Conan le Barbare (Robert E. Howard): Le texte original, uniquement rédigé par le créateur du personnage mythique (parce qu'il y en a eu d'autre après semble-t-il) et dans l'ordre chronologique de sortie des nouvelles (Conan est déjà roi dans le premier récit).
En lisant les 3 bouquins (comprenant une grosse vingtaine de nouvelles), on se rend compte à quel point les différentes adaptations cinématographiques sont passées à côté de l'ambiance créée et voulue par Howard.
Conan est un vrai barbare, non pas dans le sens où c'est une brute épaisse bi-neuronale qui passe son temps se battre, boire et profiter de l'étreinte d'une (voire plusieurs) femme(s), mais plutôt parce que c'est un homme qui vit au jour le jour, sans réel but dans la vie, en s'adaptant aux situations rencontrées en cours de route et qui supporte difficilement de rester très longtemps au même endroit à se tourner les pouces...
Attention, Conan aime se battre, boire et courir les jolies filles, mais il serait réducteur de réduire sa personnalité à cela. Surtout que presque systématiquement, il fait cela à la mode barbare, d'une manière sauvage et primitive, presque instinctive. Même devenu roi, il suffit de peu pour que le vernis de civilisation qu'il s'efforce de maintenir pour tenir son rôle du mieux qu'il peut ne vole en éclat et qu'il redevienne la bête sauvage (le félin) qu'il est, surtout lorsque sa vie est en danger. C'est d'ailleurs un point sur lequel on insiste régulièrement: tout dans sa manière de se battre est instinctif plutôt que réfléchi et pensé, ce qui lui permet généralement de détecter une menace (et de réagir en conséquence) avant la plupart de ses alliés. C'est également ce qui explique qu'il connaisse une peur panique (et même s'enfuie) lorsqu'il rencontre une situation qu'il ne peut expliquer (le plus souvent d'origine magique) ou un adversaire plus bestial que lui. Mais comme une bête sauvage, il ne devient jamais plus dangereux que lorsqu'il est acculé et n'a d'autre échappatoire que de combattre.
On peut le constater régulièrement, il n'a pas vraiment peur de la mort, et l'accepte stoïquement si tel est son destin: on finit tous par mourir un jour et lui pas plus qu'un autre n'échappe au grand cycle de la vie. Par contre, ça ne veut pas dire qu'il se laissera faire sans rien dire, et même dans la pire situation, il continuera de se battre tant que son bras aura la force de tenir une arme (même de fortune).
Mais le point le plus intéressant reste son ignorance et son incompréhension totale du monde civilisé, et surtout de l'existence de classes sociales. Tuer un simple soldat ou un roi, peu lui importe: si on se met en travers de sa route ou qu'on lui cherche des noises, il faut s'attendre à en payer le prix fort. Comme il le dit à un moment: "Chez les barbares, personne ne songerait à insulter autrui, car il y a systématiquement le risque de recevoir un coup d'épée en retour, quel que soit le statut".
Il est curieux que la plupart de ses adversaires soient généralement des Pictes et ses alliés des civilisés, car il est finalement plus proche des premiers que des seconds, étant lui-même un Cimmérien issu des terres froides du nord, qui fit ses premières armes dès l'âge de 15 ans en participant à des raids sur des bastions Aquiloniens proches de la frontière.
Durant ses multiples voyages le menant d'un bout à l'autre du monde connu, il aura d'ailleurs l'occasion de constater par lui-même la décadence de bon nombre de civilisations, avilies par des générations de vie confortable et paresseuse, et dont certaines finissent par sombrer dans les plus sombres excès d'une telle existence.
Pour conclure, la pensée d'Howard sur l'ensemble de son œuvre pourrait se résumer ainsi:
"La civilisation n'est pas naturelle. Elle résulte d'un simple concours de circonstances. Et la barbarie finira toujours par triompher. (Au-delà de la rivière noire)"