En parlant de Bleach, je m'étais arrêté y a quelques années au début de l'arc Quincy, du coup je me suis tout relu, y compris ce qu'il me manquait. Que dire...
Ma relecture m'a fait d'autant plus aimer les arcs SS et Arrancars. Un manga de combat qui balance tout un tas de personnages puissants et charismatiques et tente de les exploiter au mieux, déjà ça, avec moi, ça marche tout de suite. L'arc SS surtout, comme beaucoup de monde, je pense que c'est là que Kubo maitrisait le mieux son sujet. Trouver un moyen pour écarter Yamamoto d'Ichigo, lui faire enchainer de très bons combats contre des adversaires de plus en plus puissants, la découverte d'un univers, du plan d'Aizen, les capitaines... Du début à la fin, j'ai adoré cet arc.
L'arc Arrancar, je vais abréger aussi, a assurément des défauts d'écriture. Les lourdeurs avec les fraccions de Nel, Orihime en princesse à sauver (répétitif après Rukia), la gestion d'Ukitake, de Renji et d'Ishida, et bien sûr le "j'ai tout prévu" d'Aizen qui devient aberrant. Je pourrais ajouter qu'une fois les évènements au Hueco Mundo terminés, Kubo a régressé inexplicablement dans la mise en scène des combats je trouve. Je m'explique. Dans l'arc SS on avait quelques enchainements sans dialogue, avec du mouvement, mais globalement ça restait surtout de la posture classe, avec un peu de dialogue. C'est toujours le cas pendant l'arc Arrancar, à l'exception de certains combats. Ichigo contre Grimmjow et Kenpachi contre Nnoitra. Là on avait plus de mouvements encore, sans dialogue, juste des enchainements. Là pour moi Kubo était à son apogée en terme de mise en scène des combats. Il avait ajouté plus régulièrement du rythme en plus des postures qu'il pouvait dessiner. Et, inexplicablement, une fois de retour à Karakura, on découpe les combats et on repart sur beaucoup de dialogues. Hallibel contre Hitsugaya, Stark contre Kyôraku ou Barragan contre Soi Fon, que des combats intéressants mais qui auraient pu être tellement meilleurs si on les avait vu d'un trait et avec plus de mouvements. Mais bon, je le kiffe quand même cet arc. Parce que les Espada, parce que Aizen, parce que y a de très bons combats : Ikkaku avec son bankai contre Edrad, les combats d'Ichigo contre Grimmjow, Ulquiorra et Aizen, Kenpachi contre Nnoitra, Byakuya contre Zommari, Aizen qui rouste tout le monde... Mais aussi l'approfondissement d'un univers. Ulquiorra, Nnoitra et Grimmjow sont vraiment bien écrits. Chacun souffre de sa condition mais en a une conclusion différente, qui explique leurs tempéraments, leurs actes. Pour la faire courte, Ulquiorra qui ne se rend pas compte qu'il essaie de se lier aux autres de par ses questions ou le trou qu'il fait au même endroit que lui à ses victimes. Grimmjow qui se la joue sûr de lui alors qu'il veut buter rapidement toute menace, par instinct de survie, comme lorsqu'il était un Hollow. Et Nnoitra qui réalise sa condition et qui entame une vraie fuite en avant, en voulant mourir le plus vite possible et en se camouflant derrière une idée similaire à Kenpachi. Kubo avait non seulement gardé ce qui faisait le charme de l'arc SS mais avait différencié cet arc en nuançant le manichéisme qui existait auparavant entre Hollows et Shinigami. Donc pour toutes ces raisons, l'arc Arrancar est une réussite pour moi.
Et là je vais pas être original, mais on en vient aux arcs qui fâchent. L'arc Fullbringer, y a de bonnes idées à la base. On a compris avec l'arc Arrancar que Kubo fonctionnait par communautés, en voilà une autre. Cool, c'est l'occasion de continuer le développement timide de Chad et de faire enfin quelque chose d'Orihime... Bah non. Le plan de Ginjô a beau rajouté un peu de suspens à tout ça, le mal est fait. Tout un arc pour rendre ses pouvoirs à Ichigo et lui filer un petit power up. Tout un arc, pour ça. Alors que la communauté développée en question concernait bien plus Chad et Orihime. Là on a atteint le point de non-retour avec ces personnages, si ils ne sont pas développés là, ils ne le seront plus et l'arc Quincy ne fait que le confirmer. Pire encore, le retour des pouvoirs d'Ichigo se fait avec une ficelle beaucoup trop grosse. Sans compter qu'il tourne le dos à Urahara et son père, juste parce qu'un inconnu lui pose deux-trois questions très vagues. Bref. A ce moment là pour moi, la qualité du manga avait assurément pris un gros coup, mais avec un nouvel arc, y avait moyen de relever un peu tout ça.
