Hawn. Merci Rydiss, merci.
Dès qu'il s'agit de psychologie des personnages, on me dit souvent que je surinterprète. Red, si tu passes par là, attention à l'AVC ~J'ai souvent noté que le personnage de Shirou était considéré comme un héros typique et fade. Je ne saurai dire pour le VN, mais dans la série en tout cas, il me semblait évident dès le départ que Shirou n'a pas le profil du héros désirant sauver ingénument la veuve et l'orphelin mais plutôt celui d'un adolescent instable.
Nous avons d'abord un flashback précis qui est mis en exergue, celui de la
passation d'idéal, et à ce moment là, Shirou chope l'idée à laquelle se raccrocher désespérément pour donner un sens à sa "survie".
Contrairement aux autres, Shirou ne participe pas à la guerre pour gagner ou encore s'amuser, Shirou y va pour "sauver les autres" et a un comportement suicidaire à chaque fois. On remarque assez tôt qu'il n'est pas bête et qu'il est parfaitement capable de se montrer stratège, sous l'impulsion de Rin certes, mais il ne manque pas d'idées et le duo est efficace. Cependant, même en étant conscient de ses faiblesses, il ne semble pas conscient du risque de
sa propre mort comme s'il avait de lui-même une image invulnérable de survivant. On peut également le noter lors de la scène où il dit "être habitué à voir des corps inertes" alors qu'il n'en a plus vu depuis l'incident, cela prouve que le souvenir de la tragédie est très vivace malgré le nombre d'années passé.
Outre son sentiment de culpabilité du fait d'avoir survécu (flashback qui revient assez souvent), il y a également tout le contexte dans lequel il a grandi. Shirou a été élevé par son
sauveur qui n'était lui-même pas un exemple de stabilité mentale. Un homme détruit et pessimiste, dépressif au regard vitreux mais avec des sauts d'humeur (il lui arrivait apparemment de s'amuser comme un enfant). Shirou
culpabilisant d'avoir survécu à un cataclysme mais également par rapport à son père adoptif qui ne voulait pas lui apprendre la magie, et qui l'élevait par
sentiment de culpabilité car Shirou était l'unique survivant d'un drame dont il se jugeait responsable. Lors de la passation d'idéal, Shirou veut devenir le "héros" que Kiritsugu n'a pas pu être, en tant qu'enfant, il devait se sentir coupable et/ou responsable du comportement de Kiritsugu qui n'a jamais pris la peine de lui expliquer dans des termes clairs et simples, appropriés à son âge. Ce dernier tenait un discours de la dépression delamorkitû sur les rêves et les idéaux... Grandir dans un cadre pareil, ça ne devait pas aider à accepter son passé et avancer sainement.
Après la tragédie, Shirou devait être
psychologiquement pris en charge, développer ses propres passions et des intérêts qui lui sont propres et lui procurant du
plaisir, afin d'avoir une image positive de lui-même et éviter l'isolement ou encore la dévalorisation de soi. Ce qui n'a pas été le cas. Shirou n'a hérité que d'un idéal héroïque pour prouver à Kiritsugu qu'il y a encore de l'espoir, ses propres espoirs de trouver une raison d'exister, d'avoir survécu, de se déculpabiliser auprès de ceux qui ont dépéri et auprès de celui qui a failli à les sauver, et pour lequel il ressentait de la reconnaissance et de l'endettement. Il n'a pas eu sa propre passion, mais un devoir à accomplir. Il est socialement isolé, avec quelques personnes proches mais les relations restent superficielles et il est réticent à s'attacher aux autres, d'où sa froideur et son manque d'enthousiasme à toute épreuve, qui tranche avec la bonne humeur de la prof là. Il n'a pas une haute opinion de lui-même et voue son existence pour les autres, reniant son individulaité pour servir dans un
but commun et collectif, faire partie d'un tout lui épargne une introspection par rapport à ses propres désirs qu'il refoule, ou qui n'ont tout simplement jamais pu germer tant il n'y a jamais réfléchi. (D'où sa surprise lors des questions de Rin, ou encore comment il est décontenancé face aux paroles dures d'Archer, s'il refuse avec autant d'entêtement de réfléchir au discours d'Archer, c'est comme le souligne Rydiss, un système de défense psychologique !)
