Manifestement, il n'a jamais été aussi à la mode de critiquer des séries populaires pour se donner un vernis d'otakulture et d'élitisme animesque (Sword Art Online avait donné le ton, Psycho Pass encouragé ces mauvais procès, il était inévitable que la saison de printemps ne soit pas épargnée): je craindrais presque d'avoir l'air d'un béotien, à oser exprimer mon avis selon lequel, non, désolé, Valvrave ne s'annonce pas comme une mauvaise série, bien au contraire.
C'est peut-être la place particulière qu'occupe les animes mechas (pardon, real roboto pour les puristes) dans ma propre culture anime qui me donne ce courage et me permet de prendre un peu de recul.
Un premier épisode cliché, une copie à la virgule prêt d'un épisode de Gundam ? Mais la saga Gundam toute entière est une variation à l'infini sur le même thème. L'adolescent qui découvre un robot surpuissant, c'est le passage obligé de tous les animes méchas: c'en est d'ailleurs l'un des codes fondateurs. De même qu'un haiku doit comprendre un certain nombre de syllabes, comporter un kigo et avoir une chute, les animes mechas, comme toute forme artistique, ont un certain nombre de codes. Bientôt, on reprocherait à la série de se dérouler dans une colonie spatiale ? Dans le futur ? Aurait-il fallu voir des méchas s'affronter dans les luxuriantes forêt du Crétacé pour placer la série au-dessus de tout soupçon d'appartenir à un genre pré-existant (crime odieux s'il en est) ?
Quant à l'enchainement de la scène de school-life et de combat de mécha, là encore, il participe de l'opposition traditionnelle entre l'innocence et la paix où les horreurs de la guerre font brutalement irruption. Message pacifiste fondateur des premiers Gundam et depuis repris dans la plupart des mécha (à l'exception peut-être de TTGL et de Bokurano). Si l'on veut s'intéresser à la forme spécifique qui a été donnée à cette dualité, il y a des précédents, fort nombreux:
1) Gundam Seed, l'un des meilleurs méchas de l'univers alternatif et de l'ère post-Tomino, commence exactement de la même manière, par une scène de school life.
2) Gundam 00, une série dont personne ne contestera l'originalité (la seconde saison n'est pas concernée, bien entendu. D'ailleurs, elle n'a jamais existé. Je ne vois pas de quoi vous parlez.) est encore plus proche dans son ouverture, puisqu'elle débute par une scène de romance entre Saji et Louise (certes à l'université et non pas au lycée, différence cruciale...)
3) En dehors de l'univers des Gundam, les exemples abondent: Code Geass débutait ainsi (à moins que la popularité de la série ne la condamne d'emblée ?) Evangelion mêlait également, dans un sens, school life et mécha...
D'autant que cette juxtaposition d'une bluette et des ravages de la guerre prend ici des dimensions particulièrement tragique (qu'on retrouve par ailleurs rarement dans un opening).
Critiquer la reprise de thèmes communs à d'autres animes, c'est malheureusement la marque d'une méconnaissance totale des codes du genre. Bientôt, on reprochera aux romantiques anglais d'avoir repris des thèmes de la mythologie grecque et on accusera toute autobiographie de plagier Rousseau.
Quant aux personnages "génériques", là encore difficile d'émettre un quelconque jugement. Le héros présente une personnalité plutôt inhabituelle (même si elle n'est pas inédite) de par son calme et sa passivité. On s'écarte du profil plus classique du pilote tourmenté voire "borderline" tel Camille de Gundam Zeta, Athrun Zala de Seed ou Setsuna de 00. Il se démarque également du deuxième grand type de protagoniste qui se bat contre son gré pour préserver la paix (Yamato de Seed par exemple) et implore ses adversaires de déposer les armes. La poursuite de vengeance le rapprocherait davantage d'un Suzaku (Code Geass), ou d'un Lygatt (Broken Blade).
Au-delà de ces emprunts, comme on le voit tout à fait légitimes, qu'est-ce qui distingue Valvrave ?
D'abord, une très grande maitrise technique (que n'avait absolument pas Guilty Crown, puisqu'on s'échine à comparer les deux, dont le storyboard avait du être écrit sous acides). C'est d'abord une question de rythme, les séquences s'enchainant sans temps morts, avec une très grande fluidité. De musique également, la bande son jonglant entre J-pop et classique avec maestria. Enfin, comme Code Geass en son temps (avec les combats au sol), Valvrave semble avoir sa propre esthétique en termes de combats de mécha. Très colorés, utilisant a bon escient la CGI, fondé sur des effets de flous et de fondus, ils rendent très bien l'idée de vitesse, qu'on retrouve rarement dans l'animation classique, aussi belle soit-elle.
Ensuite, une véritable originalité à bien des égards.
La scène qui précède l'ending, où se mêlent le triomphe du Valvrave, le pilote étant célébré comme un héros par le pays entier, et le désespoir d'Haruto, qui reprend ses esprits après la bataille est d'une grande beauté
Le lien organique qui unit le pilote et sa machine, tel un contrat faustien, est là encore souvent abordé indirectement dans l'univers des Gundams (on pense à la "compréhension mutuelle" chère à Gundam) mais jamais aussi clairement. On retrouve l'idée de "contrat" qui était au cœur de Code Geass mais d'autant plus pertinente qu'elle s'associe avec la question de l'identité du pilote avec sa machine
En conclusion, rien ne permet d'annoncer que Valvrave sera mauvais. En fait, à titre personnel, et en tant que grand fan de mécha, je trouve ce premier épisode très prometteur.
La comparaison avec Guilty Crown est injustifiée: Guilty Crown était un décalque de Code Geass, produit par un studio concurrent de Sunrise, Production IG, pour surfer sur son succès. Les emprunts, absolument essentiels selon les codes du mécha, que fait Valvrave à ses illustres prédécesseurs - emprunts que je pense par ailleurs pouvoir identifier avec bien plus de précision que la plupart des arbitres autoproclamés du bon goût en matière de mécha - ne constituent en rien une similitude avec le plagiat bête et méchant de Guilty Crown. A ce jeu là, comme je l'ai exposé, Gundam dans son ensemble est un immense plagiat autotélique.
Et si on parvient à prendre un tout petit peu de recul et à ne pas céder à la mode qui consiste à descendre en flamme tout anime un tant soit peu connu, on peut reconnaitre que se premier épisode possède des qualités indéniables.