Un petit moment, six tranches d'une vie, une page d'histoire... la mesure importe peu. Ikkyû, c'est une révolution ayant pour centre l'ego. C'est "un roman vrai".
Ce sont les chroniques d'un être marginal, au credo révolutionnaire. Bâtard d'empereur caché aux yeux du monde, il se fait remarquer très tôt par son intelligence et son impertinence, ses talents de poète et d'exégète. En en temps où les provinces sont continuellement ravagées par la guerre, le peuple vit dans la misère alors que les aristocrates et les bonzes des grands temples vivent dans l'opulence et l'hypocrisie. Dès ses treize ans, Ikkyû (qui ne s'appelle pas encore ainsi) choisit la vie de moine vagabond. Ce n'est pas entre quatre murs que sa pensée philosophique va mûrir, mais sur les routes et sous la belle étoile et les intempéries. Tantôt décrié ou vénéré, il défia les préceptes monolithiques des monastères bouddhistes.
Le ton est sensible. Souvent torturé, parfois apaisé, toujours plein d'ironie. Le graphisme est magnifique, à tel point qu'il ne laisse pas indifférent ceux qui n'aiment pas "ces traits enfantins et ces personnages aux yeux énormes." La simplicité du trait noir sur fond blanc, ou inversement, rejoint la simplicité de ton de cette aventure humaine. Et la vie est là, lumineuse, avec sa palette infinie entre le blanc et le noir. La simplicité vient-elle à bout de toutes les traditions ?
Je finirai par quelques vers du "bonze fou vêtu de noir" :
"Qu'est-ce qu'un cœur ?
C'est comme le bruit du vent
Emporté par l'odeur des pins
Dessinés à l'encre de Chine."