Enfin, ça y est, Masamune Shirow a touché le fond : après les calendriers Pirelli, après les artbooks Hustler, après les illustrations vaguement porno, Manbidule interfesse arrive pour donner ce qui manquait le plus à ses dessins répétitifs : un scénario.
Et là, on peut dire avec certitude que GITS MI est au manga ce que BHL est à la philosophie : un poisson mort flottant ventre à l'air. Que dire de plus si ce n'est qu'arrivé au bout de ces deux tomes imbuvables on en est encore à se demander qui fait quoi, qui est qui, ou quoi, bref, et pourquoi....
Manmachine Interface est une maison close où le délire technologique s'envoie en l'air avec la géo-politique ecchi, accouchant au bout du compte d'une multitude de corps huileux interchangeables, fusionnant dans les douilles de revolver et les string couleur camouflage. Rien à retirer de ce manga, rien à comprendre, si ce n'est que l'auteur, lassé de nous livrer des images rébarbatives de naïades à poil avec des seins flatulant de silicone sur fond de jambes écartées, a cru bon d'essayer d'imaginer une histoire...
Le lecteur demeure perplexe devant cet Etron Depot plein de bulles... Les couleurs sont toujours aussi pétaradantes, les textures sont glaireuses comme un crachat de jour de grippe, bref, l'oeil n'en finit plus de glisser dans ces substances visuelles enfantées par un PC obsédé, et de se noyer dans ces tons glaireux et métalliques évoquant en permanence le fantasme pornographique des corps glissants et arrosés de liquides tous plus gluants les uns que les autres.
Car Shirow n'est obsédé que par deux choses : le corps féminin et la technologie. En ce sens, il aura été le seul à pousser aussi loin le fantasme -omniprésent dans les mangas et les dessins animés japonais- de la jeune femme sexy portant un lance-missile sur son corps dénudé, et il aura été le seul à fouailler aussi profondément ces corps, leur adjoignant tantôt des parties cybernétiques, tantôt des parties humaines boostées pour un plaisir -sexuel- accru (voir les planches censurées du tout premier GITS). Cette mouture de GITS est un fantasme très poussé qui ne cache à aucun moment qu'elle n'est là que pour détailler des corps en travail et des armes en action, forçant le lecteur à assimiler le mouvement des culasses à un acte charnel. La chair est triste hélas, mais la technologie l'est aussi...
Ce n'est pas pour rien que Kusanagi passe son temps à changer de corps comme on change de chaussettes : elle incarne parfaitement ce fantasme de subsitution permanent des corps, elle offre sur un plateau la mise en pratique des fantasmes les plus irréalisables : fantasmer sur des dizaines de corps féminins tout en restant fidèle à une seule et même personne, qui serait capable de s'incarner dans tous ces corps désirables. En un sens, Shirow est un mangaka exceptionnel, parce que sous couvert de ecchi et de scénario soi-disant très solide (alors qu'il est simplement anarchique), il parvient à rendre avec une clarté et un talent sans précédent ce qu'une mutlitude de mangas hentai essaient d'aborder frontalement sans jamais y arriver : le désir bestial de jouir du plus grand nombre de corps possibles sans remettre en question la fidélité.
GITS MI est à lire comme le manifeste brillant du hentai sans complexe.