Autre temps, autres mœurs et tout un pan culturel bien présenté. Peu m'importe la part de véracité, de romancé, d'exagéré ou de policé dans ce qui est dépeint. C'est très agréable et c'est tout ce qui compte.
Pour commencer, la différence d’âge inversée entre Amir et Karluk m'avait un peu perturbé au départ. Une appréhension que j’avais eue il y a longtemps déjà, l'année de la parution du premier tome en France. Parce qu’en général c'était plutôt l'inverse dans ces contrées. En tout cas quoi qu’il en soit c'est crédible.
Amir est une femme pétrie de qualités et fort intéressante dans son rôle d’épouse aînée. On voit bien qu'elle est consciente de la différence d'âge. Elle réagit de manière adulte et ne rabaisse jamais Karluk. Pourtant ce dernier n'est encore qu'un enfant, on peut le dire. A noter qu’il fait preuve d’une maturité précoce pour son âge. Je pense que l’époque, le contexte et l’environnement y sont pour beaucoup. Au-delà de la confiance réciproque entre les deux époux, il y a la patience. L’impression que celle-ci est une règle tacite et commune. Concernant l’aspect des devoirs charnels dans le cadre du mariage, si je puis appeler ça ainsi, c’est géré aussi dans ce sens (de manière adulte et avec la patience que nécessite la singularité de leur couple). Mis à part un ou deux baisers légers + un rapprochement corporel une nuit de grand froid il n'y a pas eu consommation. Mieux encore, ni écarts, ni voyeurisme malsain. Que ce soit sous couvert de l'histoire ou « sous prétexte que », l'auteure ne nous inflige aucun point de vue ou positions malaisantes. Dans certains mangas les auteurs ne s’en privent pas, bien au contraire ils s’en donnent à cœur joie. Des fois ça peut être justifié pour le bien de l’œuvre, et des fois, le plus souvent selon moi, c’est l’inverse pour un piètre résultat. Fin de l’aparté.
J'aime beaucoup l'ambiance. Il en ressort une gaieté, une candeur et même une chaleur humaine au sens le plus noble du terme. À divers degrés ça brasse large : on y retrouve le thème des relations intergénérationnelles, les ambiances communautaires, la vie au sein des familles nombreuses, les traditions, etc. J'apprécie l’immersion dans les conditions de vie de l'époque. D’ailleurs à ce niveau, même discret, le personnage de Smith apporte un angle intéressant. Par son regard occidental couplé à cette passion des cultures étrangères qui le caractérisent il apporte une plus-value, tant sur le plan du récit que de son interprétation (que ce soit l'identification au personnage, ou du moins l'affinité que peut ressentir le lecteur vis-à-vis de son comportement dans le choc des cultures).
C’est un manga lumineux où il fait bon vivre si je puis m'exprimer ainsi. Mais pas seulement car celui-ci réserve son lot d'action et de réflexion, de drame et d'amertume. Tant du point de vue des personnages que d'un point de vue plus large du fait de la condition géographique et politique de l’époque. Il y a les guerres de territoires et le jeu des alliances avec en trame de fond cet envahisseur Russe, invisible pour l’instant mais qu’on ressent et dont il est fait mention plusieurs fois.
Au niveau de la narration c’est vivant et le récit ne verse jamais dans l’excès à outrance. Comique ou dramatique aucune exagération ou caricature facile. Peut-être un côté bisounours? Même pas. Ou l’inquiétude exagérée d’Amir? Rien de négatif, au contraire ça lui ajoute un côté kawaï voire touchant selon les situations. Pour moi l’un des points forts du manga c’est justement cette relation et interaction entre Karluk et elle. Une relation écrite, transcrite et relatée avec brio.
Sinon les moments où l'action se déplace ailleurs sans eux ne me dérangent pas. Je me retrouve assez vite happé/hypé par la qualité des autres passages avec le reste du casting.
Concernant le dessin, nul besoin que j'en dise quelque chose, il s'exprime de lui-même. Pour le reste on ne peut que saluer le travail de recherche de l’auteure (les coutumes, le travail artisanal et tous les autres détails en rapport avec les conditions de vie de l’époque). A noter aussi un aspect contemplatif en rapport avec la nature et les animaux. De son propre aveu l’auteure se régale à dessiner les chevaux. Du coup on a droit à de belles balades et autres moments en leur compagnie. Un point supplémentaire qui vient enrichir le tableau. Bref, un manga qui concentre tous les ingrédients du dépaysement total.
Alors certes il s’agit d’un titre connu et reconnu depuis un bout de temps. Mais même sans ça je l’aurais recommandé. D'ailleurs Bride Stories manque encore de visibilité à mon goût. C’est pourquoi j'aurais voulu pouvoir en parler plus, en parler mieux. Mais bon, bizarrement plus j'apprécie quelque chose et plus ça me complique la tâche. Je préfère la retenue et laisser à chacun le soin de se faire son propre avis.
A l'heure où j'écris ces lignes la série poursuit son bout de chemin avec 12 tomes en cours en France comme au Japon. La série est pré-publiée dans le magazine Harta auquel on doit entre autres des titres tels que Wolfsmund, Reine d'Egypte, Glouton & Dragons, Le Monde de Ran (au passage tous ces mangas ont été également licenciés chez nous).
**Je remercie mes camarades du forum, qui se reconnaîtront, pour leur conseil et pour leur bienveillance. C'est grâce à eux que ce texte qui n’avait pas vocation à être une critique s’est matérialisé ici**