Et voilà, quand on pique du nez le ras des pâquerettes et le crash ne sont pas bien loin, et même ils vous guettent...
Trêve de mauvaises blagues, mais je ne sais trop par où commencer, cette série ayant déjà été présentée. Il est important de savoir qu'elle est tirée d'un roman, et a le mérite de très bien retranscrire une solidité scénaristique plantée au préalable. Place au ressenti, donc.
La précision des dessins est très agréable et assez impressionnante, bien que la technologie moderne y soit pour quelque chose. Le chara-design n'est pas en reste, le découpage et les dialogues non plus. Une machine parfaitement rôdée et maîtrisée.
Depuis les années 1990, le nombre de séries manga et animées centrée sur ce sujet a doublé. Si Le tombeau des lucioles a su très tôt faire pleurer dans les chaumières, révélant la misère et l'injustice qui frappaient les couches les plus défavorisées de la population civile, il n'avait pas de prétention documentaire.
Pour ne citer que les œuvres que j'ai lues sur le sujet, à savoir L'île des téméraires et ">Dans un recoin de ce monde, et auxquelles s'ajoute le film Le vent se lève, il est clair que le devoir de mémoire des Pères, archives à l'appui, est devenu un thème surexposé. Les vies des militaires, des "planqués" et des femmes constituent autant d'histoires, de témoignages et d'occasion de relire les chroniques de l'époque, teintées de ses couleurs patriotiques par chaque pays belligérant.
L'abus du terme de kamikaze par les médias, l'oubli de l'horreur de la guerre dans les pays riches ont brouillé ce passé qui, plus que tout autre, "n'est jamais mort, et qui n'est même jamais passé" (W. Faulkner)
Tout comme les recherches historiques actuelles, cette série combat les clichés profondément enraciné dans les consciences : oui, de jeunes et brillants Japonais se sont sacrifiés, mais ils n'étaient pas forcément des fanatiques de l'empereur ; non, il n'y avait pas que des Japonais et des Américains impliqués dans la guerre du Pacifique. Même si de nombreux reportages télévisés et travaux universitaires l'ont démontré depuis longtemps, on peut espérer qu'un tel support permettra de toucher un public plus large encore.
Même si vous vous estimez calé sur le sujet, lisez ce manga. Cette enquête d'un frère et d'une sœur sur leurs racines familiales les amène à démêler celles-ci avec de nombreuses autres destinées, et à travers elles à revivre un traumatisme si terrible qu'il fut longtemps tabou dans nos sociétés. La complexité des sentiments de chacun des personnages est rendu avec finesse, c'est-à-dire une infinie pudeur : les larmes de douleur ou de dignité nous sont montrées avec parcimonie. C'est d'abord une aventure humaine, une de ces lectures qui peuvent élever notre sensibilité et notre conscience au monde.
Je conclurai cette critique sur une citation de Fred Vargas qui me semble de mise : "La connerie militaire et l'immensité des flots sont les deux seules choses qui peuvent donner une idée de l'infini".