Je signalerai juste que Clémenceau, pour bien connaitre sa vie (étant un grand fan de tous ses disques), n'était pas spécialement anti-colonialiste par conviction.
Je présume qu'il n'avait rien contre les colonies tant qu'elles représentaient le prestige et la grandeur de la France. Simplement, c'est surtout de la fibre revanchrade de Clémenceau sur l'Allemagne qui anime, par pur intérêt politique, ses prises de position anticolonialiste. Hantée par la perte de l'alsace moselle avec Sédan, la III République avait évité soigneusement de prendre une position trop forte dans le jeu des nations continentales, se servant de l'expansion coloniale comme d'un substitut à l'échec continental. Clémenceau, patriote convaincu mais germanophobe hargneux, considère que toute la priorité devrait être la récupération de l'Alsace Moselle et laver ainsi l'honneur de la nation plutôt que de se fourvoyer dans la maitrise de lointains royaumes indigènes.
En outre, en tant que membre du relativement fragile parti radical, ("le coeur à gauche mais le portefeuille à droite", selon le bon mot d'un homme politique de l'époque dont je ne me rappelle plus du nom) il peut difficilement adopter une position colonialiste trop ferme sans être rejeté dans l'ombre de factions et de figures politiques plus prestigieuses à droite (notamment le très prestigieux parti colonial, qui n'aura aucun rôle de gouvernance politique, mais réuni, simplement pour la figuration, une belle brochette des plus éminents responsables politiques et des intellectuels de droite de l'époque). A l'époque, Clémenceau n'avait pas encore l'aura politique qu'il gagnera en surmontant d'abord les crises ouvrières puis celles de la guerre. Sa stratégie anti-coloniale lui permet de se rapprocher des partis de gauche, tout en courtisant son électorat plus à droite (souvent de petits commerçants et de petits bourgeois, ce qu'on appelerait maintenant le poudjadisme) en mettant en paralléle son opposition à la priorité coloniale avec la réorientation sur le cas Allemand qu'elle permettrait de réaliser.
En outre, en revanche, les colonies n'était pas du tout avantageuses à exploiter à l'époque (cf la thèse de Jacques Marseilles), contrairement aux idées reçues (même si elles ont bien fait la fortune de quelques grandes compagnies peu scrupuleuses et alimenté une administration coloniale pléthorique).
Enfin, le "Fardeau de l'homme blanc" de Kipling, et l'ensemble de sa pensée colonialiste, rendons-lui justice, aussi ethno-centré et raciste qu'il soit est aussi empreint d'une profonde "noblesse oblige" humaniste propre à l'auteur.