C’est en ce mois de décembre 2012 que la série des Final Fantasy fêtera son vingt-cinquième anniversaire. Le timing est donc parfait pour vous parler de mon récent coup de cœur que je viens de terminer, Final Fantasy VI.
Pour être honnête je ne suis pas un véritable fan de Square et de la franchise FF ; sur la quinzaine de jeux sortis je n’en ai faits jusqu’à présent que cinq, et ils n’étaient pas tous forcément bons. Mais si je dois reconnaître cette qualité à la saga, c’est de savoir se renouveler à chaque épisode et faire table rase du passé, tout en conservant une essence inaliénable.
Sorti sur Super NES à partir de 1994, FFVI représente la fin d’une époque. Non seulement c’est le dernier de la série à être paru sur console de salon Nintendo, mais c’est également le dernier dans lequel se retrouvera la Sainte Trinité qui fonda la série. Hironobu Sakaguchi, son créateur, commence à prendre ses distances avec les jeux et sera crédité non plus en tant que réalisateur mais en tant que producteur. Yoshitaka Amano, chara-designer et illustrateur, rend ici un dernier travail avant de laisser la main à son disciple Tetsuya Nomura – qui officie déjà sur ce titre. Seul le compositeur Nobuo Uematsu suivra encore la série pendant les années qui suivront.
Ironiquement, cette idée d’une époque qui se termine et d’une nouvelle qui commence, est au cœur de l’histoire du jeu.
L’incipit de FFVI est un des plus célèbres du Jeu Vidéo. Dans un monde à mi-chemin entre fantasy, steampunk et science-fiction, un Empire maléfique étend son pouvoir en utilisant un mélange de magie artificielle et de technologie. La Résistance existe mais elle est traquée et exterminée par les troupes impériales puissamment armées.
C’est dans ce contexte que l’on découvre Terra (Tina au Japon), une jeune fille que l’Empire utilise pour ses capacités présumées de magicienne. Terra est emmenée par des soldats impériaux auprès des reliques d’un Esper, un être de magie pure, que l’Empire souhaite soumettre à son emprise. Mais lorsque Terra entre en contact avec lui, elle révèle ses propres pouvoirs magiques et s’en sert pour se libérer du joug de ses geôliers. Perdue et amnésique, elle est retrouvée par des membres de la Résistance qui la convainquent de les aider dans leur lutte ; c’est pour Terra le seul moyen de découvrir qui elle est, d’où elle vient et quel peut bien être son but dans ce monde au bord de la destruction…
L’histoire racontée par FFVI se scinde en deux parties. Dans la première, on suivra Terra et d’autres membres de la Résistance dans leurs aventures contre l’Empire. Le récit prendra plusieurs directions parallèles, nous faisant rencontrer un grand nombre de personnages : Locke, un voleur au grand cœur allié des Résistants ; Edgar, souverain d’un royaume dissident ; Sabin, frère de ce dernier et guerrier chevronné ; Cyan, un samurai distingué dont la vie sera détruite par l’Empire ; Gau, un enfant sauvage et solitaire ; Shadow, un ninja errant ; Celes, une magicienne de l’Empire qui passera dans la Résistance ; Setzer, un flambeur venu du ciel ; Strago, un vieux sage gardien de puissantes magies et Relm, la petite-fille de ce dernier. Tous ces personnages, et d’autres encore, seront mêlés à la lutte contre l’empereur Gestahl et son second, Kefka, tous deux avides de pouvoir et de destruction.
La deuxième partie du scénario suit un twist majeur qui justifiera un changement complet de l’univers du jeu. Il s’agira de retrouver l’équipe dispersée dans un monde post-apocalyptique afin de disputer une bonne fois pour toutes la bataille entre le Bien et le Mal.
La densité et la richesse de la narration de FFVI en font son gros point fort. Chaque personnage a son propre arc et ses propres motivations. Une prouesse pour un jeu qui aligne plus d’une douzaine de personnages jouables ainsi que d’autres cachés. FFVI est un des rares JRPG a savoir comment construire des personnages humains et touchants, à grand renfort de drama et de séquences chocs, comme par exemple la fameuse « scène de l’opéra » ou encore la scène de « l’île isolée », une des plus marquantes que j’aie vues dans un jeu de ce type.
