Akira, le roi du manga.
Plus connu dans sa version cinéma, Akira est un manga culte des années 80 scénarisé et dessiné par Katsuhiro Otomo. Vénéré par beaucoup d’otakus comme étant le saint Gräal du manga, cette œuvre aura demandé pas moins de dix longues années de prépublication….pour un total de 14 volumes seulement au final. 14 volumes en 10 ans, c’est très peu, malgré le fait qu’Akira soit un seinen. Comment expliquer ce rythme de parution au compte goutte, et surtout l’engouement qu’a su susciter cette série à l’époque ? Et bien tout d’abord, faisons un petit topo sur l’histoire….
Le topo
L’histoire se déroule en 2030 pour notre version française (et colorisé) : Néo-Tokyo est une mégapole ou règne les guerres de gang, la corruption et tout ce qui s’ensuit : violences, vandalismes, drogues, perte des repères chez les jeunes, c’est la débandade totale.
Tout ceci s’explique bien sûr : en 1992, Tokyo fut détruite par une gigantesque explosion qui causa la 3ème grande guerre mondiale, rien que ça ! Quand on voit comme l’anneau de Sauron a foutu le bordel dans les terres du milieu, on n’imagine pas après l’explosion complète d’une ville…
On revient en 2030 : Kanéda et sa bande de motard font une virée en ville et Tetsuo, le petit protégé de la bande, subit un malencontreux accident en tentant d’éviter un gamin plus ridé qu’une personne du 3ème âge…Après cet incident, Tetsuo se voit doté de pouvoirs psychiques qu’il est incapable de contrôler : il subira de nombreux tests de la part de l’armée…Et nous voilà embarqué pour une épopée de 14 tomes avec presque aucun temps mort.
Une aventure haletante
Akira ne fait pas que se lire : il se vit. Soyons clairs, la narration d’Otomo a quelque chose d’absolument fascinant, de bout en bout, il est quasiment impossible de décrocher. Loin de l’image plus posée et mature que véhicule les seinen, nous sommes face à une série nerveuse, énergique, avec de la testostérone. Le découpage de l’auteur fait très certainement partie des plus efficaces qui soient. Difficile de ne pas succomber, Jonh MaClane lui-même aurait dû mal à suivre les aventures pleines de rebondissement de Kaneda et toute sa troupe. On court dans tous les sens, les balles fusent, les courses poursuites s’enchaînent, un vrai film d’action qui ferait palir Rambo et pourtant les bases de l’histoire se posent, elles, en douceur. Alors comment expliquer ce rythme de parution qui devait être absolument insoutenable pour l’otaku lambda fan de la série à l’époque?
Otomo, un mec posé en fait…
Un récit poignant, des pages qui transpirent l’action, un découpage à faire pleurer nombre de mangaka et pourtant…Une publication d’une atroce lenteur. Mais pourquoi ? Otomo, c’est tout simplement quelqu’un qui aime faire les choses bien, voire très bien.
« Vite et bien », c’est la manière dont on lit son manga. Il en est tout autrement pour son rtyhme de travail. Après avoir enchaîné coup sur coup les 14 tomes, on est forcé de prendre en compte le travail de l’auteur sur le background de l’histoire : tous ces petits détails qui foisonnent et qui font d’Akira une merveille tant dans le développement de l’histoire que de ses personnages.
Tout est fait sur mesure, tout est amené au moment où il le faut, rien n’est laissé au hasard. Ainsi, l’auteur sait nous surprendre en plein milieu du récit faisant disparaître (parfois définitivement) certains de ses personnages principaux. Et je ne parle pas d’une disparition à la Naruto avec un héros façon Sasuke qui se barre, non je parle d’une disparition qui trouble complètement le récit pour se concentrer sur un/une nouvelle héroïne…Un petit peu à la manière de « Coq de combat » pour les connaisseurs !
Un chamboulement des plus appréciables, qui tient la route de surcroît, que voulez-vous, c’est ça la force d’Otomo : nous pondre un récit qui met son temps à sortir, mais ne déçoit absolument pas. Ajouté à cela le trait de l’auteur semi-réaliste qui rajoute une force certaine à cette aventure dantesque.
Zoom sur le background « de fou ».
Non, le mot utilisé n’est pas fort, je me dois de ne pas tarir d’éloges sur ce background et d’aller un peu plus loin ! Akira peut se découper en deux parties bien distinctes : la première partie, avec Kanéda et sa « troupe » qui se forment au fur et à mesure, et la « suite »(on va éviter le spoil les amis…).
