Persona 4: De l'autre côté de l'écran
On dit parfois que les jeux qui sortent à la fin de la vie d'une console sont les meilleurs. Lorsque l'on voit ce que la PS2 nous a fourni pour sa fin de vie, on ne peut qu'accepter ce principe. FF XII, Okami, et surtout, Persona 4.
Avant de commencer l'éloge de ce jeu, je vous conseille fort d'aller jeter un coup d’œil à ma critique de P3FES, dans laquelle j'ai tenté d'expliquer le game system de Persona 3. En effet, P4 étant la suite de P3, on se doute que le jeu aura des similarités avec son aîné.
En fait il ne s'agira pas juste de similarités puisque le jeu reprend la même recette. En mieux.
Vous voyagez dans un train.
Vos parents sont partis loin et ils ne voulaient pas vous laisser seul un an entier. Ils vous confient à votre oncle, Dojima. Celui-ci vit avec sa fille Nanako dans la petite ville d'Inaba, quelque part dans la province profonde japonaise. Vous y serez scolarisé dans le lycée Yasogami High tout proche. L'année scolaire commence donc. Mais...
Mais vous vous êtes rendu compte dès votre arrivée en ville que quelque chose clochait. Outre ce rêve bizarre que vous avez fait dans le train, vous apprenez qu'une série de meurtres à lieu à Inaba. Une de vos camarades de classe en a été la victime. Parallèlement, vous vous êtes aperçu que vous et certains de vos amis avez la capacité de voir la Midnight Channel, un mystérieux programme télé qui annonce la mort prochaine des futures victimes...
Vous décidez alors de traverser l'écran en leur compagnie pour les sauver de leur destin funeste et combattre les Shadows qui menacent leur vie.
Mais ça, c'est seulement lorsque vous entrez dans la Télévision.
Car le reste du temps, vous êtes un ado ordinaire, avec les cours, les potes, les filles...
Le jour, vous êtes à l'école et vous pourrez faire tout un tas d'activités, et même tisser des liens (Social Link/ Commu) avec votre entourage. Après les cours, vous devrez crapahuter dans la Télévision pour sauver les cibles et trouver celui qui se cache derrière ces méfaits.
Vous avez un an. Un an pour réussir.
Persona 4 reprend donc le game system si particulier de Persona 3, qui mélange l'exploration de donjons et la simulation de vie lycéenne. Comme dans P3, le lien entre ces deux types de gameplay typiquement japonais se fera grâce au système de Persona, des invocations dont la puissance au combat lors de votre exploration du monde de la Télévision dépendra de votre taux de sociabilité dans le monde réel, grâce aux Social Links qu'il vous faudra augmenter.
A la nuance près que dans P4 ce ne sont pas les cycles lunaires qui balisent le jeu, mais la météo. En effet, vous apprendrez vite que les personnes emprisonnées dans la Télévision meurent dès que la pluie tombe et que le brouillard se lève. Ainsi, le scénario de P4 ne se joue pas sur des jours précis, puisque c'est vous qui choisissez quand passer à l'action. Vous pouvez aller sauver la personne dès que vous l'avez vue à la Midnight Channel, ou attendre le dernier moment. Si vous échouez et que la personne meurt, vous pouvez revenir une ou deux semaines en arrière, pas plus. Il s'agira donc de bien s'organiser, sachant que l'on peut désormais rester indéfiniment dans la Télévision – les personnages ne se fatiguant plus, mais que cela vous prendra du temps sur votre vie sociale.
Globalement, le jeu se joue comme P3, sauf qu'il est plus abouti, mieux équilibré que ce dernier. Détailler toutes les nouveautés me prendrait du temps et ne serait pas intéressant tant il s'agit de détails techniques très pointus – comme la refonte du rapport Arcane/niveau de base, les nouvelles caractéristiques du Protagoniste, le Fusion Forecast, le craft, les nouveaux Shuffle Time, les Arcana Chance, la cuisine, etc... En fait, le nombre assez énorme de détails qui améliorent le jeu rend difficile la comparaison entre P3 et P4. Si je devais résumer cela en quelques mots, je dirais que là où P3 est la ville, l'effervescence, la distance; P4 c'est la campagne, la proximité, le contact. P4 est moins sombre, aussi. Là où la couleur dominante de P3 était le bleu, celle de P4 est le jaune poussin. P4 est un jeu plus «intimiste »
Le nombre de personnages est réduit par rapport à P3, mais en contrepartie on se sent beaucoup plus proche de ce qui se passe. On finit par connaître la ville d'Inaba et ses habitants, ses habitudes. De plus, l'histoire est bien moins grandiloquente, les enjeux sont plus proches, moins abstraits. Le scénario se tient mieux car l'idée du tueur en série permet d'entretenir un certain suspense, qui monte crescendo.
P4 peut aussi jouer sur une plus grande maturité du propos, qui accompagne celle du game system. P4 va vous permettre de nouer des Social Link avec des personnes à la psychologie tordue (comme l'infirmière qui vous fera des avances sexuelles) et d'autres assez touchants – comme la vieille femme qui vient de perdre son mari. Le thème principal de P4 est la recherche de la vérité face aux apparences trompeuses. Cela se représente par le brouillard qui tombe sur la ville pour la cacher, et la Télévision qui ne montre que ce qu'elle veut bien vous faire voir. Le propos du jeu est que celui qui maintient ses amis autour de soi est capable de traverser le brouillard et d'atteindre la vérité. Mais pour cela, il vous faudra dissiper le doute dans le cœur de vos coéquipiers qui se sont laissés abuser par les masques qu'ils portaient pour ne pas s'assumer.
