En ce moment je m'intéresse pas mal à la réalisation de l'animation comme telle, et sur ce point
Starting Point de Miyazaki est assez intéressant sur certains angles. Je ne suis pas animateur et malheureusement je ne le serai sûrement jamais, seulement la réalisation des dessins animés reste un domaine assez passionnant et attise pas mal mon attention. Lorsque l'on en regarde depuis quelques temps, on devient relativement capable de distinguer une bonne animation ou pas, l'oeuvre d'un animateur talentueux, pourtant j'ai l'impression que l'on ne se rend pas vraiment compte, en tant qu'unique spectateur, à quel point ça semble en fait difficile de réaliser une animation correcte. Je me suis dit que ce serait pas mal d'en parler, mais vous m'excuserez donc s'il y a des erreurs, au pire vous êtes assez habitués ici.
Une petite partie du bouquin traite de la manière de réaliser une personne qui court ou qui marche [
From Idea to Film, Part II : 1 Gekkan Animeshon, Juin 1980 - Page 37] et c'est en fait assez intriguant. La réalisation d'un mouvement dans l'animation semble se faire de deux manières différentes, ou bien le personnage se déplace dans un décor qui lui est fixe, ou alors le pattern du déplacement est fixe et c'est le décor qui se déplace. Bien évidemment cette technique n'est absolument pas spécifique à l'animation japonaise.
La première méthode est celle qu'on s'imagine en premier et représente beaucoup de mouvement dans une série, pour la raison que la majorité d'entres eux ont pour but d'être uniques. Il n'y a alors pas du tout de cycle à répéter et la réalisation de l'animation suit un schéma traditionnel, où elle se fait par la réalisation d'images clef (key animation, minimum deux pour un mouvement : le premier et le dernier) qu'un autre animateur (in-between animation) va compléter en dessinant les dessins intermédiaires afin que l'animation soit fluide. La seconde idée est assez intéressante car elle joue sur une illusion d'optique et permet aux réalisateurs d'utiliser un même plan de caméra pendant un peu plus longtemps tout en gagnant des plans et donc de l'argent. L'intérêt de la chose est que pour une même animation, le décor suivra derrière pour donner une illusion de déplacement, alors que l'animation du personnage est en réalité "statique", c'est ce que l'on appelle "follow". Il y a pas mal de cuts qui sont ainsi réalisés, notamment dans les films de Myazaki, comme pour Mononoke Hime par exemple :
Ici le déplacement des deux personnages est clairement "truqué", seul le décor de fond se déplace vraiment, bien que les mouvements des lèvres sont eux uniques. Les scènes ne durent pas spécialement longtemps pour que cette manière ne paraisse pas trop évidente, mais c'est assez frappant de voir le nombre de fois où c'est en fait utilisé.
Ici, on observe bien que les personnages se déplacent dans les décors au début, pour se combiner au final avec l'autre méthode de manière assez rapide. C'est assez intéressant de voir que bien que le loup soit lui, dans la même boucle 5 fois, la position de San quant à elle change (les celluloïds utilisés pour les deux éléments devaient être sûrement différents), masquant ainsi la technique. A grande vitesse, cela permet aussi de donner une bonne impression de rapidité et évite aussi les soucis de perspectives. L'animation suivante permet assez bien de constater la réalisation de la chose, le mouvement est d'abord créé normalement à partir
d'images puis ensuite on pose juste le fond qui lui se déplace, en faisant croire à un mouvement de la caméra qui irait à la même vitesse que le personnage.
Création d'un mouvement : Entre courir et marcher
Comme vous le savez sûrement,
la qualité d'une séquence dépend d'une part du talent de l'animateur derrière, puis ensuite du nombre de dessins fournis derrière (ou plus exactement du nombre de dessins que l'on accorde au segment (cut)). Prenons comme exemple la boucle suivante où Vanilla, l'un des personnages de la série Kaiba réalisé chez Madhouse, doit marcher.
Si on assemble les différentes images en suivant comme idée de faire de l'animation pleine (à l'inverse de l'animation limitée utilisée habituellement dans l'animation japonaise), soit du 24 images secondes, on obtient donc une séquence de 20 ms pour 8 images, ce qui nous donne ceci :
Bien évidemment, si on diminue le temps du segment, donc le temps entre chaque animation, le mouvement paraît plus/trop rapide (ici, on a 10ms au lieu de 20). Vanilla perd ici l'impression de gravité qu'il avait en haut et surtout le mouvement paraît moins naturel :
Ici l'animateur a utilisé 8 images pour réaliser le mouvement de Vanilla, la boucle où le pied reprend sa position initiale de manière fluide (nommée step). Il en faut à peu près 6 pour animer une personne qui court. En effet, l'animation d'une personne qui marche est plus difficile à retranscrire de manière agréable pour l'animateur. L'oeil humain étant habitué à distinguer les différents mouvements d'une personne qui marche dans la réalité, alors que à l'oeil nue, cela lui sera bien plus difficile pour une personne qui court. L'illusion est donc plus simple pour animer une personne qui pique un sprint, l'oeil est de base habitué à ne pas distinguer clairement les mouvements des pieds, c'est encore plus vrai pour les déplacements d'animaux.
Mais l'animateur peut aussi jouer sur le nombre d'images par step pour retranscrire un certain mouvement, s'il ajoute 2 images le rythme sera plus lent et pourra s'ajuster pour des personnages devant courir avec des équipements lourds par exemple. A contrario s'il en enlève deux, le personnage aura l'air plus rapide et plus vif. Bien évidemment, l'animation d'une personne qui court dépend aussi complètement de comment le personnage bouge et pas uniquement de cet aspect, les très bonnes séquences du genre n'ont d'ailleurs pas vraiment de rythme particulier et joue à l'inverse bien plus sur un rythme cassé, pour donner à la course ou à la marche un rythme bien plus vivant.