The Third Murder (Kore-eda Hirokazu, 2017)
Kore-eda est le seul réalisateur au monde qui a été capable de me faire pleurer devant un film (Tel père, tel fils) du coup j'ai abordé celui-ci avec la crainte d'être une nouvelle fois mis à mal dans ma masculinité. Il n'en a rien été puisque contrairement à ses habitudes il ne s'agit pas d'un drame qui s'adresse à nos émotions mais plutôt d'un thriller judiciaire qui s'adresse à nos cerveaux. L'avocat Shigemori doit défendre un certain Misumi, accusé d'avoir tué son employeur pour lui voler son argent. Misumi avait déjà été condamné pour un double meurtre trente ans plus tôt et avait échappé de justesse à la peine capitale grâce au juge Shigemori, père de l'avocat aujourd'hui chargé de sa défense pour ce troisième meurtre. Le verdict semble couru d'avance mais au fil de son enquête, Shigemori constate que l'affaire est peut-être plus compliquée qu'il n'y paraît.
Il existe bien des manières de traiter ce genre d'histoire, Kore-eda choisit l'aspect thématique puisque ce qui va importer est moins la résolution de l'affaire que le parcours psychologique du protagoniste, qui débute l'histoire avec une posture cynique d'avocat qui ne cherche qu'à "remporter" le procès pour finir sur un questionnement sur le sens de la justice, notamment au Japon dont les particularités du système ont récemment fait l'objet d'une certaine attention. On sent quand même passer les deux heures, avec une cinématographie lénifiante nippone à souhait et des scènes à l'intérêt discutable, mais le jeu en vaut la chandelle. A l'instar d'un Memories of Murder dont la conclusion est assez comparable, le film interroge sur l'écart qui peut exister entre justice et vérité. La Justice se veut définitive et la peine de mort est par nature irréversible ; la Vérité en revanche est parfois une question de perception. Est-ce juste de condamner quelqu'un à la peine capitale pour ce qui n'est finalement qu'une "version des faits" ? Ces sujets ne sont pas nouveaux mais c'est intéressant de le voir traités sous cet angle, même si ça ne rend pas le film grandiose pour autant.
Outrage Coda (Takeshi Kitano, 2017)
J'ai adoré le premier Outrage sorti en 2010, peut-être un des meilleurs films de yakuza modernes que je recommande franchement. Une suite est sortie en 2012, qui était assez dispensable. Cinq ans plus tard Kitano revient avec ce dernier film qui conclut la trilogie. Le monde du crime au Japon est sous la domination du clan Hanabishi qui contrôle toutes les organisations majeures du pays. Un de ses lieutenants, Hanada, provoque un incident lors d'un voyage sur l'île de Jeju en Corée du Sud. Cette île très touristique est contrôlée par M. Chang, un baron asiatique qui a pour homme de main Otomo, le fameux ex-yakuza qui a quitté le Japon après avoir décimé son clan dans les deux précédents films. L'incident de Jeju dégénère lorsque les cadres de Hanabishi décident d'en profiter pour se lancer dans une guerre interne qui aboutit forcément sur un bain de sang...
Ce troisième opus rejoue la même partition que les précédents, avec un clan yakuza qui s'autodétruit dans une lutte de pouvoir et quelques sursauts de violence extrême. Difficile toutefois de rester accroché, l'intrigue ne décolle que tardivement et les scènes de violences sont bien moins créatives qu'autrefois. Le film est sauvé par sa galerie d'acteurs géniaux, notamment Toshiyuki Nishida dont l'interprétation à la limite du grand-guignol compense un Kitano en service minimum. Bref, allez tous voir le premier Outrage et ne tenez pas compte des suites.