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Le manga au sommet de son art

» Critique du manga Ascension par Shizao le
13 Juin 2015

Kokou no Hito ou Ascension en français est un manga qui a capté mon attention pour ses dessins mais aussi parce que j'attendais un développement pointu des personnages. Je n'ai aucun intérêt pour l'alpinisme ou l'escalade de manière général mais ça vaut quand même le coup de tenter !

Tout commence avec Mori Buntarou, un jeune lycéen qui vient d'être transféré et jusque là on a un cas plutôt classique : le personnage de Mori est sombre, désintéressé de tout ce qui inclue d'autres personnes. Un asocial quoi. Mais d'entrée son camarade Miyamoto décide de s'en prendre à lui et Mori prend le pari d'escalader un bâtiment de l'école pour avoir la paix. C'est vraiment cette escalade qui donne un aperçu de ce dont on doit s'attendre dans Ascension. Les dessins sont tout simplement géniaux (mais j'y reviendrais plus tard) et rendent les mouvements de Buntarou spectaculaires sans trop exagérer non plus. Ce point de départ m'a permit d'être tout de suite plongé dans le manga, pas besoin d'un ou deux tomes pour m'adapter au rythme de l'histoire et pourtant l'escalade m'importe peu, mais la volonté que transmet l'auteur à son personnage m'a donné envie de le voir poursuivre sa progression. Peu importe le domaine, la passion est une chose qui intrigue forcément et il est clair que le personnage principal a eu un vrai coup de coeur pour cette discipline. Pourquoi ? Parce que Mori Buntarou, l'étudiant blasé, se sent vivre (et non revivre) à travers le risque, à travers l'altitude.

Comme tout bon manga de sport qui se respecte, l'aspect technique et tactique est développé en profondeur. Les noeuds, les mouvements des bras et des jambes, la façon de positionner ses doigts et l'équipement pour la technique, la définition des routes pour la tactique. Il faut savoir que pour chaque mur/rocher/montagne il y a une ou plusieurs routes à définir. Au-delà des moments pour se ravitailler ou pour bivouaquer (vous comprendrez en lisant évidemment), la route à définir est celle qui permettra d'arriver au sommet. L'escalade est donc un sport qui nécessite un certain temps de préparation, un vrai moment de réflexion qui est indispensable à la réussite de "l'attaque". Comme dans d'autres sports il y a donc cette dualité entre le moment de la réflexion où il faut faire preuve de sang froid, de réalisme (ne pas tenter une attaque trop dangereuse) et forcément de logique. L'autre moment c'est tout simplement celui de l'émotion, comme lorsqu'on marque un but de la victoire finale au foot ou au hand', un panier au buzzer au basket, le point décisif en tennis, bref vous aurez compris... L'atteinte du sommet. Tous ces moments de logique pure et dure, presque une science pour atteindre l'opposé : l'instant présent, l'émotion, l'instinct, sans autre considération. Et cela se traduit par une vue magnifique que l'auteur a parfaitement su retranscrire, on comprend à travers une planche sublime la satisfaction de l'alpiniste.

Enfin, précision nécessaire : l'escalade peut être un sport d'équipe comme un sport individuel. Que ça soit pour les rochers ou les montagnes, neige ou pas. Et avec cette précision on en arrive directement au développement du personnage principal et d'un des grands thèmes du manga...

Revenons sur Buntarô, qui est donc un asocial, il préfère être seul. La compagnie des autres le gêne, il ne les comprend pas et les autres ne le comprennent pas. Il a de vrais difficultés à s'exprimer et en tant que lecteur, on comprend ce qu'il ressent via les allégories de Shinichi. Il est pourtant doté d'un talent certain pour l'escalade, ce qui pourrait le rapprocher des autres mais l'idée de vivre sa passion seul le ravit évidemment. L'aspect solitaire du sport qu'il vient de découvrir devient sa priorité, en peu de temps, l'adolescent déprimé se transforme en passionné isolé. Mais cette isolation, vous vous en doutez bien, ne lui déplait pas du tout. La question que vous vous poserez sans doute en lisant le manga (c'est mon cas en tout cas) est : chercher la solitude est-il une bonne chose ? La réponse était très convaincante pour ma part. Si la solitude est développée, la vie de groupe l'est forcément aussi et un cadre lycéen est plutôt une bonne idée pour mettre en scène cette opposition. Parce qu'il faut savoir qu'Ascension est une adaptation du roman Kokou no Hito relatant la vie de l'alpiniste Katou Buntarou... Né en en 1905 ! Sakamoto Shinichi a donc replacé un personnage inspiré de cet homme dans un contexte très différent et ainsi cette évolution de vie lui permet de développer certains thèmes.

