Il paraît que ceci est mon 3000e message sur Anime-Kun, autant en faire un qui a de la gueule.
Persona 5 (PS4) : Avez-vous déjà entendu parler du
gesamtkunstwerk ? C'est un concept allemand qui signifie "œuvre d'art totale" qui servait à désigner les opéras de Richard Wagner. L'idée est de combiner plusieurs domaines artistiques pour créer une œuvre transversale à la portée symbolique inégalé.
Et parmi les jeux vidéos qui peuvent prétendre à être des
gesamtkunstwerk, on pourrait citer
Zelda,
Metal Gear Solid 3,
Shadow of the Colossus,
Dark Souls... Et
Persona 5.
D'un point de vue strictement technique, P5 reprend pratiquement tout de P4, son prédécesseur d'il y a deux générations. Mais Atlus a poussé les curseurs au maximum dans tous les domaines, ce qui rend la comparaison inutile hormis pour des débats à la marge sur des concepts vagues et sans intérêt. Il n'y a pas de débat que P5 est le jeu le plus abouti, le plus ambitieux jamais sorti par Atlus depuis
Nocturne.
Cette ambition se trouve dans un premier temps dans le scénario, qui remarquablement bien écrit pour ce genre de produit. Plutôt que de centrer le récit sur le drama des personnages, Atlus est parti sur une écriture thématique, qui personnellement me parle beaucoup plus à l'heure actuelle. P5 brasse ainsi plein de thèmes différents, qui sont systématiquement à mettre en lien avec
la sociologie japonaise et ses tares. Les personnages partagent tous le fait de sentir exclus de la société pour une raison ou pour une autre, et trouveront un idéal commun dans le fait d'aider les autres à se sortir de leur problèmes. Les multiples Confidants du jeu, quoique inégaux, surlignent bien cette idée d'un altruisme social, d'un humanisme commun aux marginaux et aux déclassés.
Vers la fin du jeu l'histoire prend un ton carrément politique, avec des questionnements sur la manipulation de l'opinion publique et des médias sociaux. Le(s) boss final(s) sont assez clairement inspirés de la tendance générale du retour des régimes autoritaires, ce qui donne au récit une portée dépassant le cadre strictement japonais.
Le gameplay est toujours scindé en deux parties, l'exploration de donjons (qui disposent cette fois d'un level-design fixe) et la simulation de vie sociale au sein d'une ville de Tokyo retranscrite dans le détail. Le jeu fait un travail formidable s'agissant d'imbriquer tous les sous-sytèmes ; les Confidants, les statistiques sociales, la fusion de Personas, l'équipement, les activités, la gestion du temps et des ressources... Même si le calendrier est plus resserré que ceux de P3 et P4, le contenu est bien plus fourni et il est possible de terminer le jeu à 100% dès la première partie, même si cela demande une planification avancée qui heurte l'intérêt d'un titre qu'il est essentiel d'aborder sans rien en connaître.
Le système de combat est celui qui connaît les plus gros changements, pas dans l'esprit mais dans la forme. Rarement un JRPG n'aura proposé des combats au tour-par-tour aussi dynamiques, intéressants et jouissifs qui donnent envie d'y retourner juste parce que c'est tellement cool d'y jouer. L'idée de remplacer les Shadows par des monstres du bestiaire SMT est excellente et plus encore l'est le nouveau système de Hold Up qui ajoute une couche de stratégie aux combats qui ne se terminent pas systématiquement par la défaite de l'ennemi mais par une négociation, une extorsion voire un ralliement.
Le système de fusion constitue un des éléments les plus funs du jeu, en supprimant l'aléatoire agaçant des jeux précédents pour un système plus clair, sans être pété comme celui de SMTIV par exemple. L'ajout des fusions sacrificielles et de la transformation en objet permet un haut niveau de customization des Personas qui permet aux plus acharnés de créer de vrais monstres de puissance ou simplement de conserver leur Persona favori tout au long du jeu, même si cela va un peu à l'encontre du principe.
Le tableau n'est cependant pas parfait, avec au moins un défaut majeur : le jeu est trop facile, ou tout du moins devient trop facile au bout d'un moment. Les bonus accordés par les Confidants sont tellement énormes (négociations facilitées, fusions surpuissantes, temps supplémentaire) que le jeu finit par plier sous le propre poids de sa générosité et la difficulté du dernier tiers du jeu en devient risible même en Hard, si bien que j'ai dû m'imposer des restrictions pour ne pas simplement casser le jeu et le rendre ennuyeux.
L'ennui, probablement le pire ennemi de
Persona 5 qui fait un travail titanesque en parvenant à rester passionnant, drôle et parfois touchant durant les 100 à 200 heures qui constituent une partie. Je n'ai pas parlé de l'esthétique et de la musique mais ça se passe de commentaires, n'importe qui voyant ou écoutant le jeu tourner comprendra la qualité suprême de la direction artistique qui renvoie la plupart des (J)RPG à l'école de design. Dès que le jeu avait été révélé en 2014 et que Hashino avait expliqué qu'ils s'étaient inspirés de
Lupin the Third, c'était évident que ça allait bien se terminer. Ils ont mis du temps, mais ça en valait la peine. 9,5/10
NB : j'ai décidé de ne pas m'immiscer dans les débats sans fin concernant les waifus, j'estime que les préférences de chacun sont respectables et à ce titre je préfère m’abstenir de donner mon choix personnel.