Harry Brown: Difficile de regarder ce film sans penser à Gran Torino, et malgré le fossé qui sépare les deux films dans leur traitement, faire des comparaisons est chose tentante. Le sujet est en effet similaire: un ancien marine qui a tout perdu voit son quartier partir en vrille à cause de la délinquance de jeunes voyous. Mais contrairement au film de Clint qui garde une certaine légèreté dans son propos et s'achève de façon aussi hollywoodesque que convenue, Harry Brown, en bon film britannique, est un concentré de noirceur qui gratte où ça fait mal. Pas d'humour ni de légèreté, non. Barber ne fait pas dans la dentelle: sa vision est crue, sans concessions. Les plans sont gris, mornes, froids, les décors glauques et déprimants. Harry Brown réussit là où Gran Torino avait échoué: il va jusqu'au bout de son propos. C'est un film dur dans lequel Michael Cain évolue avec tout le talent dont il est capable, dans un quartier qui l'a vu naître. Mais il est loin le temps où il jouait les Alfred bienveillants et un brin taquin.
Ce film est celui d'une descente aux enfers, au coeur de la violence et de la peur qui en découle. On ne propose ici pas d'analyse ni de solution, ce n'est pas le but. On pourrait reprocher au film un manque de scénario puisqu'il ne suit pas la trame traditionnelle (aller d'un point A à un point B ): en vérité c'est un portrait vivant d'une société qui se consume, et non pas une histoire. De par sa sobriété, le film pousse à la réflexion: qui sont les responsables, comment en est-on arrivés là? A force de violence et de mort, il nous laisse un sentiment amer; celui de se débattre dans un cercle vicieux où chaque chose ne fait qu'en entraîner une autre, pire encore.
On comprendra qu'à l'inverse de son homologue il sera passé inaperçu, souvent accusé d'"anti-jeunisme primaire" sans y voir, non pas un jugement, mais un réel questionnement. Un film qui fait froid dans le dos mais que je recommande chaudement.