«Scumbag Loser» avait tout pour plaire: une sortie chez Ki-Oon, éditeur intéressant à défaut d'être parfait, pitch alléchant avec antihéros et ambiance crasseuse. C'est le genre de trucs que j'apprécie, puisque j'aime quand on passe outre les conventions pour aller chercher les sujets qui dérangent. Et ce n'est pas quelques autres chroniques qui vont me contredire. C'est donc avec un intérêt relativement fort que je me suis penché sur ce Seinen en trois tomes de Mikoto Yamaguti qui n'a visiblement rien fait d'autre.
«Drôle», «Sadique», «Gore». Voilà en gros les trois mots qui résumaient l’œuvre et forcément dit comme ça, on ne pouvait qu'en avoir envie. L'humour était clairement un point positif qui différenciait la sortie de ses petits camarades de «Doubt», «Judge», «King's Game» et compagnie. «Scumbag Loser» est effectivement un peu comique. Mais alors un peu seulement, puisque le seul ressort comique du manga consiste en son personnage principal, archétype de l'otaku façon Confessions Intimes. Pleutre, lâche et gentiment déviant (il aime renifler les culottes des filles, fantasme bien connu des amateurs de mangas), Masahiko incarne l'autiste next-gen. Certes, c'est plutôt cool d'avoir un type laid et un peu crétin en tant que héros mais le problème est qu'il n'est pas vraiment un antihéros. Ce personnage n'est ni assez lâche, ni assez asocial, ni assez déviant pour être un véritable antihéros sans scrupules et il retombe très vite dans les travers du héros habituel. Soit, ce n'est pas vraiment un drame en soi mais c'est tout de même un peu tiré par les cheveux, surtout quand on pense que la série, jusque dans son intitulé, fait l'apologie et la promotion d'un loser sans sentiments. Drôle donc? Oui, mais seulement sur le début de la série où Masahiko reste dans son stéréotype de lycéen boulet et enchaîne les situations Trololesques...
Nous sommes ici devant une œuvre érotico-gore, pour le plus grand plaisir des fans du genre mais pas vraiment pour le miens. Aguichage des mecs, girls-band d'Idoles, rapports sexuels par téléphone et gros plans sur des poitrines sur-dimensionnées sont bien évidemment au rendez-vous. Bon bien sûr, tout cela est globalement inclus dans le scénario rendant ces passages nécessaires mais encore une fois, pourquoi rester le postérieur entre deux chaises? On a l'impression que ces scènes ne sont pas là pour rajouter une dose de malsain mais pour remplir le quota de nanas à poil. Quitte à faire dans l'irrévérencieux autant y aller à fond où alors rester carrément dans le plus policé et supprimer ces scènes qui n'apportent franchement rien, tant visuellement que dans le scénario puisqu'elles paraissent rallongés au possible à coup de gros plans absurdes.
Le constat est approximativement le même pour le sadisme, qui reste franchement soft et sympathique. Pas de coup fourrés, pas de pièges, pas de «mind-game», juste du sang par moments. On ne peut pas dire qu'à un moment on se dit: «Je n'aimerais pas être à sa place». On ne va pas dire que tout est lisse mais franchement on aurait aimé que le tout soit plus poussé dans l'extrême, dans la violence et de le dilemme.
Mais «Scumbag Loser» n'a pas que des défauts. Le style graphique notamment est un des points forts du manga. Car si l'on voit effectivement des filles en tenue d'Eve, elles sont franchement grassouillettes et repoussantes, de même que la plupart des intervenants dans l'histoire qui sont tout sauf des mannequins Yves-Saint-Laurent. Et ça, c'est franchement cool! De même les quelques scènes de patatage en règle sont bien fichues, notamment grâce à l'apport certes classique mais toujours efficace de la batte de base-ball, outil bien connu des hooligans et des héros de films d'horreur américains. Ce n'est pas la solution intellectuelle par excellence pour régler un problème mais ça fait le job et ça nous rappelle le Beatdown, Kickback et Cobra.
De même, la trame générale du manga se tient bien. Les twists ne sont pas renversants mais ils ont le mérite d'exister ce qui n'est franchement pas si mal. Par là même, l'évolution du personnage principal en héros – que je considère assez négativement – pourra être un atout pour certains lecteurs en raison de sa bonne fluidité. Masahiko change, et même si je continue de penser qu'il n'aurait pas du, il change d'une manière plutôt réaliste et progressive.
«Scumbag Loser» est une série correcte, qui offre un divertissement sympathique mais qui aurait franchement gagné à pousser plus loin dans le politiquement incorrect. A la fin des tomes, on à un peu l'impression d'avoir lu un remake de Disney par Gaspard Noé. L'enrobage est bel et bien glauque mais le fond est nettement plus mignon et policé. Cependant, avec cette première production, Mikoto Yamaguti affirme un style visuel intéressant et une certaine affection pour les scénarios à rebondissements. Espérons qu'il se rende compte de ses erreurs pour sa prochaine série et qu'il nous offre quelque chose de plus poussé.