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Au milieu des paumés

» Critique du manga Holy Land par Shizao le
04 Avril 2016

Holyland nous immerge dans une histoire mêlant combat et recherche de soit. Deux thèmes classiques mais n'étant pas à la recherche de l'originalité à tout prix, je ne crache pas dessus.

A l'image de son héros, le manga met un certain temps à démarrer. Autant le dire, Yuu Kamishiro est un personnage basique qui, au départ, est assez ennuyeux. Malgré sa situation difficile, ses innombrables hésitations, ses sauts d'humeurs proches de la schizophrénie et son asociabilité représentent des freins majeurs au rythme de l'histoire. Yuu a du mal avec tout : parler normalement à quelqu'un, alors à une fille n'en parlons pas, se faire des amis et évidemment combattre est une épreuve complexe pour lui. On tient là le bon vieux cliché du petit névrosé qui veut devenir fort.

Il n'empêche que tout le long du manga, l'auteur maintient l'espoir. L'espoir de voir son héros passer un cap et de rendre l'intrigue plus sombre, plus mature. C'est simple, tout est une question de construction.

La construction des combats d'abord, puisque c'est le moyen utilisé par Yuu pour trouver sa "holy land" : un endroit où il se sentira à l'aise et en sécurité. Là en revanche, pas de temps d'adaptation, Mori Kôji est tout de suite précis. Holyland est au combat de rue ce que Slam Dunk est au basket, Fantasista au football, Ascension à l'alpinisme... bref, l'expertise de l'auteur m'a largement convaincu. Tous les styles de combat y passe, arts martiaux ou pas. Poings, pieds, coudes, genoux, tête... Tout est bon pour vaincre l'adversaire, mais avec style s'il vous plait. Mori fait du combat de rue un art. Mais cet art n'a rien de noble, non, il n'est pas là pour impressionner l'adversaire ou pour remporter une compétition. Il s'agit là de prouver sa force, de s'imposer dans une jungle d'asphalte surplombée par les sombres bâtiments des différents quartiers de Tokyo. Et dans cette jungle, les fauves sortent chasser la nuit, à la recherche du respect ou de leurs limites. Pour avoir tout cela, encore faut-il ne pas se faire repérer par les flics ou éviter les lynchages. Deux conditions qui pourraient rapidement gâcher un bon vieux un contre un. A mon sens, l'auteur a bien géré cet aspect puisqu'il devait trouver un juste milieu. Ces situations se devaient d'exister sans être omniprésentes et c'est l'impression que j'ai eu durant ma lecture.

Revenons un peu sur l'aspect technique. Souvent dans un manga d'action, je m'attends à trouver un certain rythme, comme beaucoup d'entre vous j'imagine. Les dessins sont agréables, un peu sombre, ça n'est pas pour me déplaire. On ressent bien la dynamique des coups, des échanges. Holyland se veut réaliste mais bien vite on atteint un stade où le combat de rue ressemble à un sport, les règles en moins. Le vrai point commun, c'est la baisse de rythme, les temps de réflexions plus longs et là intervient un aspect important du manga, à savoir les explications de l'auteur. Mori Kôji n'hésite pas à interagir directement avec le lecteur, donner une explication très précise d'un style ou d'un mouvement. Au choix, ça peut être vu comme très intéressant ou au contraire très lourd. Pour ma part, j'ai apprécié les explications, même si parfois j'aurais préféré qu'elles soient plus courtes, elles permettent de comprendre entièrement le déroulement du combat. Pas seulement la technique. Dans un combat, le mental est bien sûr indispensable et là aussi l'auteur a son mot à dire. Si ça ne donne pas un solide background à chaque personnage, le lecteur a l'occasion de les comprendre, le temps d'un échange de coups bien sanglant. Ne vous attendez donc pas à retrouver de nombreux points communs avec vos bagarres d'adolescent, on dépasse bien vite ce stade.

Tout cela a beau être développé, ça n'est pas forcément la partie la plus intéressante de l'histoire. Comme je l'ai dis plus haut, c'est une question de construction. L'auteur a choisi une poignée de personnages en plus de son héros pour donner un sens à toutes ses bagarres dans la rue et transformer des fondations fragilisées en personnalités solides. Il y a une vraie volonté de s'échapper de la société pour trouver autre chose. Oui mais quoi ? Tout le problème est là. Est-ce une simple crise ? Le moyen des ratés de la société d'idéaliser leur vie en cherchant une cause plus acceptable à leurs yeux ? Pas vraiment, malgré le discours noble d'un Izawa Masaki par exemple. Les nombreux détails lors de cette brève période où ces hommes rejetés ou démissionnaires de la société se lâchent tranchent avec les moments où, justement, ils ne se battent pas. La plupart d'entre eux sont perdus et se sont condamnés à une recherche de l'inconnu qui les mène souvent au doute et au dénie. Avant la fin du manga, j'étais un peu agaçé par l'irrégularité chronique de Yuu, entre autres, mais plus l'intrigue avance, plus cette confusion qui parait éternelle, prend tout son sens.

Holyland a beau ne pas être original, ça reste une belle humanisation des voyous sans les idéaliser, enveloppé par une science du combat de rue efficace et dense.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Shizao, inscrit depuis le 28/12/2014.
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