J'ai du mal à voir un comportement héroïque ou encore crédule chez Shirou, le petiot est loin d'être naïf, ayant flirté avec la mort ; c'est la crainte d'une réitération de la tragédie ayant marqué son enfance qui le motive à participer à la guerre, il ne souhaite pas que d'autres personnes souffrent de la même chose que lui, mais également il souhaite prendre une revanche sur un événement ayant miné toute son existence. Ce n'est pas désintéressé ou niais, au contraire, il a plus de raisons de se battre que les autres mages se battant pour le prestige ou pour les richesses. Il prend une revanche sur son propre destin, il cherche un sens à son existence en se cachant
inconsciemment derrière le mécanisme de défense qu'est l'idéal chopé chez son père sauveur.
Je vois Shirou comme adolescent traumatisé, avec des mécanismes de défense (qui sont des stratagèmes et procédés inconscients) comme la sublimation de ses idéaux, l'introjection où le sujet s'approprie une réalité existentielle à partir du dialogue avec une personne de confiance (qui se trouve être Kiritsugu dans ce cas précis) ou encore la dénégation : Shirou refuse de considérer les discours d'Archer et ne fait que les réfuter à coup de "
Pas du tout, tu te trompes, au contraire", il reconnait la menace à son équilibre psychique et se mure dans le refus d'admettre la vérité. A cela s'accouplent la dévalorisation de soi et les impulsions suicidaires liées à son invulnérabilité de survivant.
Après, je pars certainement très loin dans l'analyse (déformation professionnelle é_è) mais il n'en reste pas moins que cette lecture du personnage tient parfaitement la route avec tout ce qui a été présenté jusque là. Shirou reste un personnage cohérent et... touchant. Mine de rien, ce petiot est très attachant. Il n'est pas
courageux ou fort, mais plutôt désespéré de trouver une raison d'être, un but à sa survie, une envie intempestive d'aider les autres pour payer sa dette envers l'univers, on le remarque dans son acharnement à apprendre la magie malgré les réticences de Kiritsugu, dans sa façon d'aider l'école à réparer les appareils défectueux, ou encore de cuisiner pour les autres. Des comportements
anodins mais qui rentrent dans le profil psychopathologique du personnage. Shirou ressent le
besoin intempestif d'aider les autres, sans en tirer aucune glorification de lui-même, juste la satisfaction d'avoir servi à quelque chose, de justifier sa présence et sa consommation d'oxygène. Et dans sa solitude (comme le disait Rydiss, l'absence de véritables liens avec les autres), on remarque que son entourage tient sa gentillesse pour
acquise, personne avant Rin n'ayant pris le temps de lui demander ce qui l'amusait, et personne avant Archer ne s'était dressé contre ses idéaux avec un discours plus nuancé et moins manichéen que les deux pauvres idées discutées lors de son échange avec Kiritsugu. J'ai personnellement hâte de voir dans quel direction évoluera le personnage de Shirou, même que c'est le personnage le plus intéressant à l'heure actuelle (si si !).
Petite parenthèse, vu que Tomoe dans KnK est considéré comme un alter-égo de Shirou, c'est loin d'être anodin ! On retrouve le même profil névrosé, la même fragilité et instabilité psychologique, la même culpabilité par rapport à
ceux qui sont morts, le même désir de revanche sur le destin. C'est même souligné encore plus clairement avec le côté
poupée humaine à laquelle on insuffle une volonté, des idéaux... une personnalité, mais ne sachant pas qui
il est vraiment, où s'arrête l'extrapolation identitaire et où commence son véritable soi. C'est dommage qu'un personnage aussi complexe soit réduit à un « tête à claques » le plus souvent sur la toile.
… Eh bien, j’ai encore plus blablaté que prévu (pour ne pas changer), veuillez m'excuser, mais je ne pouvais rater cette occasion de pondre un pavé Shiroui’en. x’]
Et puis, comment résister à cette bouille ? :3