C'est là que vient le moment d'entrer dans la Télévision. Comparé à P3 et son unique donjon de 250 étages, il y a plusieurs donjons très variés. Du moins variés dans l'aspect; car le principe du D-RPG est toujours de parcourir des étages dont les plans sont générés aléatoirement. La nouveauté est que maintenant certains couloirs sont verrouillés et qu'il faudra les ouvrir avec des clés cachées. Vous devrez monter les étages et vaincre les Shadows qui vous attaqueront. Si le Protagoniste a toujours l'unique possibilité de changer de Persona à volonté - le choix est grand -, vous pouvez désormais contrôler directement vos alliés, ce qui offre de nouvelles possibilités en matière stratégique.
Chaque victime piégée dans la Télévision se trouvera coincée dans un donjon correspondant à sa personnalité. Un sauna pour hommes, une boîte de strip-tease, une base de l'armée, le Paradis... des lieux assez incongrus qui tranchent avec la simplicité et le réalisme de la ville d'Inaba. Les personnages seront confrontés à leur Moi profond, leurs désirs inavouables. Tour à tour Yôsuke, Chie, Yukiko, Kanji, Rise, Teddie, Naoto se révéleront et s'accepteront pour réveiller leur Persona. Votre rôle sera d'importance car dans P4 on peut nouer un Social Link avec tous les membres de son équipe. C'est fondamental car ces Social Link ont un effet en combat, et sont le seul moyen de débloquer les seconds Persona de vos équipiers. Le lien que vous aurez avec votre équipe est donc soutenu par le gameplay.
Les autres Social Link ne sont pas mauvais mon plus et ils sont plus variés à obtenir. Par exemple, pour l'approfondir avec Margaret, la nouvelle assistante d'Igor, il vous faudra montrer votre capacité à fusionner des Personas spéciaux. Pour approfondir celui avec le renard, il faudra accomplir des quêtes annexes difficiles. Ainsi de suite.
Le soft contient encore énormément de petits détails qui obligent à voir P4 comme un évolution plutôt qu'une copie de P3. Les deux expériences sont différentes, c'est clair. L'ambiance y est pour beaucoup.
Car comme je l'ai dit plut tôt, P4 est un jeu drôle et parfois festif. Les ennemis et donjons ridicules, les gags graveleux, font retomber la tension de cette histoire sombre de tueur maniaque. Les personnages n'ont plus besoin de se tirer une balle pour invoquer leur Persona, dont le design est d'ailleurs plus coloré. A ce sujet on remarquera que pour coller à l'ambiance provinciale du titre, les Persona de l'équipe ne sont plus des dieux des mythologies antiques méditerranéennes, mais des divinités de la mythologie japonaise. Le design est superbe, Shinegori Soejima et Kazuma Kaneko nous fournissant toujours un travail unique et parfaitement dans le ton.
Le jeu est de plus vraiment beau, grâce à une direction artistique superbe qui montre tout le talent des équipes d'Atlus pour créer des univers solides. On s'y croirait, à Inaba. L'interface à été modifiée et elle est particulièrement agréable. Les combats sont toujours aussi bien faits et les dessins animés réalisés par le studio 4°C font de superbes cinématiques, assez rares pour être marquantes. On notera que le jeu soigne sa fanbase avec des features de fan-service pur comme la possibilité (enfin) d'avoir plusieurs petites amies en même temps, ou encore cette scène dans laquelle les personnages de P4 vont à Gekkôkan, l'école de P3.
Au niveau musical, Shôji Meguro s'est surpassé pour nous faire une des meilleures OST de jeux qui m'a été donné d'entendre. Le couple opening («♫ Pursuing my true self») et ending («♫ Never More») est juste fabuleux, sans parler des nombreux thèmes à l'intérieur du jeu qui m'oint fait tirer les larmes de par leur excellence: «♫ Heaven», le thème du Paradis, ou encore le thème du boss final, «♫ The Almighty». Enfin je dis le boss final mais ce n'est pas tout à fait vrai. Comme dans P3, le jeu a plusieurs fins: une mauvaise fin, une bonne fin, et une vraie fin. La vraie fin est très difficile à obtenir car il faut parler à certaines personnes dans un certain ordre le dernier jour de l'année pour pouvoir débloquer l'ultime donjon. Mais tout ce qui peut prolonger le plaisir est bienvenu.
Je pourrais ainsi continuer des pages et des pages sur la richesse et a qualité de P4. Un peu comme Samurai Champloo succéda glorieusement à Cowboy Bebop jusqu'à atteindre une forme de perfection dans son domaine, P4 parvient à transcender l'exemple de P3 pour fournir une expérience JRPG de très haut niveau qualitatif.
Un niveau qu'il me tarde de voir dépassé par un éventuel Persona 5 qui selon Katsura Hashino serait en chantier. En attendant, Persona 4 aura droit à un portage sur PS Vita ainsi qu'à une adaptation en jeu de combat dans Persona 4 Ultimate, co-produit avec le studio Arc System Works. Et pour promouvoir le tout, Persona 4 sera adapté en série animée dès 2011. il n'en fallait pas moins pour perpétuer l'aura d'un des plus grands titres que le jeu vidéo japonais nous aura fait découvrir.
Les plus
- La même chose que P3, en mieux
- Personnages nombreux et travaillés
- Direction artistique et musicale touchée par la grâce
- Système de jeu toujours plus proche de la perfection
- Long, prenant, malin, riche, stylé...
Les moins
- Pourquoi chercher des défauts lorsqu'il n'y en a pas ?