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Ersatz d'un quotidien

» Critique du manga Himizu par Shizao le
03 Octobre 2016

Autant le dire tout de suite : âmes sensibles, s'abstenir. Pas que Minoru Furuya nous ait livré un manga particulièrement gore avec Himizu, mais plutôt dérangeant et surtout sombre.

Tout tourne autour de Sumida, un collégien pauvre, abandonné par son père et élevé par une mère irresponsable plus tentée par une partie de jambes en l'air que par l'éducation de son fils. L'ambiance est posée avant même la présentation du personnage principal, avec un petit rappel sur le nombre de morts par jour au Japon.

Sumida voit cette funeste statistique comme une preuve que l'être humain peut être spécial. L'objectif est donc le suivant : être normal. Commence alors un questionnement perpétuel et complexe. Après tout, qu'est-ce que la normalité (vous avez quatre heures) ? Qui la définit ? On évite tout de même le devoir de philo pour favoriser l'expérience de vie comme élément de réponse. Être normal dans la société influencée et influençable qui est la nôtre, c'est bien souvent avoir une routine. Sumida se confrontera donc à un quotidien qu'il veut normal mais qui choquerait la caste à laquelle il veut appartenir : précarité, agressions, absence de figure parentale. Malheureusement pour lui, l'adolescence a en plus de ça son lot de problèmes. La découverte de soi, des autres, du sexe et de l'avenir comme une perspective désormais proche.

Furuya confronte donc Sumida mais aussi d'autres personnages comme Shozo, son meilleur ami, à une adolescence accélérée par des besoins primaires et cette fameuse notion de quotidien s'apparente désormais à une boucle d'imprévus plus terrible les uns que les autres. Peu importe qu'il ait affaire à ses amis, au travail ou aux yakuza, Sumida creuse toujours plus profondément. Il est amusant (sadique que je suis) de voir que Furuya creuse aussi le trou du lecteur en pointant du doigt les dérives les plus malsaines de la société. Comme si, au fond, on pourrait comprendre en voyant cela le désintérêt qu'éprouve Sumida, à peine 14-15 ans et déjà blasé, sans aucune passion dans la vie.

La culpabilité se pose aussi comme une question dérangeante devant cette enfance gâchée. A qui la faute ? Les parents ? La société ? Est-ce que cela légitimerait n'importe quel acte ou presque de l'enfant ? Le point de rupture est-il justifiable ? C'est la façon même de faire société qui est en question. L'éternelle question de l'influence : libre arbitre de l'individu ou structure collective ?

L'auteur donne un élément de réponse en montrant ce qui pourrait être interprété comme les dérives d'une société libérale jusqu'à la moelle (égoïsme, envie d'être spécial, indifférence, l'argent comme finalité). Cependant, il entoure Sumida, car le but reste de remonter la pente. Outre Shozo, la jeune Chazawa jouera un rôle important, poussant presque Sumida à la catharsis dans ses moments les plus noirs où le démon qu'il est le seul à voir ne sera jamais loin.

Cet engrenage mental ne serait pas aussi intéressant sans le trait réaliste de Furuya, accompagné d'un charadesign bien particulier. Des personnages typés japonais, des expressions exagérées et une certaine laideur pour les jeunes pragmatiques déprimants dont l'humeur et les rêves ne sont liés qu'à l'épaisseur de leur bourse.

Himizu, c'est aussi malsain et déprimant que c'est profond et pertinent. Une plongée dans la vie d'un jeune dépressif enfermé dans un sinistre cocon, l'existence d'une sortie n'est pas garantie.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Shizao, inscrit depuis le 28/12/2014.
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