Le champ de l'arc-en-ciel est une oeuvre plutôt complexe. On nous présente différent points de vue, tout en alternant le passé et le présent. Tout les personnages sont liés entre eux, peu importe l'évènement. Aucun n'a d'existence propre sans un autre. C'est une petite ville dans laquelle se déroule l'histoire donc ils finissent tous par se rencontrer à nouveau un jour ou l'autre. On suit principalement Suzuki, Komatsuzaki, Higure et Arakawa. Ces quatre-là sont liés à Arie Kimura, petite fille à l'époque, que ses camarades ont jetés dans un puits afin que le monstre dans le tunnel soit rassasié et que la fin du monde n'arrive pas. Dix ans ont passés depuis ces évènements mais elle est toujours dans un état végétatif. Ses blessures ont guéries et pourtant elle ne se réveille pas. Alors qu'elle continue de vivre dans un sommeil profond, le monde autour d'elle a continué à avancer. Les quatre personnages cités au-dessus sont encore bouleversés, bien des années après, par la rencontre avec Arie. Alors que certains comme Arakawa ont décidés d'oublier le passé, d'autres en gardent toujours un souvenir et vivent en conséquence. Notamment Komatsuzaki et Higure.
Tout au long de l'histoire, on peut s'apercevoir que les papillons en font partie intégrante. Ce sont eux le fil conducteur et ils guideront ainsi certains personnages dans le but de réaliser une "quête". C'est un peu comme s'ils prenaient possession d'eux. Selon moi, ces papillons ont un rapport très étroit avec Arie ou Suzuki. Il serait difficile d'en parler sans révéler des éléments de l'histoire. Une chose est sûre, il vous faudra plus d'une lecture pour rassembler toutes les pièces du puzzle et les remettre dans l'ordre. Lorsqu'on arrive à comprendre l'essentiel, on remarque l'habileté avec laquelle Asano a su alterner le passé et le présent des personnages pour former un tout cohérent dans lequel on décèle une pointe de symbolisme. Il semblerait en effet que ces fameux papillons ait un lien avec l'âme. Au delà de ce symbolisme, il y aurait également un rapport avec le penseur Chinois Zhuangzi dont le passage du texte "Le rêve du papillon" est lu par Kyoko dans le manga.
« Un jour, le philosophe Zhuangzi s’endormit dans un jardin fleuri, et fit un rêve. Il rêva qu’il était un très beau papillon. Le papillon vola çà et là jusqu’à l’épuisement ; puis, il s’endormit à son tour. Le papillon fit un rêve aussi. Il rêva qu’il était Zhuangzi. À cet instant, Zhuangzi se réveilla. Il ne savait point s’il était, maintenant, le véritable Zhuangzi ou bien le Zhuangzi du rêve du papillon. Il ne savait pas non plus si c’était lui qui avait rêvé du papillon, ou le papillon qui avait rêvé de lui. »
Bref, si l'on met de côté toute cette complexité, on peut voir que le manga aborde aussi des thèmes de notre société moderne. La violence scolaire, le meurtre, le rejet et l'abandon ou encore le chantage. Autant de sujets qui peuvent arriver à n'importe qui, pour une raison ou pour une autre. Bien entendu, le meurtre étant vraiment un extrême quelque soit le motif. Ici, je ne l'ai pas trouvé aussi choquant que l'on pourrait croire. J'ai même trouvé ça cohérent et justifié, même si l'on sait qu'il n'était pas vraiment lui-même à ce moment là.
Etant l'une de ces premières oeuvres, Le champ de l'arc-en-ciel s'inscrit déjà dans un genre particulier. Entre surréalisme et réalité. La patte du Maître est déjà bien là même si l'on remarque quelques différences entre ce manga et les plus récents. Même si ce n'est qu'un détail, ici les reflets dans les cheveux n'existent pas. Il y a beaucoup moins d'attention portés sur les détails comme ceux-là. J'ai également trouvé les personnages moins expressifs que ceux que l'on retrouve dans Umibe ou Bonne nuit Punpun par exemple.
Le champ de l'arc-en-ciel mérite relecture et attention pour en savourer pleinement le contenu. C'est une oeuvre très complète et assez compliquée, qui laisse à chacun le soin d'apporter sa propre interprétation des papillons et de l'histoire.