Beastars
Auteur: Itagaki Paru
Année: 2016
Licenciement: Ki-oon pour Janvier 2019.
Volume: +11 (en cours), les deux premiers tomes en simultané le 24/01 en France.
Synopsis: Dans une société anthropomorphique et civilisée fondée sur la recherche de cohésion entre carnivores et herbivores, nous suivons le loup gris Legosi, membre du club de théâtre de l'institution Cherryton. Alors que la loi interdit tout acte de menace apparente d'un carnivore envers un herbivore et que la consommation de viande issue d'un animal vivant ou ayant vécu est tabou, un herbivore est tué par un carnivore remettant en doute le semblant d'équilibre social.
Alors qu'en parallèle l'élection de Beastars, nomination royale pour l'animal destiné à essayer de construire une paix sociale de longue durée, le jeune Legosi va devoir composer entre ses propres problématiques et ceux de ses camarades dans une tension sous-jacente pouvant exploser à tout moment entre carnivore et herbivore.
Dernier primé du prix Taisho, Beastars à très rapidement attisé ma curiosité tant par son univers que son récit.
A dire vrai avant de commencer l'oeuvre je m'attendais à un thriller dans une société de plus en plus divisée entre carnivores et herbivore.
Je n'ai jamais eu aussi tort, ou presque... L'autrice propose à l'inverse simplement le quotidien, la vie en société d'un jeune loup Legosi. Livrant par la même occasion un récit passionnant irrigué évidemment par la fameuse dichotomie alimentaire. L'autrice réussit grâce à elle à construire un univers particulièrement crédible grâce à de minces détails de fonctionnement de cette société animalière jouant habillement avec ce dernier et de l'espèce même de ses personnages.
Ainsi elle réussit à traiter de la problématique de la cohésion des différences de population tant avec sérieux que de légèreté et une bonne dose d'humour. Son principal atout, c'est qu'au lieu de montrer forcément toute la face du problème en une fois, elle réussit à instaurer extrêmement facilement une tension sociale d'abord à travers plusieurs échelles. Tant sur les individus eux-mêmes et leurs relations d'individus à individus mais aussi sur leurs environnement jusqu'à ce qu'on passe à une échelle sociale encore plus grande.
Un certain mal-être se ressent dans chaque strate que ce soit de l'individu qui refrène sa nature et ses pulsions ou un autre qui se camoufle derrière un "personnage" pour lutter sur ce qui l'est d'une autre manière et s'élever. Ou bien encore la présence d'un certain lieu qui fera balancer l'oeuvre de la simple "mignonnerie" animalière à une oeuvre bien plus sombre qu'il n'y paraît.
Et cela se ressent tant frontalement à travers des arcs prenant à bras le corps le problème que des scènes, des détails moins innocents, qu'ils n'y paraissent.
Cependant la série ne devient jamais malaisante, jamais désagréables à la lecture car l'autrice réussit à y mêler des scènes drôles, légères, attendrissantes, des scènes du quotidien que chacun peut vivre. Je pense d'ailleurs que le graphisme y est pour beaucoup avec un trait extrêmement expressifs, très souvent léger, presque brouillon par moment, profitant pleinement de l'apparence animalière de ses personnages. Le découpage et la mise en scène plus généralement, seront d'ailleurs de outils parfaitement utilisés se centrant énormément sur les personnages, leurs réflexions et leurs relations...
Car Beastars est clairement plus une oeuvre à personnage qu'à scénario. Il s'agit bien plus de s'attarder sur l'influence sur les personnages qu'à cette société plutôt que construire un scénario qui se révélera au final bien plus secondaire, un simple cadre motivant la mise en avant de ses personnages et des réflexions amenées avec eux. Il s'agit surtout de suivre les convictions de tout un chacun, leurs oppositions physiologiques et psychologiques, leurs caractères et leurs relations. En cela la série démontre un talent certain à construire des personnages de suite passionnants que ce soit Legosi qui devra trouver un juste équilibre à travers sa nature de loup, ou bien du personnage de Louis, un cerf qui au contraire essaiera de s'extirper de cette dernière.
Ce sont eux qui permettront de dessiner l'univers qui se dépeint devant nous aux des détails avec des idées plus ou moins sautant aux yeux, ce sont eux qui seront tant la source de la réflexion sur la différence tout en la subissant. Le scénario n'est qu'une scène, un cadre qui leur sert de représentation à l'image du fameux club de théâtre où bien des personnages centraux et leurs richesses en font partie.
Un monde où tous jouent un rôle, où la tension sous-jacente tente de se faire oublier mais se cache à chaque recoin d'une ville, d'un univers bien plus conflictuel qu'il n'y paraît. Un monde où on se cache derrière un personnage soit en s'éteignant soit en contraire en jouant sous la lumière des projecteurs, où chaque personnage réserve autre chose caché sous leurs propres natures qui sera d'ailleurs habilement utilisée. A l'image de ce personnage panda qui tente de créer un équilibre, lui qui est la jonction anormale entre le carnivore et l'herbivore.
Beastars est une pièce de théâtre géante une représentation de tous les instants, où l'anthropomorphisme permet de mettre en avant des problématiques bien plus humaines qu'il n'y paraît et d'une richesse et d'un équilibre qui en font clairement une lecture de choix, universelle et malheureusement d'actualité.
Un réel coup de coeur de mon côté.