait beaucoup plus à en dire pour sûr), ou encore le fait de voir la quiétude du monde rural, comme sa dureté. Pour autant j’ai eu du mal à rester dans le film, j’ai beaucoup décroché, à cause de passages assez longuets, qui se répètent même. J’ai pourtant ri à certains moments, comme le public, mais je reste mi figue mi raisin concernant ce film.
11. Potato Dreams of America (Compétition) <3
Clairement mon coup de coeur jusqu’à présent, alors que je n’étais pas franchement motivée à aller voir ce film. Je m’attendais encore à une histoire à faire pleurer dans les chaumières sur les déconvenues de la vie américaine. Hé bien ça a été une très belle surprise. C’est satyrique, c’est complètement barré par moments et c’est un bon vent de fraîcheur. Il faut dire qu’avec une histoire de sa vie aussi invraisemblable, le réalisateur a eu raison de vouloir en faire un film. J’aurais beaucoup à dire sur ce film, j’ai pris plusieurs pages de notes, bien plus que pour les autres films, mais en y repensant il est ardu de le décrire sans risque de ne pas lui faire honneur. Je vous laisse donc me faire confiance pour aller voir ce film s’il sort un jour sur des plateformes françaises.
12. Jim Carrey, l’Amérique démasquée (Documentaire)
Documentaire français très intéressant, qui fait plus de s’occuper de la carrière de Jim Carrey mais permet un éclairage aussi sur l’évolution du cinéma US très rigolard des les années 90 (comédie régressive comme le dit la narratrice) puis très patriotique après le 11 septembre, avec le renouveau des super-héros. Il montre également toutes les répliques qu’on du faire des grandes institutions, comme Disney ou le Superbowl, pour faire face à des nouveaux venus dans le milieu qui venaient leur prendre une bonne partie de leur audimat. Présenté par Arte, le documentaire reste engagé mais très instructif.
13. Catch The Fair One (Compétition)
Je n’ai pas trop eu de coup de coeur pour ce film, bien qu’applaudissant les talents d’actrice de Kali Reis, personnage principal de ce film en tant que boxeuse … et dans la vraie vie double championne du monde. Le final m’a laissé un goût mitigé et certaines scènes sont à la limite de la compréhension ; le film essayant de faire passer des messages indirectement, quitte à tourner autour du pot sans vraiment cracher ce qu’il a à dire. J’aurais aimé plus d’action directe et ce petit plus qui aurait pu en faire un film marquant.
14. The Novice (Compétition)
Second film de sport de la journée, pour celui-ci c’était l’aviron. Très axé psychologie, le film nous parle de la compétition qui règne dans le milieu du sport, mais aussi, comme l’a dit la réalisatrice en introduction, de l’obsession qui peut en découler. Comme un crabe qui ne se rend pas compte de son déclin quand il est dans la marmite, The Novice nous entraîne dans le milieu du sport et ses conséquences pour l’esprit (et le physique) parfois néfastes. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Requiem For a Dream à certains moments, je vous laisserai découvrir pourquoi.
15. Red Rocket (Compétition)
Deuxième film en compétition sur l’univers de l’industrie pornographique, il n’a rien de l’aspect subversif de Pleasure puisqu’il raconte l’histoire d’un ancien pornstar qui revient auprès de sa femme après avoir perdu son argent et son agent. Il essaye de recommencer sa vie, d’abord par la voie légale, puis un peu moins. Sean Baker, le réalisateur, n’était pas à Deauville pour la première fois mais il était ici accompagné de l’acteur principal : Simon Rex. Après un début dans le porno (gay), il est plus connu du grand public pour ses rôles principaux dans les films Scary Movie. Il avait donc la taille de l’emploi et sa légitimité. En voyant le personnage rentrer chez lui, on sent tout de suite que cela sort des séries tournées à New York ou Wisteria Lane. On y retrouve la classe très moyenne, voire carrément pauvre, où le sexe est un moyen de se faire un peu d’argent. Pendant une bonne partie du film on attend qu’un truc se passe mal car il y a de quoi faire entre l’adultère et le trafic de drogue mais c’est finalement un événement inattendu qui va donner un coup de pression à l’histoire. Dommage pour la fin ouverte qui aurait mérité une conclusion plus concrète car on ne sait pas tout à fait ce que va faire le personnage de la dernière phrase que sa femme lui a lancé.
