Bon, vu
Tout d'abord je précise ma position vis à vis de la comparaison avec une production Ghibli. Ce que je n'aime pas dans cette allusion, c'est de sous-entendre qu'il y aurait des films qui se regardent tout seul (parce que ce sont des Ghibli ?), et d'autres qui se regardent par devoir. Aller voir ce film, ce serait avant tout soutenir l'animation dans les salles obscures japonaises. J'ai horreur de ça, car ça me place en tant que fan d'animation avant d'être un simple spectateur.
Et je rappelle que
le Tombeau des Lucioles avait fait à l'époque
29 718 entrées en France, et que si
Albator a fait plus de 700 000 entrées l'année dernière, rivalisant avec
Le Vent se Lève, ce n'est pas pour rien. L'accessibilité de ce film,
L'Île de Giovanni, est particulière, les appréhensions d'
Alice Devil sont loin d'être gratuites.
Pour certains il s'agit d'un bon film, mais à voir pour soutenir la diffusion au cinéma.
Pour moi, ce film fait partie de ces films qui perdent énormément à être vu en dehors d'une salle obscure. Oui les moments merveilleux de la première partie du film sont touchants, j'ai vraiment eu du plaisir à voir ces scènes. Cette ambiance très joyeuse dans une époque d'occupation m'a fait penser à
la Vie est Belle. D'ailleurs le tonton a le caractère bout en train de Benigni. Le premier acte nous immerge dans ce nouveau quotidien que se façonnent les deux petits japonais, mais l'immersion ne se fait que partiellement à cause du ton joyeux, et essentiellement en raison de la réalisation du film, et le fait qu'on soit dans une salle obscure pour profiter de cette magie.
Deux éléments de la réalisation sont vraiment remarquables. Tout d'abord le dessin et l'animation qui redonnent du sens au
dessin animé, qui s'oppose au
film d'animation. Il y a cette touche qui donne l'impression qu'on nous projette un dessin qui bouge sur le mur. Nous ne sommes pas dans cette illusion du réel, on nous raconte une histoire avec des dessins. C'est un peu la différence entre un jeu vidéo lambda en 2014 hyper-réaliste, et un
Child of Light. Je rassure tout de suite pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, l'animation est très fluide, et nous ne sommes pas dans une animation trop
spéciale. C'est juste que c'est posé, qu'on voit le coup de crayon, les personnages sont simples. La salle de cinéma est véritablement un lieu de projection, et non pas simplement une grande télévision. Avec ce film, vous n'êtes pas spectateur, vous êtes regardeur, on vous raconte à vous cette histoire qui est projetée.
Le deuxième point technique renforce cette narration si particulière qu'elle vaut d'être vue d'abord au cinéma. Les scènes sont très souvent des plongées ou des contre-plongées. Cette orientation est loin d'être ordinaire, et abuser de ce procédé provoque une expérience du cinéma bien différente de celle où la caméra nous place à la hauteur d'un simple spectateur. Le regardeur est un petit garçon, rasant le plancher, tout est grand, impressionnant, totalement immergé dans ce conte, il perd petit à petit ce regard extérieur pour participer avec ces enfants à cette nouvelle vie. La plongée, utilisée seule, aurait pu favoriser un côté spectaculaire, isoler le spectateur pour le laisser admirer avec détachement le spectacle. Or immergé, le regardeur est isolé, il n'est pas un personnage de l'histoire, on lui raconte l'histoire. C'est cette position qui est la sienne, car oui, être un petit garçon est absurde pour la plupart des spectateurs. Le but est simplement d'être
vraiment attentif à l'histoire, et le cadre de la salle obscure est bien plus propre à cet objectif que notre canapé de salon.
Je voulais souligner ces deux points remarquables de ce film, même si c'est écrit maladroitement, afin de bien montrer que ce film fait tout pour qu'on ne soit pas complètement passifs et abrutis devant ce film. Ce film pose une ambiance dont on doit s'imprégner. Ce film vous montre quelque chose si vous arrivez à vous laisser emporter par cette magie qu'est le cinéma.
Je n'ai pas pris ce film comme une adaptation de la nouvelle
Ginga Tetsudou no Yoru, et donc je n'ai pas fait attention particulièrement au sens du texte, surtout au début, et non plus je n'ai pas détecté d'éventuels écarts. Il est certain que connaitre ce texte avant d'aller voir ce film doit changer la donne.
Dernier point sur le fond du film alors que j'ai passé mon message à être plutôt sur la forme, le cadre historique de l'après-guerre est certes important, c'est lui qui amène les différents évènements et décors, mais ça ne reste qu'un cadre. Contrairement à un
Vent se Lève ou un
Tombeau des Lucioles, on ne nous raconte pas l'Histoire d'un point de vue particulier.
L'ïle de Giovanni nous raconte l'histoire de deux frères japonais, qui se déroule durant une période historique particulière. Dans les deux autres films que je cite, on ne peut oublier le contexte historique, alors qu'ici oui, la seconde guerre mondiale n'est pas le sujet.