Elles ne sont pas innocentes pour autant; c'est ça toute la différence. On suggère bien qu'elles ont donné de leur corps et de leur sang sans pour autant le montrer.
Pour la danse, je vois pas en quoi c'est une escroquerie. C'est tout l'art de suggérer sans montrer, en sachant très bien qu'aucune image ne pouvait être assez forte pour rester crédible et faire l'effet qu'elle a sur les protagonistes. Tu imagines? Voir Emily Browning faire deux-trois pirouettes en prétextant que ça pourrait absorber suffisamment les gens pour qu'ils ne remarquent rien de ce qui se passe à côté? Je trouve que c'est une bonne chose de ne pas l'avoir fait, tout en nous laissant comprendre à quel point c'est transcendant. Il faut parfois ne rien montrer pour mieux faire comprendre. Ce qu'on imagine est toujours plus fort que ce qu'on voit. En la voyant danser, on aurait forcément été déçu, ça ne pouvait pas avoir la force de ce que ses fantaisies dans ces moments là peuvent suggérer. Et justement, c'est là que tous les univers qu'elle se représente interviennent...
Surtout si ces danses ne sont que des métaphores des moments où elle donne son corps... car là en revanche on peut comprendre comment, dans la réalité de l'asile, elle a pu distraire suffisamment les gardiens pour laisser champ libre à ses amies. Et je trouve qu'à ce moment là le fait qu'elle s'imagine au contraire tuer ses oppresseurs est assez fort: tandis qu'elle sacrifie un peu d'elle même pour permettre l'évasion, elle imagine un champ de bataille où elle peut massacrer à volonté et sans scrupules! Plutôt défouloir!
Il ne faut pas chercher de correspondances logiques avec la bombe, les dragons ou encore les nazis! Il n'y en a pas. Babydoll ne fait que s'imaginer des univers mettant en scène leurs actions, c'est ce qui lui permet de "danser", et c'est grâce à cet univers qu'elle puise sa force pour s'évader: c'est là qu'elle trouve l'idée des 4 objets à récupérer pour sa liberté. Tout ce qu'il faut retenir de vrai dans ces moments, c'est la façon dont ça se passe: mission réussie ou pas, mort de l'une d'elles, etc. Le reste n'est que son fantasme.
Snyder dévoile plusieurs indices qui nous permettent de questionner les diverses réalités... le fait que Babydoll réalise que cette histoire appartient à Sweet Pea, le fait qu'on ne sait pas ce que sont devenues les trois autres dans l'asile (existent-elles seulement? On peut en douter puisqu'à l'arrivée, Babydoll ne croise que le regard de Sweet Pea...). En revanche, l'incendie, Blue poignardé sont des éléments conservés, donc on suppose qu'ils sont bien réels dans les deux univers (ce qu'on voit du cabaret reste donc proche de ce qui se passe dans l'asile). Et puis l'ange gardien, qu'on retrouve chaque fois comme fil conducteur dans les mondes fantastiques, et qui revient à la fin - évoquant peut-être qu'on est toujours dans l'esprit de Babydoll et que Sweet Pea est toujours à l'asile... mais d'un autre côté, Babydoll est déjà lobotomisée à ce moment là, donc probablement incapable de continuer ses délires. On peut aussi supposer que, sachant ce qu'il va lui arriver, elle ne fait qu'imaginer tout ça pour rendre sa "mort" moins vaine, se donner une allure d'héroïne qui se sacrifie. Il y a la fameuse scène où Babydoll s'apprête à se faire lobotomiser... et là rupture, c'est Sweet Pea qui interrompt le show alors qu'elle joue le rôle de Babydoll, et retire sa perruque. Et il y'a d'autres indices semés ça et là... Sweet Pea = SP = Sucker Punch. Après, à chacun son interprétation.
Si ça t'intéresse, j'ai trouvé quelques sites qui font des analyses assez fines, même si ce ne sont pas forcément mes théories.
Je ne sais pas si tu as déjà vu
The Fall, mais on y retrouve ce procédé de raconter des choses qui se passent vraiment dans un décor imaginaire totalement loufoque et sans rapport avec la réalité mais qui rappellent les évènements réels.
Sinon je trouve que ça n'a rien à voir avec Nolan ni avec Caroll, même si on pourrait le croire avec ces fantasmes imbriqués. Il y a plusieurs niveaux de lecture, mais au final, contrairement aux deux précédents, pas de vraie réponse.
On ne saura pas quel personnage rêve, lesquels existent ou même s'ils ne sont pas tous un seul et même personnage.
Et surtout, tout ça ne sont pas que des rêves, contrairement aux deux oeuvres que tu cites. Il y a une base réelle, et tous les univers alternatifs ne font que dire la même chose, mais d'une autre façon.
Un récit n'a pas besoin d'être noir pour être réussi ou touchant. Et dans le genre sombre, je trouve pourtant que la scène d'introduction est très forte. Pas qu'elle, d'ailleurs. Enfin, t'as pas du voir beaucoup de comédies romantiques et de Disney pour trouver ça naïf, car c'est vraiment le dernier terme qui le viendrait à l'esprit!... mais bon j'ai déjà remarqué que "naïf" est un adjectif péjoratif très à la mode et qui revient beaucoup, j'ai hélas l'impression qu'aujourd'hui on est en perpétuelle recherche d'images "chocs" ou "malsaines" pour apprécier un film et que tout ce qui est trop "gentil" est mal vu. Si je suis naïve, bah soit, mais je préfère trop de candeur à trop de vulgarité. Et je maintiens qu'on est pas vraiment devant un film de bisounours non plus. Ce n'est pas parce qu'il n'est pas ultra-violent que le sujet n'est pas très noir (décès familial, abus de pouvoir, meurtres, viols, folie, lobotomie, morts... rien que ça!). Le côté chimérique des rêves de Babydoll est justement là pour adoucir ce qui se passe réellement.
Et non, je ne vois d'ailleurs même pas pourquoi les dialogues dérangeraient! La plupart du temps, ça ne parle que du plan. On est pas dans
Avatar, et d'ailleurs, c'est pas un film qui parle beaucoup. A la limite la VF qui m'a un peu déplu mais bon, rien de choquant.