Dans la première partie, on découvre ce que pourrait devenir une jeunesse laissée pour compte, livrée à elle-même, c'est-à-dire…pas grand-chose. A quoi bon se chercher un avenir dans un monde ou il n’y en a pas ? Kanéda et ses potes sont à la recherche de plaisir immédiat afin de s’évader de cette galère quotidienne : drogue, désintéressement total pour les études, recherche d’adrénaline pendant les courses de motos….C’est le terrible portait d’une enfance volée, assez proche de nous finalement, qui ne s’applique pas qu’à Kanéda et sa bande. Dans un monde futuriste, l'auteur nous apporte une vision généraliste d'une jeunesse perdue, quel que soit l'époque à laquelle elle vie.
On se penche aussi sur les adultes, qui eux, se contentent d’observer d’un œil critique ces adolescents, de suivre l'opinion publique sans pour autant agir…Dans la 2nd partie, les hommes les plus faibles iront chercher refuge auprès de plus fort qu’eux, preuve d'un besoin d'être soutenu et aidé, tandis que les jeunes tenteront d'ériger un nouvel empire dans le chaos de la 2nd partie, une envie d'être indépendant et de construire se démarquent comparé aux adultes qui se contentent,une fois de plus, d'être simple spectateur.
Difficile de dire qui est le véritable héros de l’histoire dans Akira. Là où certains récits se contentent de nous présenter une galerie de personnages classes avec une esquisse de caractère et de passés vaguement entrevue, Otomo, lui, n’y va pas avec le dos de la cuillère…On ne saura presque rien du passé de nos héros, l’auteur fait quasiment l’impasse dessus : il préfère nous montrer la nature profonde de ses héros. On retrouve en Kanéda le gars courageux, prêt à faire preuve des coups les plus fourbes, parce que c’est aussi là une facette du courage.
Tetsuo nous est décrit comme un personnage instable, qui tente de prouver aux autres sa valeur sans y arriver, étant considéré comme le petit frère de la bande : ainsi, ses pouvoirs lui donneront l’envie de prouver sa supériorité aux autres, ce qui nous montre au final son complexe d’infériorité.
Enfin Kay, représentation de la jeune femme idéaliste, forte et pleine de conviction. Notons que Kiyoko et le colonel Shikishima sont les seuls adultes à se démarquer véritablement dans le récit.
Du manga au film.
1988 et boum, voilà Akira le film. 1991, voilà que la bête franchit les terres francophones, ce qui permet au français de base de l’époque de se rendre compte que le manga ne comporte pas que des jeunes filles aux formes généreuses qui se font ***** de toutes parts par des tentacules de monstres venus de l’espace. « Merde, y a un scénario…et en plus il est bien…Puis le film en lui-même est bien animé…c’est fluide, c’est…beau. ».
C’est l’ovation la plus totale, la fête au village, la foire à la saucisse, appelez ça comme vous le voulez, les femmes jettent leurs sous-vêtements en pleine salle de cinéma, c’est la folie, Akira ouvre une voie royale au manga en France, trop souvent critiqué à tort.
S’il est indéniable que le film est à voir, qu’il est superbe visuellement et que, effectivement, son scénario est accrocheur, il ne contient pas la richesse du manga , bien qu’il en contienne au moins l’essence pour avoir su capter le public français. Ne faites pas l’autruche et lisez le manga si vous le pouvez, sinon le film est un bon en-cas avant le quatre heures qu’est la version papier.
Mais…Et les défauts, y’en a non ?
Bah non…Bon ok, je ne suis pas très objectif là, le seul défaut de l’œuvre, c’est(peut-être) sa légère perte de rythme vers les tomes 8/9 dû à des dialogues entre scientifiques…Le récit va tellement vite en besogne(sans gâcher le plaisir de la lecture) qu’il devient difficile de lire des bulles qui ne contiennent pourtant pas tant de dialogues que ça ! C’est un peu comme si, à la place de Terminator 3, vous regardiez subitement Benjamen Button…. Légère perte de rythme, mais rien de bien méchant, au contraire, on reprend un peu notre souffle avant de repartir de plus belle !
Akirira bien kirira le dernier !
Ne cherchez pas le sens du titre de cette sous-partie, j’avais seulement envie de finir sur une blague pas classe. Akira mérite au moins d’être lu si vous ne pouvez pas vous permettre le luxe de vous l’approprier. Histoire et trait irréprochable, action à gogo, récit haletant et poignant, vous êtes face à un chef d’œuvre du seinen. Rarement un manga n’aura autant su me passionner. La version couleur est plutôt pas mal, mais la version noir et blanc est disponible en 6 tomes double…A vous de voir, quel que soit son format et sa version, un chef-d’œuvre reste un chef-d’œuvre !