City Hunter est sans conteste l’œuvre la plus aboutie de Tsukasa Hojo. Ce manga est un véritable monument dont l'histoire s’étend sur six années durant lesquelles on côtoie Ryo Saeba, un nettoyeur, et sa partenaire Kaori Makimura dans les quartiers chauds, sombres et dangereux de Shinjuku.
Les premiers tomes semblent un peu vieillots car Tsukasa cherche encore son style et le dessin des personnages évolue d’une planche à l’autre. Mais le rythme se veut tellement endiablé dès les premiers chapitres que le lecteur ne peut qu’accrocher à l’univers de City Hunter. On se rend cependant vite compte que les éléments de l’intrigue nous seront donnés au compte-gouttes tout au long des 36 volumes. En effet l’histoire présente une quarantaine de missions indépendantes où Ryo vient en aide à de charmantes demoiselles auxquelles il tente en vain de rendre une visite nocturne durant sa garde rapprochée. Des centaines de planches représentant notre héros modèle en érection, des milliers de marteaux pesant de 250 kg à 1000 tonnes brandis par sa partenaire, tels sont les ingrédients de City Hunter.
Il ne faut pas se leurrer : l’humour est grossier, répétitif et l’ambiance passe tellement vite du plus tragique au plus stupide que l’on peut légitimement s’interroger sur le bon goût de Tsukasa Hojo. Les histoires gentillettes succèdent aux prises de tête romanesques, les gros délires enjambent les scénarios tortueux mettant en jeu les personnages et leur sombre passé. Le récit est étrangement agencé mais c’est cela qui fait sa force car la relation entre les protagonistes évolue en conséquence de manière subtile, par petites gouttes disséminées dans chaque historiette.
Ryo est un gros pervers qui collectionne les soutifs et ne rate pas une occasion de coller aux fesses de ses clientes mais c'est surtout un héros classe qui surprend et anticipe toute situation. Kaori est un garçon manqué qui s’avère colérique de prime abord mais qui cache une douceur infinie et des sentiments purs. Difficile de ne pas s’attacher au duo détonnant que forment ces deux personnages tellement l’auteur excelle dans l’art de les représenter entre sublime et grotesque.
Au fond pourquoi s’imposer une si longue lecture? Simplement parce qu’on s’attache éperdument à l’univers d’Hojo, à ses personnages, à sa façon de raconter des histoires et de dessiner ses héroïnes.