Parce que la solitude s'accompagne souvent d'autres problèmes : les gens, leur façon de vivre, les filles, l'école, le travail... Ce que j'ai bien aimé dans cette partie de la vie de Buntarou, c'est de voir comment un jeune comme lui avait du mal à s'adapter à ses semblables qui ne pensent qu'à boire et dont toute autre forme de loisir les dépasse. L'auteur montrait à ce moment là le comportement de Buntarou face aux jeunes populaires (sans faire de généralité non plus) qui ne chercheront pas plus que ce qui pourra les divertir en les mettant dans un état second.
L'évolution du personnage est passionnante, ça va au-delà de l'ado en crise sociale, sa perception du monde qui l'entoure montre bien que c'est un garçon mature et posé, même si ses problèmes sont réels. Cependant il n'y a pas que Buntarou et ceux qui le rejettent, après tout Shinichi met en place un monde réaliste, il y a aussi des personnages sympathiques, des gens prêts à l'aider, pour ne pas trop spoiler je ne vais développer ce point qui est l'une des clés du manga.

Enfin il y a d'autres alpinistes également, le côté soliste de Buntarou n'exclut pas la rivalité. Que l'on soit en équipe ou seul, dans un sport, l'envie de se dépasser est indispensable pour progresser. Quoi de mieux que d'observer les autres ou avoir un ou plusieurs rivaux pour se fixer des objectifs ? Ainsi d'autres grimpeurs sont présentés et développés dans le manga, avec des caractères et des destins différents. Toujours dans cette optique de comparer avec son personnage principal et ce qui m'interpelle là aussi, c'est la façon dont Buntarou interagit avec eux, chacun a une influence différente sur lui.

Le meilleur pour la fin : les dessins. C'est un vrai régal, outre la première escalade rapide de Buntarou, c'est les dessins également qui m'ont rapidement mit dans le bain, ça facilite grandement la lecture et surtout c'est très beau. Le réalisme des décors est incroyable, dans l'ensemble le style est un peu sombre et ça n'est pas pour me déplaire, je n'ai jamais été très fan des dessins trop "blancs". Ici les planches sont bien remplies, aucun détail n'est à négliger. Sur certains mangas très bien dessinés (Cesare, l'Habitant de l'Infini, Vagabond ou Aria par exemple...) parfois je m'arrête et je reviens sur une page pour l'admirer à nouveau, tellement c'est beau. Mais sur Ascension, j'aurais mis des années à finir le manga si je faisais ça ! Des planches à couper le souffle, il y en a à la pelle, forcément j'ai arrêté ma lecture un bon paquet de fois.

Au-delà de l'esthétique, il y a la symbolique. Ascension est un manga complexe : les réflexions du personnage, l'envie de faire une activité dangereuse, la vie de couple, la vie en groupe, la différence entre les montagnes et la ville, la famille, l'école, le travail, la solitude... Tout un tas de thèmes développés comme je vous le disais. Et pourtant, ne vous attendez pas à des dialogues complexes, parce que ça n'est pas le cas. Sakamoto Shinichi est un véritable artiste, pas à l'écrit, mais au dessin. Comme je l'avais mentionné, pour comprendre le personnage de Mori Buntarou, il faut se fier aux allégories de l'auteur. Toute une symbolique, une infinité de comparaisons qui détaille la vision de la vie que se fait le jeune alpiniste. Particulièrement la vision de la montagne, Shinichi peut la faire apparaitre comme une entité bienveillante, un vrai démon, une belle femme, un ami qui le comprend, un adversaire... Bref à l'esthétique s'ajoute un côté poétique magnifiquement retranscrit à travers les dessins. Les autres personnages n'échappent pas à cette façon de faire et j'adhère complètement à cette méthode car elle permet au lecteur de s'interroger pendant sa lecture, de réfléchir, d'interpréter. Rassurez-vous, vous ne finirez pas un tome avec une migraine non plus, Shinichi nous aiguille à travers des symboles clairs et nets du message qu'il veut faire passer ou de l'image qu'il veut donner à un personnage ou une chose. Un conseil que je peux vous donner : avant d'attaquer le chapitre 160, lisez le poème Erlkönig de Johann Wolfgang Goethe puisque le chapitre y est lié.

Si je devais parler des défauts d'Ascension, je dirais qu'une chose sur Mori Buntarou n'a pas été assez développé à mon sens mais encore une fois, le lecteur devra s'en remettre à son interprétation. Au final je suis plus que convaincu, Ascension n'est pas qu'un manga qui se lit, il s'admire.

Verdict :10/10
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A propos de l'auteur

Shizao, inscrit depuis le 28/12/2014.
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