L’infirmerie après les cours où le manga à l’impossible classification. Entre Yuri / Yaoi / Shôjo / Psychologique, il est bien difficile de comprendre où veut nous emmener l’auteur est c’est certainement ce qui fait la différence avec bien d’autres histoires. Reste à savoir si cette différence est profitable et si le reste vaut le détour.
Le point qui m’a sans conteste le plus marqué, c’est l’ambiance générale elle-même résultat d’un scénario pour le moins alambiqué. Comme l’explique le synopsis, on nous présente donc un intersexué (plus qu’un androgyne) qui, refusant de reconnaître sa moitié féminine, se montre en tant qu’homme à l’ensemble de son lycée. Puis voilà qu’un jour, ou plutôt un soir, une infirmière que personne n’avait jamais vue propose à notre ami(e) une expérience qui pourrait réaliser son rêve. Une expérience qui réclame d’être plongé dans un rêve où, grâce aux trois vies accordées, chacun de nos adolescents mal dans leur peau vont tenter de trouver la « clef » qui résoudra leurs problèmes.
Vous l’aurez compris, le scénario est pour le moins étrange, et semble tirer ses sources plus du fantastique que des classifications évoquées en introduction de cette critique. Pourtant, c’est bien une histoire de sentiments dont il est ici question, et notre protagoniste principal, Machiro, à la psychologie travaillée, voire torturée par sa spécificité sexuelle, change en permanence d’état d’esprit. Tantôt femme, tantôt homme, on s’approche fortement du concept de la schizophrénie, et c’est ce changement constant de personnalité qui le poussera à essayer différents types de relations. En revanche, je dois bien avouer que la fin m’a un peu perdu. Tout arrive un peu trop vite, les révélations s’enchaînent et j’ai fini par décrocher, dommage.
Une ambiance pesante également provenant des phases de rêves. Ces derniers sont spécialement retors dans leur approche et ranche radicalement des passages IRL. Ici, torture, tentative de viol et meurtres définissent ces moments qui, sans atteindre le niveau d’autres œuvres, sont pour le moins étonnants du fait du genre auquel semble appartenir L’infirmerie après les cours. Des scènes qui m’ont plu et qui, en plus de bien s’intégrer dans l’histoire, arrivent toujours au bon moment scénaristiquement parlant et sont avant tout un moyen de développer l’intrigue du « vrai monde ».
Psychologie, ambiance et scénario sont donc au rendez-vous, cependant le reste est à mon goût loin d’être concluant. Déjà le côté mélodramatique de l’ensemble, s’il reste normal et compréhensible au début, finit par prendre une place bien trop importante sur le reste et la surenchère est de mise dans bien des discussions. Ajoutons des personnages secondaires qui, même s’ils profitent d’un background appréciable, sont loin d’égaler la profondeur de Machiro et on a finalement tendance à ne pas y apporter plus attention que cela. Sou est finalement assez stéréotypé, Kureha fait un peu coquille vide et n’a de cesse de s’inquiéter de se relation amoureuse au point d’en devenir « lourde », mais tout ceci reste très subjectif et je comprends que d’autres personnes pensent autrement.
Enfin, un petit mot des graphismes. Outre des décors vides, peu nombreux et sans vie, le chara-design m’a plus déplu qu’autre chose. Yeux dix fois trop grands, mains disproportionnées, certains personnages vus et revus, peu de choses sont à se mettre sous la dent de ce côté. En revanche, s’il y a bien une chose que je reconnais à Mizushiro Setona, c’est sa capacité à jouer avec le visage de son personnage central qui, avec la même forme, paraîtra féminin par moment et bien plus masculin à d’autres. Un trait qui n’a donc pas su retenir mon attention.
Conclusion, que retenir de ces dix tomes pour le moins insolites ? Alors bien sûr, je ne prétends pas détenir la vérité suprême, d’autant que ce manga a l’air de partager ses lecteurs au vue des précédentes notes, mais voilà ce que j’en tire : pas mal de bons points qui font que cette infirmerie après les cours se détache délibérément des productions shojesques habituelles pour obtenir un tout assez complexe, mais aussi quelques défauts qui ne doivent pas pour autant être occultés. Néanmoins cela ne saurait revenir sur le statut de lecture plus que recommandable que je décerne à cette histoire. Un 7,5 pour ne pas changer, mais un 7,5 amplement mérité.