Je parles de narration pour bien insister sur le fait que l'occidentalisation est pas aussi caractéristique que ça. Sur l'imagerie, je pouvais aussi souligner les éléments qui ne sont pas chrétiens ou occidental et montrent bien qu'il s'agit d'abord d'un mélange plutôt que l'appropriation d'une grille de lecture différente. Le premier élément qui me vient en tête est tout de même d'abord la notion de
Kekkai, la barrière magique n'est pas très chrétien ni occidental. Le deuxième élément est la notion d'envahissement du monde magique dans notre monde, que je trouve seulement dans l'univers extrême-oriental ; dans les mythes et religion occidentales, il existe des passerelles (comme le Bifrost nordique), des incursions (Jésus ou le Diable
), des zones un peu floues, mais pas l'envahissement. Mais je trouvais plus pertinent de parler de la forme, beaucoup plus perturbante pour le spectateur, que d'ergoter sur les exemples du fond de réflexion, car pour moi ces thèmes chrétiens ne sont pas limités à la culture occidentale.
Relever les origines chrétiennes et autres d'images et de symboles dans une histoire japonaise est loin de montrer une influence occidentale. Tout d'abord le catholicisme est une religion installée au Japon, elle est certes minoritaire, dont l'histoire de son installation date du XVI° siècle. Même si son installation a été interrompu un bon moment, sa présence a toujours existé depuis cette époque. Voir des chrétiens au Japon est curieux mais pas surprenant. Or l'inverse, le shintoisme ou le bouddhisme en France, est quelque chose de très récent. Je ne sais pas si Nightow est catholique, je dis juste que la culture chrétienne est plus qu'une curiosité récente au niveau historique, à tel point que le mélange des thèmes n'est pas si absurde, ou du goût de l'exotisme comme ce serait le cas en occident. Bien sûr, un tel niveau de connaissance de la part de l'auteur montre bien son intérêt et ses recherches, et pas juste la restitution d'éléments résiduels inséminés dans la culture nationale. Mon rappel historique est là pour prétendre que la culture chrétienne n'est pas une rupture telle qu'elle démontrerait la nécessité de changer de paradigme — en utilisant les codes de lectures occidentaux (je n'ai pas oublié que je devais préciser en quoi je trouve que tu utilises un grille de lecture trop occidentale).
Si l'exemple de la culture chrétienne ne permet pas de changer de paradigme, c'est que ce n'est pas le seul élément à être assimilé par le Japon, et surtout s'il y a bien une civilisation qui s'approprie les cultures du monde, à sa façon, c'est bien celle du Japon. Le bouddhisme, les ramens et le kishoutenketsu (exmples qui me viennent en tête, ils doivent être bien plus nombreux) sont d'origine chinoises, mais aujourd'hui ce n'est que de l'histoire, c'est bien japonais. Au XX° siècle, toute la technologie moderne a été assimilé à tel point que le Japon est aujourd'hui bien plus le pays de la technologie que la France ou l'Angleterre. Or j'ai l'impression que nous sommes dans une situation différente de celle de la Chine qui s'est transformée en usine du monde, en tardant à s'approprier la partie développement (je ne connais pas assez l'histoire de l'industrialisation japonaise pour démontrer exactement en quoi le Japon est fondamentalement différent de la Chine mis à part le décalage temporel dans son évolution). Il y a quelques dizaines d'années, le sociologue Johan Galtung décrivait le japonais comme quelqu'un qui n'a pas un modèle du monde trop défini, sachant que le monde est complexe, soucieux de s'y adapter plus qu'adapter le monde à sa volonté. En oubliant ce sociologue que je connais à peine, cette facilité à s'approprier les codes étrangers pour les intégrer dans leur culture est typique du Japon, et est loin d'être une particularité de Nightow.
Donc même si l'imagerie et les symboles sont évidemment ceux de la culture européenne et simplement mondiale, cela ne justifie pas que la réflexion sous-jacente n'est pas pour autant de même origine. À défaut d'une preuve montrant véritablement le changement de paradigme (comme quelque chose de fort et marquant comme la méthode de narration), la réflexion repose d'abord sur les habitudes des japonais.
Évidemment cette réflexion s'applique à notre discussion autour de Kekkai Sensen, mais à toute la fiction provenant du Japon. Et inversement, une fiction occidentale avec des codes japonais à toutes les chances de porter une réflexion occidentale.
p.s : Merci pour cette lecture de la symbolique de couleur, c'est très instructif. Je n'ai pas porté mon message là-dessus, car je n'ai rien à en dire, mais je tiens à dire que j'apprécie.