The IrishmanC'est très original : j'adore les films de Scorsese (bon, peut-être pas ses films religieux) et à mes yeux son meilleur film est les Affranchis. A ce jeu là, The Irishman est le cliché du film de Scorsese : la biographie d'un americano-irlandais, Frank Sheeran (Robert De Niro), au sein de la famille mafieuse americano-italienne Buffalino parrainé par Russel (Joe Pesci) et comment il croise la route du syndicaliste trouble Jimmy Hoffa (Al Pacino). Plus que le scénario vous avez peut-être plus entendu parler de l'impact du film. Comment Scorsese s'est fait débouter de partout, a du aller chez Netflix et comment il vertement critiqué le système hollywoodien gangréné selon lui par les blockbusters type Marvel. En même temps, un film mafieux de 3h30 (!) porté par 3 acteurs sortis de la naphtaline, tu m'étonnes qu'ils étaient pas chauds.
Mais le film sinon ? Et bien je dois dire que j'étais d'abord presque déçu. Entendons-nous bien. La photographie pue la classe sur chaque plan. Le montage de Schoonmaker n'est pas aussi révolutionnaire que dans les Affranchis mais il est toujours virtuose. Le film reste moderne avec l'adoption du "de-aging", ce procédé numérique pour rajeunir les acteurs et si on le remarque au début on s'y fait très vite et devient naturel. Et puis ce jeu d'acteur... On pourrait se dire que ce trio sont de grands acteurs mais ils ont leur lot de daubes donc c'est vraiment la performance de Scorse a la direction d'acteurs qui est salué. Sur ce point, personne ne l'égale. D'autant plus que si Pacino et De Niro sont dans des rôles de composition, Joe Pesci est presque à contre-emploi avec un rôle tout dans le feutré dans lequel il se révèle totalement brillant.
Ca fait quand même beaucoup d'éloges pour un film dont je dis qu'il m'a initialement déçu mais c'est parce que je n'arrivais pas à me défaire de l'impression d'un film que j'ai déjà vu. Et puis la bascule.
Déjà je me suis rendu compte que je ne voyais pas le temps passé. Le film fait 3h30 mais il se gobe d'une traite malgré une vraie pesanteur. Je ne sais pas si c'est dans le montage, l'écriture, le jeu d'acteur ou l'utilisation discrète mais lancinante de la musique mais le rythme est une merveille de maitrise. C'est du miel : liquide et en même temps compacte.
Et puis il y a la fin. Je vais essayer de ne pas la spoiler car c'est LA réussite du film et qu'elle m'a mis sur le cul tellement je ne m'y attendais pas. Pourtant on se rend compte que tout le film nous y amenait avec son longueur et son rythme. Sans compter tous les fusils de Chekov planqués dans le décor. Le film devait être long pour qu'il se justifie en tant que tel et qu'il se justifie dans la filmographie de Scorsese.
Le film est beaucoup présenté comme une réponse aux Affranchis et il y a de ça avec l'un qui est une montagne russe qui finit (littéralement) dans un saladier de coke et une redescente en bad trip tandis que l'autre est un nœud coulant qui serre lentement mais inexorablement. Et pas seulement le coup c'est une camisole que les personnages se font subit à eux-même. Mais plus que ça, je trouve que c'est une réponse au non moins connu Once Upon A Time in America de Sergio Leone.
Alors on va se calmer, ce n'est pas le meilleur film de Scorsese, ni même dans son top 3 (en même temps le coco a un putain de passif) mais putain quelle claque !