Tiens, je l'ai vu ce docu-là. Je peux donner mon avis ?
En tant que reportage d'Arte, c'est évidemment très bien fait, très documenté. Beaucoup d'interviews, certaines doublées d'autres juste sous-titrées.
On vous explique que le terme de freeter (contraction de l'anglais free et de l'allemand arbeiter) désigne une certaine catégorie de la société, qui se sont retrouvés exclus du modèle social japonais classique.
Normalement, le japonais qui sort des études s'engage corps et âme dans son entreprise qui, en échange, lui prévoit un emploi à vie et une couverture sociale. Cet esprit d'entreprise, qui à pris son essor durant le miracle économique japonais (1960-1990) est à la base du système social nippon : très peu d'inégalités, prédominance de la classe moyenne. Cela entraîne une forte pression sur la jeunesse ainsi qu'une forte compétition. Comme le dit un doctorant de Todai interviewé dans le reportage, trois "parapluies" protégeaient le citoyen nippon : l'État, l'entreprise, la famille. Ce sont ces trois parapluies qui se sont refermés successivement.
- certains jeunes, épris de liberté, décident de s'émanciper du carcan social et d'accéder à l'indépendance. le narrateur a d'ailleurs parlé à ce sujet de "Mai 68 japonais". Comparaison facile mais qui peut trouver du fondement. Un moment on voyait un jeune homme aller dans une sorte de cyber café japonais pour y passer ces nuits... Le pauvre type expliquait que le peu d'argent qu'il gagnait passait dans les clopes et qu'il survivait en se gavant de Coca...
- Suite à l'éclatement de la bulle économique, les entreprises se sont restructurées, et ont troqué leurs CDI contre des CDD, ce qui a fait augmenter la précarité de la jeunesse. C'est là que les freeters interviennent : ils font tout et n'importe quoi pour gagner des sous ; et ça tombe bien car au Japon tu peux trouver n'importe quel emploi. Un moment on voit un de ces freeter aller au boulot : il tenait un panneau d'affichage au Tokyo Dome pour guider les spectateurs qui font la queue. Un autre jeune fille était hôtesse dans un bar pour 65 yens de l'heure (40 centimes !).
- mais le point le plus important, c'est de voir que l'État a complètement lâché ces personnes. En réalité, les droits sociaux n'existent au Japon que pour ceux qui sont dans le système : une fois dehors, tu n'est plus rien.
Un autre intervenant expliquait que la différence entre le Japon et la France au niveau des revendications sociales, c'est qu'en France celles-ci s'expriment avec force sur la place publique (vous vous souvenez de la réforme des retraites ?), tandis qu'au Japon ceux qui font l'objet de l'exclusion intériorisent la situation et finissent par culpabiliser. ainsi les freeter s'isolent volontairement (hikkikomori) : certains en viennent à commettre l'irréparable, s'ils ne voient plus aucune perspective. C'est pour cela qu'il est difficile de les identifier et de les aider. On ne sait même pas combien ils sont exactement.
Mais certains d'entre eux ont quand même choisi de s'associer pour s'échanger conseils, et conserver un peu de vie sociale. Ensemble, ils consultent des juristes qui peuvent les aider en cas de conflit avec des entreprises, et ils organisent des manifestations protestataires ( le genre de truc que tu vois pas tous les jours au Japon).
Le reportage se concluait avec une intervention de notre doctorant de Todai expliquant que selon lui, le Japon devrait revoir l'ordre de ses priorités, abandonner l'idée qu'il peuvent encore être la puissante économie qu'ils étaient et se concentrer sur les doléances de sa population. A trop vouloir copier l'Occident le Japon a délaissé la paix sociale qui faisait sa caractéristique.
Bref, un reportage très intéressant quoique un peu pessimiste. De toute manière je n'ai rien lu ou vu dernièrement sur le Japon en termes positifs.