La narration du jeu est une succession de micro-choix, qui n’ont pas forcément d’impact à long terme sur le récit mais qui donnent l’impression au joueur d’écrire lui-même son histoire. Par exemple, dans la seconde partie du jeu qui consiste à retrouver son équipe dans le Monde des Ruines, il est laissé à la discrétion du joueur de déterminer quels personnages à récupérer et dans quel ordre, sachant que la bataille finale peut être déclenchée très tôt. Une manière très intéressante de mêler l’écriture et l’interactivité.
Le système de jeu de FFVI est là encore d’une densité et d’une complexité remarquable. Les combats se déroulent en temps réel, avec l’utilisation de la fameuse Jauge d’ATB qui est la trademark de Final Fantasy. Toutefois, la grosse spécificité de cet épisode est le système d’Esper. Au cours de l’aventure, on rencontrera différents Espers qui pourront condenser leur pouvoir dans un cristal appelé « Magicite » dont les personnages pourront s’équiper. Non seulement les Magicites permettent d’invoquer les Espers au combat, mais surtout ils permettent au personnage qui le porte d’apprendre les sorts liés à cet Esper. C’est le seul moyen d’apprendre les sorts utiles du jeu et il y en a un paquet. La recherche des nombreuses Magicites, leur utilisation pour offrir des nouvelles compétences à l’équipe dote le game sytem d’une profondeur gigantesque. Mais il faut ajouter à cela l’équipement, très diversifié et lui aussi améliorable ; les Reliques, des accessoires pouvant doter les personnages de bonus salvateurs, ou encore des capacités propres à chaque perso. En effet, un personnage peut avoir la capacité de voler les ennemis alors qu’un autre pourra leur jeter des objets à la figure ; un personnage pourra apprendre les techniques des ennemis alors qu’un autre pourra carrément prendre le contrôle des monstres pour les forcer à s’entretuer… Les possibilités sont simplement infinies.
Cette densité est telle que l’on a parfois l’impression que le jeu a du mal à rentrer dans les limitations de la Super Nintendo. Ou peut-être est-ce justement l’inverse, la console étant limitée techniquement, cela a laissé le temps aux développeurs de booster la narration et le gameplay. Vieux débat, à vous de juger.
Quoi qu’il en soit, le jeu n’a pas pris une ride ; c’est une vérité admise que la 2D vieillit beaucoup mieux que la 3D. Les graphismes poussent la SNES dans ses derniers retranchements, avec une utilisation intensive du Mode 7, des sprites énormes et toute une palette d’animations pour les personnages et les effets spéciaux. Même éloge pour la soundtrack massive de Uematsu, qui enchaîne les thèmes cultes et les mélodies envoûtantes. Un régal visuel et sonore à peine entaché par le principal défaut qui est la fréquence trop élevée des combats aléatoires, qui cassent le rythme et rendent le jeu parfois insoutenable de difficulté : la sauvegarde automatique, ça n’existait pas à l’époque.
Qu’est-ce qu’un classique ? C’est une œuvre qui, même si elle reste ancrée dans son époque, parvient à être suffisamment ambitieuse et maîtrisée pour traverser les époques sans voire sa qualité s’altérer. C’est exactement le cas avec ce jeu, que je ne saurais que trop vous recommander si vous avez un tant soit peu d’intérêt pour l’histoire du média vidéoludique. Je disais en introduction ne pas être un fan de Square, mais désormais je suis clairement un fan de Final Fantasy VI.
Les plus
- Une monde riche et passionnant
- Système de jeu complexe et massif
- Beaucoup de personnages travaillés, de l'humour et du drame
- Réalisation exemplaire, narration audacieuse
- Nobuo Uematsu, 'nuff said
Les moins
- Un challenge punitif pour qui veut en découvrir tous les secrets...