16. We burn like this (Compétition)
Quel ennui. Ce ne sont pas forcément les films les plus longs qui paraissent les plus longuets, n’est-ce pas Gravity ? Le film aborde la question de la religion juive et des néonazis. Et son loupé est qu’il ne parvient pas à immerger les spectateurs qui ne sont pas particulièrement concernés, alors qu’American Skin l’avait fait magnifiquement sur un sujet différent (les violences policières envers les noirs américains). Nous sommes ici face au film typique du festival : de la tristesse, de la violence, de la drogue, l’absence d’un père, l’incompréhension d’une mère, bref tout pour faire pleurer dans les chaumières. Mais c’est mou, c’est lent, ça manque d’échanges, d’avancées et d’une réelle construction scénaristique. La réalisatrice a mis en avant l’actrice principale dans son discours d’introduction, dommage qu’elle ne lui ait pas laissé vraiment l’occasion de se mettre finalement en avant dans son film. A noter que je n’ai jamais vu autant de personnes partir au fil de l’eau de la salle lors de cette édition.
17. John and the Hole (Compétition)
Dernier film en compétition et la salle était comble ! A noter également le casting trois étoiles où les 4 acteurs principaux n’en étaient pas à leur coup d’essai. Je citerai les deux pour lesquels j’ai énormément d’appréciation : Michael C. Hall (Dexter) et Taissa Farmiga (La Nonne, soeur de Vera …). Le film distille le mal-être petit à petit et aurait mérité une meilleure explication des scènes de mise en abîme, mais il met bien en avant le fait de vouloir être adulte sans en avoir les responsabilités, et garde jusqu’au bout le suspense quant à la résolution, où il est ardu de déterminer si elle sera positive ou négative pour les principaux intéressés.
18. Guermantes (Première)
Avec et en présence des principaux comédiens de la Comédie Française, Guermantes est avant tout un hommage au théâtre, à ses acteurs, et à tout le monde de la culture. J’en avais beaucoup entendu parler pendant la semaine car un certain nombre de festivaliers l’attendait avec impatience. Pour autant la salle était à moitié pleine, fait rare pour un samedi de clôture. Ce n’était pas trop mon style de film à la base et ça s’est confirmé. Le film est en effet un bel hommage mais il laisse de côté les personnes qui ne sont pas forcément concernées par le monde du théâtre. Et encore, j’estime le connaître tout de même et passer beaucoup de temps à me renseigner et aller voir des pièces, seulement voilà je ne connais pas les coulisses et n’ai pas réussi à m’immerger dans ces moments de complicité, d’agacements, de la vie culturelle comme au temps de Proust un petit peu. Le film oscille bien entre moments de fiction et de réalité, jusqu’à rendre la frontière transparente. Ce n’est pas ma tasse de thé mais je peux comprendre son aspect touchant ; bien qu’il aurait pu durer une bonne demi-heure de moins.
19. Les Magnétiques (Prix d’Ornano-Valenti)
J’ai été flouée par le synopsis, une fois encore. Quand il parlait d’un monde qui s’effondre, je pensais à l’humanité, mais on parle ici de l’environnement des personnages principaux, leur monde à eux. Le film m’a émue sans que je ne parvienne à saisir pourquoi ; même si je pense que l’événement qui se passe durant le dernier tiers me rappelle un bon nombre de mauvais souvenirs, donc en fait je sais. Si Guermantes est un hommage au théâtre, Les Magnétiques est un hommage au son, à la radio, à l’insouciance, à la jeunesse, aux années 70. Le réalisateur livre ici un premier long-métrage réussi, touchant, nostalgique et réaliste.