Bloodborne (PS4) : c'est pour qui le platine ? C'est pour bibi.
Bloodborne édition complète, premier jeu lancé sur ma PS4 récemment acquise et première - espérons pas dernière - grosse claque.
Ce jeu est un produit de From Software et en particulier de Hidetaka Miyazaki, créateur de la franchise des Souls dont
Bloodborne reprend l'ossature. Il s'agit donc d'un action-RPG où l'on parcourt un labyrinthe géant infesté de monstres qui ont pour principal but de vous tuer, à moins que vous ne les tuiez en premier.
La partie scénario est assez vite expédiée, les dialogues sont rares et l'essentiel du background passe par la lecture optionnelle des descriptions d'objets - descriptions à la rédaction souvent cryptique, pour ne pas dire ésotérique.
L'ésotérisme, un mot tout trouvé pour qualifier l'ensemble du jeu. From Software s'est fait un point d'honneur à se placer en tête de fil des studios ayant choisi de prendre parti contre l'assistanat et l'infantilisation du joueur, régulièrement relégué au rand de spectateur. Dans
Bloodborne le joueur est jeté sans préparation dans un monde à la dérive, qui débute dans la terreur pour glisser peu à peu vers le cauchemar le plus total. Face au danger grandissant le joueur n'a d'autre choix que de s'adapter ou disparaître.
Dans les faits
Bloodborne reprend globalement le système de
Dark Souls, mais expurgé de tout ce qui a pu apparaître de superflu. La Forge et ses multiples types d'améliorations ? Dehors. La gestion de l'encombrement et de l'inventaire ? Fini. Les nuances du maniement du bouclier ? Laissez tomber.
Bloodborne repose sur un système épuré avec des armes peu nombreuses mais aux styles très différents, sur un encombrement nul pour favoriser la mobilité et surtout une absence de bouclier qui modifie complètement l'approche du jeu.
Demon's et
Dark étaient des jeux patauds qui reposaient essentiellement sur l'observation et la capacité de tanker. Dans
Bloodborne celui qui fonce tête baissée court à sa perte ; les rencontres ennemies sont rarement solitaires, les créatures attaquent à deux, trois ou plus et demandent sang-froid et réflexes. Quel que soit son build, le personnage se déplace très rapidement et l'esquive devient une donnée primordiale pour espérer échapper aux griffes de montres qui ne pardonnent pas la passivité.
Alors oui, dans
Bloodborne on meurt. On meurt beaucoup. Mais grâce au principe génial de la sauvegarde permanente institué depuis
Demon's, le jeu conserve toute la progression et tous les objets récoltés même quelques secondes avant l'échec - à l'exception des fameuses âmes (ici appelés Échos du Sang) qui peuvent toutefois être récupérées sur le lieu de son décès ou sur le monstre qui a porté le coup fatal. la mort est donc dénuée de toute dimension frustrante, et on l'accueille non pas avec colère, mais avec l'envie de faire mieux la prochaine fois. A aucun moment du jeu je n'ai eu envie de ragequit, au contraire à chaque nouveau décès j'étais de plus en plus convaincu de la possibilité d'y arriver, ce que j'ai fait.
Ainsi se résume la philosophie de
Bloodborne ; c'est un jeu qui ne vous demande pas d'être doué, mais qui vous aide à le devenir, à votre manière. Il n'y a pas de build privilégié ou favorisé, toutes les possibilités sont viables et offrent des expériences de jeu qui se moulent dans votre sensibilité. Personnellement je suis parti sur un build dit "qualité", c'est-à-dire concentré sur la compétence et la mobilité, avec une utilisation libérale des pistolets. Parce que oui, il y a des flingues dans
Bloodborne mais rien d'aussi craqué les arcs de
Demon's ou la pyromancie de
Dark. Les pistolets de
Bloodborne servent principalement à bloquer l'ennemi dans son élan et à conserver ses distances. Un coup de pistolet bien placé peut même engendre selon un certain timing un Contre, qui lui-même peut aboutir à une Attaque Viscérale sur le modèle des ripostes de Dark. Dans la mesure où un grand nombre d’ennemis peuvent être contrés, y compris les boss, la maîtrise de cette technique peut être un atout formidable.
A côté de ce gameplay à la fois exigeant et jouissif,
Bloodborne est également une démonstration de puissance du savoir-faire japonais en matière de présentation vidéoludique. La direction artistique est superbe, dans un style gothique-victorien qui change très agréablement de la fantasy de papa. les environnement sont superbes et offrent des panoramas géniaux, tout comme le sens du détail apportés aux designs des monstres et des items. le jeu respire une élégance et une classe naturelle, le simple fait de diriger son personnage constitue un plaisir en soi, chose que je ressens rarement dans un jeu vidéo où généralement bouger avec son personnage est une corvée nécessaire pour aller du point A au point B. Dans
Bloodborne l'association de l'esthétique, du combat et du level-design font une synergie ludique qui portent le jeu à des hauteurs de qualité rarement atteintes.
Du point de vue narratif,
Bloodborne manie avec un talent certain la notion de mystère, à laquelle je suis particulièrement sensible. L'histoire semble assez évidente au départ (la ville de Yharnam est en proie à une épidémie qui transforme les gens en monstres, et vous devez nettoyer tout ça) mais le jeu ne cesse d'incorporer des éléments de plus en plus étranges même selon les standards du jeu pour finalement laisser sur plus questions que de réponses (si vous êtes fans d'ambiances inspirées de Lovecraft, vous allez jouir). Certains moments du jeu, notamment en ce qui concerne les quêtes de PNJ, laissent parfois sur un réel malaise et un sentiment de désespoir qui mène à la folie ; le tout avec une sobriété et un équivoque plutôt inattendus pour des japonais.
Ne tergiversons pas :
Bloodborne est un des meilleurs jeux d'action auxquels j'ai joué, et même s'il lui manque l'atmosphère de
Demon's et le level-design de
Dark, il surpasse clairement ces deux jeux pour ce qui est du plaisir pris manette en main. Là où pour ces deux jeux j'avais surtout envie d'en finir pour pouvoir être capable de dire "je l'ai fait",
Bloodborne m'a au contraire donné envie de ne pas m'arrêter, de continuer le combat, de ne pas me réveiller de ce cauchemar...