Donc on finit avec une dernière communauté, les Quincy. Ok, bonne idée, ils débarquent, foutent le bordel, le cas d'Ishida est intéressant. La comparaison avec les Nazis est aussi exploitée plus ou moins habilement. En traitant le Hueco Mundo et les Arrancars de cette façon, les Quincy rejettent la nuance qu'on a vu plus tôt, ce qui les placent vraiment dans ce rôle de communauté autoritaire et intolérante. Mais bon, je vais vite déchanter hein. Sauf pour le dessin. Pendant une bonne partie du manga, ce qui faisait la force du dessin c'est la place que prenait les personnages sur fond blanc. Et comme Kubo est très bon charadesigner, ce remplissage donnait vraiment de bonnes planches je trouve. Là les traits sont de plus en plus foncés, le contraste entre le fond blanc et le charadesign est encore mieux, les traits des personnages sont moins anguleux, ça leur donne une certaine prestance. Puis au fil de cet arc on a des planches de plus en plus foncées, même sur le fond, et ça marche tout aussi bien. Kubo réussi quand même à faire des planches très classes juste avec un super charadesign, une bonne gestion de l'espace et un bon encrage. Mieux encore, il se permet de nous dessiner un très beau château, alors que jusque là, les décors, c'est pas son fort non plus. Mais bon, l'histoire suit pas, c'est le moins que l'on puisse dire. On savait déjà que la logique du manga était plus ou moins bancale, mais là elle a foutu le camp à vitesse grand V. Et le pire, c'est que c'est pas ce qui me gêne le plus. Fini les enchainements sans dialogue, là on a atteint le pic des défauts de certains combats précédents. Ca alterne, c'est bâclé (Byakuya on voit toutes ses défaites, par contre il défonce trois Stern Ritter hors-champ, ok) et ça tourne à un véritable combat d'explications. Avec en prime des pouvoirs divins qui sortent de je ne sais où. A croire que les aptitudes des Quincy qu'Ishida rabâche n'étaient valable que pour sa famille. Pour les autres, arc et flèches ne sont que des accessoires. Bleach était déjà un manga bourrin dès l'arc SS, mais y avait quand même une certaine logique. Les Zanpakutô, les Shikai et Bankai, les Arrancars et leurs Ressurrecciones liées à leurs capacités de Hollows. Y avait qu'Aizen qui avait atteint un statut particulier. Et encore. Il utilisait du Kidô et une épée quoi. Avec un Shunpo amélioré, au mieux. Les Fullbringers étaient faibles. Et là boom : Peur, Météorite, Futur j'sais pas quoi... Du coup faut tout expliquer, c'est lent, cheaté et on perd le charme de ce qu'est un combat pour moi : les mouvements, le risque, les limites.
Et comme si ça suffisait pas, Kubo, dès le début de l'arc, se débarrasse de deux personnages vraiment intéressants et on se coltine encore les Vizards, Fullbringers et autre vice-capitaines qui servent plus à grand-chose (quand il ne leur tombe pas un sabre divin hérité de maman sous la main). Yamamoto passe pour un faible. Il nous sort un putain de Bankai, les planches classes qui vont avec, tout ça pour battre un Stern Ritter et se faire couper en deux comme un quidam par Yhwach. Voilà comment fini le meilleur Shinigami du Seireitei. On aurait pu croire qu'entre lui et la Division 0 y avait peu d'écart, ben pas du tout. C'est un enfant à côté d'adultes. Même tarif pour Unohana. Un combat classe avec Kenpachi mais là aussi, le mal est fait. Changement de personnalité radical, on sait même pas comment elle a fait le cheminement jusque là et pire encore... Cette révélation entraine un nombre d'incohérences assez incroyables. C'est sans doute la plus forte des capitaines derrière Yamamoto. Mais elle crève pour... entrainer Kenpachi. Faire crever un super personnage pour entrainer un faible pour qu'il devienne fort, Kubo s'en est même pas caché, il a jeté Unohana à la poubelle. Et je vois pas trop comment elle a pu ne pas lever le petit doigt pendant tout ce temps. Ichigo envahit le Seireitei sous ses yeux, elle fait rien. Aizen massacre Hitsugaya sous ses yeux, elle fait rien. Elle est au Hueco Mundo puis dans la fausse Karakura, elle fait rien. L'excuse de la soigneuse, c'est beaucoup trop léger. Sous prétexte qu'elle sait soigner, elle ne se frotte pas à Ichigo qui est très faible à côté d'elle voire à Aizen alors qu'il y a urgence et qu'elle est potentiellement plus forte que lui. Ok. Enfin, Ukitake aussi. Il se sacrifie avec une grande scène pour un truc qui dure trente secondes avant de ne plus servir à rien, il n'aura jamais eu un vrai combat et on ne connait pas son Bankai. Quel gâchis ces trois personnages. La fin est brutale, bâclée, mais bon ça a sans doute un lien avec les ventes et l'éditeur.
Malgré ça je préfère retenir le positif avec Bleach. J'ai aimé quand même la majeure partie du manga et Kubo a montré qu'avec du temps, il savait maitriser son intrigue. Le plan d'Aizen, le mini-arc Turn Back the Pendulum, le flashback avec Isshin et Masaki, y a une vraie maitrise dans tout ça. J'espère juste que pour son prochain manga, il évitera le Jump. Je suis curieux de savoir ce qu'il pourrait faire en ayant un peu plus de temps. Pendant 48 tomes, Bleach est pas un bijou d'écriture, mais ça reste quand même bien foutu, avec la dose de combats, de belles planches et de charisme qui va bien dans ce genre de manga.
La vidéo postée plus haut résume bien certaines choses d'ailleurs. Même si je suis pas d'accord pour l'arc Arrancar. Surtout je trouve que c'est limite de la mauvaise foi sur ce que le vidéaste dit sur le dessin de Kubo. C'est très facile de trouver des planches de l'arc SS (et même des pages entières) où y a pas de décors. Surtout qu'il compare une page où les personnages discutent avec un combat. Il suffit de reprendre les pages du combat Ishida contre Mayuri pour voir que dans le traitement des décors, c'est assez similaire mais bon.
J'en profite pour dire que je trouve la critique de Red Slaughterer très juste sur le sujet. Accessoirement elle pose un débat intéressant sur ce qu'est le shônen de combat, surtout par rapport au manga de sport. Mais c'est un autre sujet.