En fait, tu reviens à ce que je disais en comparant cela aux quotas ethniques dans les médias. L'idée de placer des personnages LGBT est foncièrement mauvaise ; et ce n'est pas du tout l'idée que j'ai défendue (bien au contraire) dans l'idée de banalisation.
Par banalisation, il s'agit de justement ne pas traiter ni d'homosexualité, ni de transsexualité. Traiter plutôt d'amour, de liberté dans un couple, d'expression de soi, de désir érotique et sexuel : c'est ça la banalité. L'immense majorité des romances LGBT mettent au cœur d'elles-mêmes leur propre rejet. Revendiquer, c'est parler de sujets LGBT. Or, il ne faut pas en parler, il faut montrer. Et j'en reviens à l'évidence homosexuelle qui caractérise les œuvres d'Ikuhara, ou encore à la construction de Devilman Crybaby. C'est ça le but de la banalité : l'évidence.
Lorsque tu reviens sur Hôrô Musuko, j'ai déjà en réalité répondu à ce que tu avances. Les problématiques LGBT sont du côté de la revendication. Il y a eu un temps pour un revendication (ce temps n'est pas fini partout ni dans toutes ses expressions, mais il est fini selon moi dans le domaine culturel d'une grande partie des PDEM), il faut amorcer une transition vers la banalisation. En l'occurrence, cet anime concerne un sujet qui n'a pas le même statut que l'homosexualité, et je suis bien conscient qu'intellectuellement il serait bien plus rigoureux de séparer les types de problématiques LGBT et de discriminer géographiquement ; tu excuseras cette paresse, sans doute raisonnable pour mener la discussion.
L'art demande de l'implication de toute manière. Tu reviens toujours en fait à ce que je dénonce exactement : il ne faut pas parler ni d'homosexualité, ni de transsexualité, ni de performance de genre, etc. Il faut parler d'amour, de l'autre, de soi, de sexe, d'érotisme, de reconnaissance de soi dans la société, de construction de soi. Il ne s'agit pas d'aborder le sujet, pas non plus de se le réapproprier. Être LGBT ne doit pas avoir dans l'image culturelle la moindre importance. Il s'agit de dire "c'est comme ça". Je ne peux te renvoyer encore une fois qu'à Happy Together de Wong Kar Wai, qui est sans doute l'oeuvre la plus aboutie dans ce processus.
Et pour boucler la boucle, je reviens au tout début de ton message sur les mouvements anti-LGBT face à la revendication LGBT. La revendication doit continuer d'exister sur un plan militant, comme ce qui se fait dans les milieux féministes ou anti-racisme. Elle va cependant devoir à terme se confondre avec toute la somme des luttes contre les discriminations.
L'enjeu est de détruire durablement le communautarisme nauséabond dans lequel s'engonce la communauté LGBT, militante ou non. Ce communautarisme gangrène la cause, cause qui par ailleurs n'existe pas par elle-même : il serait temps que les gens, militants LGBT comme les autres, prennent enfin conscience que ces histoires de genre, de discrimination, d'orientation sexuelle sont simplement une immense remise en question de ce qu'est l'être humain par rapport à son statut animal, et qu'il convient d'aborder cette crise avant tout sous un angle philosophique, politique (au sens large et grec) et didactique et non uniquement à travers un pragmatisme factuel.