Gen d’Hiroshima fait partie de ces rares mangas où j’ai presque culpabilisé en le lisant tellement celui-ci était plaisant. Une culpabilité qui part de la beauté de cette série qui est basée sur le drame d’Hiroshima pendant la deuxième guerre mondiale. Ce manga est appréciable du début à la fin mais quelle « contradiction » de voir à quel point le malheur et la tristesse peuvent faire des choses admirables.
Cette série montre l’horreur jusque dans ses moindres détails. Les planches qui m’ont le plus frappée sont celles présentant les descriptions physiques des japonais touchés par la bombe et ses effets secondaires. Les dommages physiques sont les premiers à être vus, les premiers à être décrits. Viennent ensuite les dégâts moraux, qu’un tel cataclysme ne peut qu’engendrer. J’avouerais que c’est assez délicat de parler de ça, que ce soit de la part de l’auteur mais aussi de la mienne qui voudrait juger si ce qu’il dépeint est trop amplifié (je dis cela en pesant et en posant délicatement mes mots), ou au contraire pas assez.
Avec le minimum de recul dont je dispose pour dire ça, il est clair que tout au long de la série, où il n’est question que de la guerre et de haine, ce sont l’amour et la paix qui sont les véritables vedettes. L’amour de Gen pour sa famille et réciproquement, la soif de paix pour le futur, qui tente de chasser du mieux qu’elle peut tout désir de vengeance. Cette vengeance est omniprésente elle aussi, et totalement légitime. Mais dans le même temps si dérisoire ; dérisoire car rien de ce que pourra faire un gamin d’une dizaine d’années contre chaque américain qu’il pourra croiser ne lui rendra les êtres chers qu’il a perdu lors du bombardement. Cette série est un hymne au bon sens, un plaidoyer envers la justice mais aussi une réquisition contre l’espèce humaine si vile dans des moments pareils, si égoïste, où la moitié de la population cherche à sauver ce qui lui reste de peau quitte à enfoncer dans la détresse ceux qui sont autant dans le besoin.
Après avoir parlé de ça il me semble bien futile de s’appuyer sur des détails « techniques » pour faire la critique de cette série. Le trait est fin, et toujours le plus réaliste possible. Les lecteurs de ce manga, peuvent je pense, être aussi bien des enfants (pas trop jeunes non plus) que des personnes plus matures. Toute l’histoire est montrée du point de vue d’un enfant, mais face à lui ne se trouve pas la vie dont il aurait pu rêver. A cause de cela, je ne sais pas vraiment dans quelle catégorie faire rentrer cette série. Tantôt naïf et fleur bleue autant que possible, ce manga est aussi cruel car poignant de vérité.
Il n’est pas pour autant parfait. J’ai quelques points sur lesquels j’aurais aimé plus de rigueur mais je suis peut-être un peu trop exigeante là. Dans le premier cas c’est une erreur tout simplement : Einstein est représenté confectionnant la bombe avec les américains, ce qui est, j’en suis presque sûre, faux (ce qui se voit confirmé par une annotation du traducteur). Et dans le deuxième cas, ce sont des actions beaucoup trop prévisibles. Un exemple – ce n’est pas vraiment un spoil, cette aventure arrive dès le premier tome : la famille de Gen possède un champ de blé aux abords du village, ils comptent dessus pour pouvoir manger à leur faim le jour où celui-ci sera mûr. Ils y vont presque tous les jours pour s’en occuper jusqu’au fameux jour où ils pourront le récolter. Pendant ce temps, le père de Gen étant pacifiste, la famille entière se fait de plus en plus d’ennemis en ville, ceux-ci les lapident, les volent, etc. Le jour de la récolte arrive enfin et COMME DE BIEN ENTENDU leur champ a été dévasté pendant la nuit, de ce fait ils ne peuvent faire aucune récolte, même la plus minime.
C’est un « beau » manga, qui se dégage par sa simplicité, par sa vérité mais qui est tout de même assez provocant sur le fond. Il ne nous apprend rien de nouveau sur les événements de cette guerre, à part ceux vus à partir de l’œil du cyclone, ce qui est déjà un bon angle de vue, puisque rarement usité.